Test – Aztec

Clac ! Votre fouet s’enroule autour d’une grosse branche qui surplombe le ravin, vous sauvant d’une chute sûrement mortelle avec ce pont qui s’effondre sous vos pieds. D’un bond désespéré, vous vous balancez vers la rive opposée, et avec une roulade peu élégante, vous finissez votre course en sécurité, à un mètre du précipice, encore tout poussiéreux de votre chute. Vous recrachez un peu de terre, rajustez votre bermuda et votre casquette, remettez votre fouet salvateur à sa place sur votre hanche et vous dirigez vers l’ouverture dans la roche, là où les autres vous attendent. Le rai de lumière jaune que vous aviez repéré depuis l’autre rive se fait de plus en plus éclatant à mesure que vous avancez dans le tunnel dont la forme s’évase. Encore quelques mètres et vous débouchez dans une énorme salle remplie de monceaux de pièces d’or et de pierres précieuses. La mâchoire encore un peu béante devant tant de richesses, vous apercevez au centre de la salle trois idoles de pierre, entourant un genre de table et des bancs de pierre, inondés de lumière par un grand trou percé au sommet de la salle et la réverbération sur les joyaux amoncelés un peu partout. Vous regardez vos petits camarades avec une moue dubitative : et si on s’installait là pour commencer le partage du butin ?

Imaginé par Stéphane Beaume et illustré par Sabrina Tobal, Aztec est édité par Matagot pour 3 à 6 aventuriers en culottes courtes à partir de 10 ans et pour des parties de 30 minutes. Le jeu s’intéresse justement à ce moment délicat de la vie de tout explorateur en équipe : que se passe-t-il lorsqu’on découvre un trésor ? Comment le partager ? Et répond à la question de façon très simple : en bluffant pour récupérer les bons joyaux, pardi !

Dans Aztec, vous incarnez un des jeunes aventuriers qui ont trouvé le trésor du temple maudit au moment de la distribution du trésor. Pendant 5 manches, vous allez tenter de collecter le maximum de joyaux pour récupérer le plus de points, le tout en pouvant mentir… Oui oui, tricher est permis par le jeu, c’est même encouragé !

Mais sinon, il y a quoi dans la boîte ?

Déjà, des joyaux, forcément. En 3 couleurs correspondant à chacune des idoles, mais également des pierres maudites d’un noir opaque presque menaçant. Des cartes artefacts, des aides de jeu et des cartes joyaux plutôt fines, un jeton et un plateau en carton pour chaque personnage complètent l’ensemble. La règle du jeu, abondamment illustrée, tient sur un feuillet A4 plié et bien dense.

Côté illustrations, c’est un peu disparate. Si les cartes artefacts sont d’une simplicité extrême et n’apportent pas grand-chose pour l’immersion, la couverture dans ses tons verts mystérieux est vraiment jolie et rend bien l’ambiance un peu surnaturelle d’aventure qu’on s’attend à trouver avec ce thème. Mention spéciale pour les enfants, 4 filles et 2 garçons, d’une dizaine d’années, plutôt mignons mais pas cuculs et, ce qui ne gâte rien, d’origines très différentes. Le logo du jeu, pour une fois, est joliment travaillé et annonce bien l’ambiance.

Le tout tient dans une petite boîte bien remplie et, pour une quinzaine d’euros prix public, on a le sentiment que le prix est bien pensé.

 

Bon et tu as parlé de tricher ?

Je vois que certains suivent ! Donc, en effet, on va pouvoir mentir pendant le jeu. C’est même parfois vivement conseillé, sinon on subirait le hasard des cartes joyaux et s’ennuierait vite.

 

Mais commençons par l’installation du jeu. Chaque aspirant aventurier choisit une plateau personnage et la place devant lui avec le jeton double-face correspondant. Chaque plateau diffère des autres dans la paire de joyaux qui rapporte des points en fin de partie. Sinon, c’est la même chose pour tout le monde : un trio de gemmes de couleurs différentes rapporte 2 points de victoire et les pierres de malédiction en enlèvent suivant leur nombre.

Puis chaque joueur reçoit 5 cartes joyaux, une pour chaque manche et 2 pierres maudites pour commencer.

Et, soudain, surgit face au vent, l’aventurier de tous les temps !

