Test – Grand Prix (un jeu pour ceux qui prennent Delage)

Oubliez chevaux cabrés, flèches d’argent et boissons taurines : Grand Prix vous emmène sur la piste vintage des Bugattis, MG, et autres Delage et vous invite tout simplement à participer au premier Grand Prix de l’histoire. Sortez monocles et manivelles, ça va démarrer sec !

Un jeu pour James, Richard et Jérémy

Que voilà un pitch qui fait envie : un jeu de course accessible aux marmots, mais sans escargot, sans coccinelle ni tortue. De l’asphalte, des virages serrés et des clous sur les pavés. Bref, une bonne odeur d’essence et de caoutchouc brûlé. Avouons-le : la plupart des jeux de course pour enfants mettent en scène des animaux ou des voitures rouges avec des yeux. La bonne vieille bagnole de course, elle, est politiquement incorrecte jusqu’aux premières parties de formule dé ou de Rallyman, c’est à dire à partir de 8 ans. C’est le constat attristé qu’à dû faire l’éditeur Marbushka qui propose donc aux marmots de 6 ans d’entrer dans la légende du sport automobile en participant à la première course de l’histoire. Mais prenez garde chers pilotes : pour l’emporter il faudra faire preuve de patience, d’audace et de tactique. Surtout de tactique, d’ailleurs.     

Un matériel superbe, mais… 

L’ouverture de la boîte de Grand Prix est symptomatique de l’ensemble du jeu. On y trouve 5 petites voitures en bois, un joli deck de cartes, un sac en tissu avec quelques pions cartonnés et un plateau de jeu superbement dessiné. L’ensemble est sobre mais bien réalisé et ferait honneur à la vitrine de Papy.  Car au regard d’un marmot de 6 ans (de ceux que je connais en tout cas), la déception est de mise. Pas de dés, pas de jetons flashy, pas de turbos, pas de Ferrari, pas de Flash Mc Queen… Très éloigné de ces univers mercantiles et criards, Grand Prix, nous propose des couleurs pastel, un circuit bucolique, une règle du jeu sans la moindre couleur ni illustration. Bref, Fast & Furious mis en scène par les Frères Lumière. Et le nom des bolides laisse également le marmot songeur : MG, Delage, Peugeot… Et si une Bugatti est bien présente, son look années années 30 est assez nettement éloigné d’une Chiron dernier cri.

En d’autres termes, et pour être plus explicite encore, je peux immédiatement vous épargner la fastidieuse lecfture qui suit : il est très improbable que vous amusiez un enfant de 6 ans avec ce jeu. Pas impossible, évidemment, mais au demeurant improbable. Car si du haut de mes quarante-trois ans j’ai trouvé ce jeu particulièrement réussi, mon neveu de six ans a regardé le contenu de la boîte avec un désarroi notable dans son jeune regard. Pas de couleurs vives comme les escargots de Vroom Vroom, pas de coups fourrés façon Rush & Bash, pas de turbo à la Mario Kart. Bref, l’extrême sobriété du jeu ne le destine pas forcément à un public aussi jeune. Tant mieux si je me trompe. 

Gentlemen, start your Absinthe !

Une fois la sobriété de la règle digérée et la partie lancée, on réalise en effet à quel point Grand Prix est un bon jeu… pour les grands. Vous trouvez que je radote, mais attendez d’en savoir plus. Le principe du jeu est en effet extrêmement simple et facile à appréhender. Chaque joueur prend un pilote et son deck de cartes, numérotées de 1 à 6. On prépare ensuite le plateau de jeu en y disposant l’ensemble des obstacles (mur de briques, flaque d’huile…), tout en tenant compte que le tracé en possède déjà (virage serré, rivière, etc.). 

Chaque joueur choisit ensuite l’une de ses cartes et la pose devant lui, face cachée. Le but est de choisir une carte qui ne vous fera pas rencontrer un obstacle, ou bien votre mouvement sera annulé. Tous les joueurs retournent ensuite leurs cartes simultanément et la course est lancée. Les mouvements s’effectuent du plus petit nombre au plus grand. Un joueur qui a choisi de jouer un “2” jouera donc avant un joueur qui a choisi de jouer un “5”. La carte jouée est aussitôt défaussée : le joueur ne pourra la récupérer qu’une fois toutes ses cartes jouées, au bout de 6 tours, donc. 

