Test – Les Héros de Kaskaria
Délaissant (momentanément !) les licornes et les corbeaux fruitovores, Haba semble désormais soucieux de proposer des jeux (un peu) plus matures qui sauront séduire les marmots de 6 à 12 ans. Digne représentant de cette nouvelle tendance, les Héros de Kaskaria est un jeu de plateau qui plonge le joueur dans un univers d’Heroic Fantasy. Ces nouveaux personnages, chevauchant griffons et panthères parviendront-ils à égratigner l’image un peu trop policée de l’emblématique éditeur allemand ?
En dessous du Volcan
Le ton est donné dès le texte d’intro, loin de la bienveillance habituelle de l’éditeur aux boîtes jaunes. En effet, figurez-vous que des Trolls (non, pas ceux avec les cheveux bizarres) ont ravagé la région, pillé les coffres alentour et piqué l’amulette sacrée du village. Bigre ! Pire que tout, ils ont planqué ce fameux talisman au sommet d’un volcan. Les braves du village se font donc fort de ramener l’amulette (et le pognon dérobé, surtout) afin de prouver qu’ils sont dignes du village (et de remplacer le chef à leur retour). Ils se ruent donc sur leurs arpenteurs (sorte de grosses panthères) et leurs griffons pour se précipiter sur la route du volcan.
Et là, je veux dire : Oui Oui Oui ! Là vous m’avez vendu de rêve, les amis. Avec un pitch pareil, je peux demander à Peter Jackson ou JJ Abrams de faire un truc dantesque. Parce que franchement, vos histoires de Super héros Rhinocéros, de pirates qui jouent au mémory ou d’animaux qui se grimpent les uns sur les autres, j’avais du mal à le scénariser. Mais là, oui, oui, oui : allez me chercher Ian McKellen, Tom Cruise, Jared Letho et Jennifer Lawrence : on va faire un blockbuster qui va renvoyer direct Le Seigneur des Anneaux prendre des cours chez Kalidor.
Tout ça pour vous dire qu’on sent que nos amis de chez Haba tentent quelque chose de neuf, à la limite de la prise de risques. De mon côté, en tant qu’adulte, je suis conquis. À présent, reste encore à voir le jeu si le jeu est à la hauteur de sa promesse… .
Du Loot de qualitay
Si la boîte manque – cruellement – de casiers de rangements (j’ai même eu droit à un sachet en plastique refermable troué), on ne pourra que constater que l’ensemble flatte évidemment la rétine pour toute personne ayant un jour ouvert un bouquin de Fantasy. Le plateau de jeu est très joliment décoré, les cartes sont nombreuses, très agréables en main et efficacement illustrées. Les pions, tout en restant dans la lignée “Haba” (en bois peint) ont tout de même un peu plus de majesté qu’à l’ordinaire, grâce aux griffons et arpenteurs particulièrement réussis. Seules les pépites d’or jurent un peu et nous rappellent qu’il s’agit tout de même d’un jeu pour enfants (des jetons auraient fait plus adulte), mais elles sont néanmoins très agréables à manipuler.
La règle, bien rédigée, permet de s’attaquer à la partie dès la première lecture : du tout bon, donc.
“Allez hop, on y va, en route pour le Mordor”
C’est justement dans ses règles que Le Héros de Kaskaria impressionne le plus : tout y est à la fois simple et original, mais surtout maîtrisé.
Afin d’atteindre l’amulette, chaque joueur contrôle deux personnages qui vont tenter de rallier le centre du plateau (le volcan) en empruntant simultanément deux chemins différents : sur terre pour l’arpenteur et dans les airs pour le griffon. Le trajet est plus court pour ce dernier, mais il bénéficie de moins de possibilités de déplacement.
Les déplacements se gèrent via la main de cartes du joueur. À chaque tour en effet, les joueurs peuvent déclencher les actions de leurs cartes, ou bien en piocher de nouvelles (en plus de la pioche, 3 cartes sont accessibles face visible en permanence dans une ligne d’achat).
Les actions disponibles sur les cartes permettent au joueur
- de se déplacer,
- de ramasser des pépites d’or
- de piocher de nouvelles cartes.Pour déclencher ces actions, il suffit pour de se défausser de deux ou plusieurs cartes de la même couleur. Chaque action présente sur les cartes sera alors effectuée : déplacement d’un personnage, pioche de cartes ou ramassage d’or, dans l’ordre souhaité par le joueur.