A chaque manche, les joueurs vont prendre secrètement connaissance de leur carte joyaux qui figure une combinaison de gemmes et déposer depuis la réserve générale des joyaux sur leur carte face cachée. Et c’est là qu’on peut bluffer ! Car la carte que vous avez peut ne pas vous convenir pour les couleurs, ou bien rapporter seulement 2 pauvres petites gemmes alors qu’il y a des cartes à 4. En pratique, donc, vous pouvez soit vous conformer au dessin de la carte, soit tenter de bluffer et récupérer plus ou des pierres qui vous arrangent mieux.

Ensuite, chaque joueur va tenter de deviner si ses petits camarades ont menti ou pas, en utilisant leur jeton personnage. Face verte si vous pensez que le joueur à qui vous l’affectez dit la vérité, face rouge si vous pensez qu’il ment. Au passage, suivant que vous ayez une tête franchement suspecte ou un visage d’ange, vous pouvez parfaitement vous retrouver avec plusieurs jetons personnages des autres joueurs devant vous.

Puis les joueurs dévoilent leur carte joyaux tour à tour. Mais si vous avez menti et que vous vous êtes fait prendre la main dans le pot de confiture, tant pis pour vous ! Vous récupérez les gemmes dessinées sur votre carte, et pas celles qui vous faisaient rêver. Et les joueurs qui vous ont percé à jour vous donnent une de leurs pierres maudites. Mauvaise opération s’il en fut. Si par contre des joueurs avaient foi en vous alors que tout le monde sait que c’est vous qui finissez le gâteau derrière une porte aux déjeuners de famille chez tata Janine, tant pis pour eux ! Ils piochent une pierre maudite. Et si vous êtes innocent comme l’agneau qui vient de naître et qu’on vous a accusé de mentir, vous donnez une pierre maudite à chacun des mécréants qui ont douté de vous. Quant aux êtres clairvoyants qui vous ont cru, ils peuvent se défausser d’une pierre maudite dans la réserve.

Les cartes artefacts récompensent les innocents faussement accusés par plus de 2 autres joueurs, les menteurs qui sont totalement passés entre les gouttes et les accusateurs, s’ils sont plus que 2, qui ont démasqué un menteur. Ces cartes apportent soit des objectifs supplémentaires, soit des bonus immédiats, comme se débarrasser de pierres maudites. En revanche, il n’est nulle part précisé (nous avons relu les règles plusieurs fois pour nous en assurer) si les cartes artefacts objectifs étaient jouées face ouverte ou cachée. Comme les objectifs des cartes personnages sont bien visibles, nous avons décidé de les jouer face ouverte, afin de donner le maximum d’informations à tout le monde, le ressort essentiel du jeu consistant à essayer de deviner qui ment.

A la fin de chaque manche, intervient la distribution des malédictions, un des petits twists du jeu qui le rendent franchement malin : chaque joueur qui a la majorité de gemmes dans une couleur remporte les pierres maudites présentes sur la carte idole de cette couleur. En cas d’égalité, on ne distribue pas les pierres maudites, elles seront là pour le tour suivant. Et comme à chaque début de manche on rajoute une pierre maudite sur chaque idole, ça peut très vite finir par piquer.

A la fin des 5 manches, on compte les points de chaque aventurier : pour les paires mentionnées sur sa fiche de personnage, pour les trios de 3 gemmes différentes, pour les éventuels objectifs des cartes artefacts et moins la ribambelle de points perdus du fait des pierres maudites. L’aventurier qui a le plus de points remporte la partie et peut se gausser de la mine déconfite des autres enfants.

Le vrai héros de tous les temps ?

Avant de vous donner mon avis sur Aztec, il faut que vous sachiez que je suis nulle en bluff. Mais nulle de chez nulle, hein. Dès que je mens, j’ai l’impression de jouer ma vie et que ça se voit sur mon visage, que je deviens toute rouge et transpirante. Dans ces conditions, je fuis plutôt les jeux de bluff comme la peste, non équipée pour éviter de subir le jeu. Sauf que là, j’étais la seule à la rédac’ de Plateau Marmots à avoir le public sous la main, les autres étant équipés de marmots de plus petites tailles. Un des privilèges de doyenne de la rédac’, on va dire.

Aussi, quand le chef m’a demandé de m’occuper d’Aztec, j’ai un tout petit peu paniqué. Un tout petit peu. Puis je me suis dit que c’était un bon moyen de vérifier ma perspicacité de mère sur mes marmottes ados. Bon, je me suis fait rouler dessus. Plusieurs fois. J’en ai déduit que le jeu ne me permettrait pas d’évaluer mon détecteur à mensonge adolescent. Bon, voilà, passons.

A part cela, le jeu est vraiment plaisant.