Le mouvement s’effectue en déplaçant sa voiture du même nombre de cases que le chiffre de la carte retournée. Si le joueur atteint une case vide, il y place sa voiture et son tour est terminé. Mais s’il tombe sur une case sur laquelle il y a déjà une autre voiture, il doit reculer jusqu’à la première case disponible. Si cette dernière est un obstacle, le déplacement est annulé (mais la carte sera tout de même défaussée). La course se poursuit ainsi de suite jusqu’à la ligne d’arrivée : une zone de décélération est prévue pour départager ceux qui finiront dans le même tour.

Il n’y aura alors plus qu’à brandir la coupe (et asperger les autres joueurs avec du champomy). 

Les joueurs doivent donc en permanence tenter de deviner quelle case sera “libre” au prochain tour, et si possible la plus éloignée d’un obstacle possible. Bien évidemment, il est utile de procéder à l’intox de ses adversaires pour les inciter à freiner quand vous comptez vous même mettre un grand coup de boost. 

Petits et grands marmots

Si les adultes s’amuseront énormément à Grand Prix, je suis plus dubitatif sur l’intérêt que vont lui porter des enfants de moins de 8 ans. Que l’on ne se méprenne pas : les mécanismes sont parfaitement accessibles à un enfant de 6 ans et le thème de la course automobile est très porteur. Mais le décalage entre le thème et la réalité de la mécanique de jeu risque d’en laisser quelque uns dans les stands. Les courses sont lentes, tactiques, et Grand Prix évoque parfgois davantage un jeu de blocage qu’un jeu de course. Monza (de chez Haba) avait justement évacué cette question du blocage pour rendre les courses plus dynamiques. Il n’en est évidemment rien ici puisque l’un des ressorts du jeu est de compter les cartes déjà utilisées par ses adversaires pour tenter d’évaluer leurs options possibles, chose un peu compliquée pour un enfant de saix ans. Les parties intergénérationnelles seront donc un peu laborieuses, même si ce sera l’occasion d’agglomérer les grands parents, ravis de jouer à des jeux aussi bien conçus. 

L’avis de Plateau Marmots : “Tu le bouges ton tacot, papy ?” 

Loin d’être un éloge à la vitesse, Grand Prix est donc un jeu profondément tactique, de placement et de bluff. Lorsque l’on joue à 4 ou 5, les places disponibles sont chères et les tours perdus seront légion. Contrairement à la plupart des jeux de courses qui font jouer en premier le joueur le plus avancé pour créer des espaces disponibles, Grand Prix propose l’inverse en faisant jouer en premier celui qui aura choisi le plus petit chiffre, et qui risque forcément de se retrouver coincé dans l’embouteillage formé devant lui. Il en résulte donc un rythme très lent, parfois frustrant, parfait pour des adultes mais sans doute un peu trop pépère pour des marmots avides de drifts fumants. Difficile donc d’être enthousiaste sur Grand Prix avant huit ou neuf ans, même si on ne peut que lui reconnaître une mécanique de jeu bien huilée et un superbe matériel.

Un dernier point, qui conditionne au final l’ensemble de cet avis : la qualité du matériel en fait un jeu relativement cher au vu du contenu proposé. 35 euros pour 5 voitures, 30 cartes et 5 jetons, c’est un (grand) prix qui indique clairement sa cible : celle d’un jeu pour adultes. Tout simplement.

Intérêt ludique : Un jeu complexe mais réussi
Intérêt pédagogique : Placement, gestion de main
La phrase qui résume tout : Un jeu de course tactique bien réalisé, un peu cher, qui parlera davantage aux “grands” qu’aux marmots.

Fiche Technique

Un jeu édité par Marbushka / Paille Editions
Date de sortie : 2011
Durée d’une partie : 20 mn
Jouable à partir de 6 ans, mais comptez plutôt 8. 
Prix indicatif : 35 euros

 

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