Stratégie junior
À chaque tour, le joueur a donc le choix entre faire grossir (jusqu’au maximum de 10) sa main ou agir. L’intérêt d’attendre d’avoir collecté plus de deux cartes avant de déclencher leurs effets est donc de créer des combos qui permettent de prendre son adversaire de vitesse.
La règle propose également des variantes (très conseillées) où le joueur obtient des bonus en jouant simultanément des cartes de même type et non plus seulement de même couleur. Bref, le jeune marmot est invité à faire preuve de stratégie et de patience pour déclencher ses effets. C’est bien vu !
En fonction du nombre de joueurs, la partie dure de 15 à 20 minutes et son intensité ne faiblit jamais, jusqu’au dénouement final.
Un final à couper le souffle un peu essoufflé
Ce dénouement final n’est hélas pas tout à fait aussi héroïque que le déroulement de la partie ne le laissait supposer. En effet, après cette folle chevauchée ou ce vertigineux vol vers le sommet du volcan, on aurait pu s’attendre à un combat épique et acharné, façon Talisman, pour récupérer la fameuse amulette. Mais concrètement, les Trolls qui ont volé le précieux se sont contentés de le balancer dans le volcan pour déconner, comme des petits cons qui balanceraient votre cartable sur le toit d’un autobus à la sortie de l’école.
Bref, quand un joueur parvient à atteindre le sommet du volcan et la précieuse amulette, le jeu s’arrête et vient l’heure de… compter les points. Pouf. Eh oui, pas de sorcier déchainé ni de roi squelette en mal de couronne : juste un bon vieux décompte du pognon que chacun a pris soin de récupérer pendant le voyage. Business is business.
Ce qui est toutefois intéressant, c’est que les deux pions de chaque joueur sont décomptés individuellement, et celui qui arrive en premier en haut du volcan n’est donc pas assuré de l’emporter si d’autres joueurs ont ramassé plus d’or en chemin, ou s’ils sont mieux placés sur la moyenne des deux routes. De quoi vous inciter à gérer le déplacement de vous deux pions, pour éviter la mauvaise surprise d’avoir perdu alors que vous aviez gagné.
L’avis de Plateau Marmots
En dépit d’un final qui manque clairement d’envergure, ces Héros de Kaskaria parviennent à faire souffler un véritable vent épique sur un jeu de parcours original et bien pensé. Le déplacement sur la base de combos avec des cartes est une excellente idée, et l’obligation de veiller à la progression de ses deux pions sous peine d’avoir une mauvaise surprise dans le décompte des points en est une autre. C’est donc avec un véritable plaisir que l’on se lance à la recherche de cette amulette magique et que l’on peut plonger sans vergogne nos marmots dans le grand bain de la Fantasy orientée adulte. Les plus grands y trouveront également leur compte, cherchant souvent à déclencher “le combo qui tue” afin de prouver aux jeunes Hobbits que la patience est – parfois – récompensée.
Règles simples et efficaces, matériel optimal : Haba s’appuie sur ses bases pour bousculer un peu son catalogue : cela fait du bien et on ne peut que les encourager à poursuivre cette voie.
Pour un prochain jeu dans l’univers de Kaskaria, on se permettra néanmoins de rêver à un jeu coop’ avec combat final d’anthologie, un peu dans l’esprit d’un Talisman version light. Cela donnerait encore plus d’envergure à l’univers de Kaskaria, qui ne demande sans doute qu’à se laisser explorer. À bientôt les griffons, on a hâte de vous retrouver.
Ca fait plaisir
- Règles originales et accessibles
- Excellente introduction à la Fantasy
- Un peu de stratégie et de tactique dans les combos
- L’idée du double parcours simultané
- Le design général du jeu, très réussi
- Haba qui secoue ses boîtes jaunes, ça fait du bien
Ca fait pas plaisir
- Un final “aux points” qui aurait mérité d’être plus épique
Fiche Technique
Un jeu de Benjamin Schiwer
Editeur : Haba
Année de sortie : 2016
Un jeu pour 2 à 4 joueurs
A partir de 6 ans
Prix indicatif : 25 euros