Simple au moment de la décision de bluffer, déjà. On sait d’emblée si une carte joyaux va nous aider ou s’il faut la contourner. Mais attention à ne pas passer trop de temps à réfléchir à ce qu’il vous faut prendre, car sinon, on saura que vous mentez. Sauf si vous êtes naturellement lent. Ou si vous faites exprès d’être lent pour induire les autres en erreur, ce qui serait particulièrement vicieux.

Attention aussi à ne pas être trop gourmand en mettant plus de 4 gemmes sur votre carte joyaux ou 3 couleurs, ce qui est impossible. Ça reviendrait à coller un gros panneau mensonge sur votre tête, et ça, on ne veut pas, hein.

La partie la plus fun du jeu, pour moi, vient après : quand il faut tâcher de déterminer qui a menti et si l’ado qui vous regarde avec ses grands yeux innocents n’est pas en train de jouer un tour pendable. Vous ressortez alors tout votre arsenal de parent rompu à l’exercice : cette petite moue, est-ce un tic de l’ado, ou un signe de culpabilité comme quand elles vous ont avoué après des années qu’elles mangeaient en cachette de la crème hydratante ?

Puis la déception, quand vous comprenez que l’ado s’est encore jouée de vous lorsqu’elle a déclaré qu’elle « [disait] toujours la vérité comme tu m’as appris, maman ».

Bon mais tu nous trouveras bien quelques petits défauts, quand même, hein ?

Il faut noter qu’on revient plusieurs fois sur l’arbre décisionnaire lors du dévoilement des cartes joyaux et l’attribution des pierres maudites ou récompenses. A ce titre, les aides de jeu pour éviter de revenir sur la page correspondante des règles sont indispensables, car les cas de figures et leurs conséquences sont multiples. Cela peut parfois nuire un peu à la fluidité du jeu, mais est inhérent à son système de scoring.

Gros bémol en revanche sur les cartes artefacts à 3 joueurs : les conditions pour en obtenir dépendant du nombre de joueurs qui ont trouvé si vous mentez ou pas, il y a nettement moins de chances d’en obtenir qu’à plus nombreux. Donc lors de nos parties à 3 joueurs, nous n’en avons quasiment pas vu. Peut-être 3-4 en tout sur toutes nos parties. Et que penser du fait qu’on ne sait pas si on doit les jouer ouvertes ? On peut tenter de deviner la réponse avec le dessin d’un des exemples, mais ça change quand même un peu le cours du jeu.

Comme je l’ai dit plus haut, les majorités sur les couleurs sont un bon moyen de permettre aux aventuriers les plus en retard de se rattraper un petit peu, sauf s’ils se retrouvent avec un gros tas de gemmes jaunes qui ne leur sert absolument à rien, sauf à attirer la malédiction sur eux. Toute ressemblance avec une situation existante ou ayant existé… bref, ça n’aide pas toujours les joueurs en retard, mais c’est un paramètre à prendre en compte.

Qu’en conclure ?

Le jeu est accessible plutôt à partir de 10 ans, comme mentionné sur la boîte, quand l’enfant comprend qu’on a le droit de mentir dans un cadre convenu, sans jouer sa vie pour autant. Et le jeu est largement intergénérationnel, car point de mémoire ou de rapidité, pas d’interaction agressive, papi ou mamie pourront prendre plaisir à exercer leur poker faces avec le petit Jean-Kévin sans problème.

Aztec est un petit jeu agréable, plutôt bien édité, pour un prix contenu, accessible et amusant. Comme dans tout bon jeu de bluff, on se prend à essayer de déchiffrer les rictus et les pauses des uns des autres, parfois avec acuité, le plus souvent totalement au pif.

A recommander en famille ou pour les apéros, pour tous les adeptes du petit mensonge sans conséquence.

On aime :

  • La qualité du matériel pour son prix
  • Les illustrations choupinettes
  • L’accessibilité des règles
  • Les interactions bon enfant entre les aventuriers
  • Les aides de jeu
  • Le principe des malédictions qui fait réfléchir pour éviter les majorités
  • Deviner qui a menti ou pas

On aime moins :

  • Ne pas savoir comment jouer les cartes artefacts objectifs
  • Devoir bluffer quand on est nulle en bluff

Le trouver :

Chez Philibert

Chez MagicBazar

Chez Parkage

Chez Ludum

Fiche Technique :

Un jeu de Stéphane Beaume
Illustré par Sabrina Tobal
Edité par Matagot
Pour 3 à 6 joueurs
A partir de 10 ans.

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