Test – Prey Another Day

Bon, on va poser les bases, comme ça y’aura pas de malentendus entre nous : je pense que Prey Another Day est clairement l’un des meilleurs jeux de l’année pour jouer avec des enfants. Oui oui, carrem’s. Je pèse mes mots et je les assume. Et là vous allez me dire, « maaieeuh, n’importe quoi : Prey, c’est même pas pour les enfants, d’abord ! » Et j’avoue que si j’avais été un reviewer taquin qui poste son avis Insta sans même ouvrir la boîte de jeu, j’aurais pensé comme vous. Oui, mais voilà, le truc c’est que j’ai beaucoup joué à Prey Another Day avec beaucoup d’enfants, et que je suis donc beaucoup très sûr de moi en affirmant que ce jeu a beaucoup sa place dans votre ludothèque (Eh oui, j’avoue, ça fait beaucoup de beaucoup).

Mais restez-là deux minutes : je m’en vais de ce pas vous expliquer pourquoi.

Brett J.Gilbert et Matthew Dunstan| Stéphane Escapa | Blackrock Games|
2 à 5  joueurs| 8 ans et plus  (mais en vrai bien avant)| 15 min | Déduction et bluff

Le jeu qui a tout changé…

Tout au long de l’été, puis de l’automne, Prey Another Day est probablement l’un des jeux qui est le plus régulièrement sorti sur nos tables de jeux à l’heure du goûter ou de l’apéral. Avec sa mécanique de déduction rapide et ultra accessible, il est assez logique qu’il se soit rapidement fait une place de choix dans l’univers ludique des adultes. Après tout, de belles sensations pour un jeu qui est mis en place en, quoi, 30 secondes maxi : Prey Another Day ne pouvait que satisfaire nos petits cœurs de joueurs pressés.

Mais plus j’y jouais, plus j’étais tenté de le faire essayer à des enfants, afin de découvrir si le jeu ne pouvait pas être pour eux une première initiation au bluff. L’idée me tentait beaucoup, car il s’agit-là d’un concept très compliqué à envisager pour des marmots. C’est assez logique : on passe notre vie à leur dire qu’il ne faut pas mentir, et voilà qu’on veut les faire jouer à des jeux où il faut tromper les autres pour gagner.

Si Prey me paraissait adapté à cette découverte, c’est parce que sa mécanique est vraiment intuitive, et surtout c’est un jeu dans lequel on ne ment pas frontalement (contrairement à un jeu comme Spicy). Il faut deviner les actions des autres et essayer de les tromper sur nos intentions, mais de manière extrêmement logique et intuitive.

Le résultat dépassa toutes mes espérances, les marmots s’appropriant totalement le jeu.

Oui d’accord, mais Prey, qu’est-ce que c’est ?

Vous avez raison, je brûle les étapes. Prey Another Day est un jeu de cartes dans lequel chaque joueur joue avec une main de cartes identique à celle de ses adversaires. Chacun possède un ours, un loup, un lynx, un hibou et une souris. Rien de plus, rien de moins. Le principe du jeu, c’est que chaque carte peut chasser toutes celles qui sont situées en dessous d’elle. L’ours est au sommet de la chaîne des prédateurs. Il peut manger toutes les autres cartes. Le loup, qui est au-dessous de lui, peut manger toutes les autres, sauf l’ours. Et ainsi de suite jusqu’à la souris, qui elle ne peut chasser aucune autre carte.

En revanche, la valeur de chaque carte est inversement proportionnelle à sa capacité de chasse. La souris rapporte 5 points, le hibou 4, le lynx 3… l’ours quant à lui ne rapporte qu’un petit point. Il faudra donc jouer des animaux forts pour ELIMINER les autres joueurs, ou des cartes faibles pour tenter de survivre et marquer des points. Deux stratégies possibles, donc : jouer la survie… ou le score. Vous me suivez jusque-là ?

Le jeu est décomposé en manches successives, jusqu’à ce qu’un joueur obtienne 5 points de victoire ou plus. Chaque manche, quant à elle, est composée au maximum de 3 chasses dans la forêt.

Il faut tirer la chasse ?

Arrêtez de vous disperser, j’essaie de vous expliquer un truc. Vous y êtes ? Bon. Une manche est donc composée de plusieurs phases de chasse, pouvant aller de 1 à 3. Pour effectuer une première chasse, chaque joueur choisit secrètement une carte et la place devant lui, face cachée. Ensuite, l’un des joueurs appelle les animaux les uns après les autres, par ordre de férocité (donc l’ours, puis le loup, puis le lynx, etc.)

« Y a-t-il un Ours dans la forêt ? »

Si des joueurs ont joué la carte concernée par l’appel, ils la retournent face visible. Il peut alors se passer deux choses : un joueur est seul à avoir choisi l’animal, ou bien ils sont plusieurs à avoir choisi le même.

S’ils sont plusieurs à avoir choisi la même carte, alors les animaux se chamaillent entre eux et oublient d’aller chasser. C’est un blocage mutuel. On appelle alors l’animal suivant sur la liste.

En revanche, si un seul joueur a choisi l’animal appelé, il peut alors aller chasser les autres. Le joueur désigne alors l’un des animaux situés en dessous de lui dans la hiérarchie et énonce son nom. Par exemple : « Moi, l’ours, je pars chasser le Hibou ». Et bim : tous les joueurs qui ont joué la carte concernée devront alors la révéler et seront éliminés de la manche. Qu’ils ne s’inquiètent pas : les manches sont très rapides et ils reviendront très vite en jeu.

Les survivants restent en jeu.

La chasse se poursuit avec l’appel de l’animal suivant sur la liste. « Y a-t-il un Loup dans la forêt ? ». Le ou les joueurs qui ont choisi le loup le révèlent, et le même processus s’enclenche.

On appelle successivement de la même manière tous les autres animaux de la forêt, toujours en respectant l’ordre indiqué, jusqu’aux souris.

Une fois que tous les animaux ont été ainsi révélés, on déclenche une seconde chasse.

Évidemment, seuls les joueurs qui ont survécu à la première chasse peuvent y participer, là encore en mettant une carte face cachée devant eux. Mais attention, il y a une subtilité de taille : l’animal joué lors de la première chasse reste posé face visible devant les joueurs, ils ne peuvent donc plus le prendre ! Leur choix se réduit donc à 4 cartes pour la seconde Chasse, et à 3 cartes pour la troisième chasse.

Comme chaque joueur garde devant lui face visible les animaux qu’il a joués lors des chasses précédentes, cela donne un indice fort sur la carte qu’ils ont devant eux. Si vous êtes chasseur avec un ours, par exemple, et que vous voyez que l’un de vos adversaires a joué un lynx et une souris aux chasses précédentes, cela signifie qu’il est désormais forcément un loup ou un hibou sur cette 3e et dernière chasse de la manche. Un petit travail de déduction et d’observation qui fait à coup sûr cogiter les marmots.

Une fois la 3e chasse terminée, on fait le décompte des points. Tous les joueurs qui ont survécu à la manche gagnent 1 nourriture. Mais le joueur qui a marqué le plus de points gagne 1 nourriture supplémentaire ?

Kuwa ??? Des points ?

Et là vous allez me dire : « Mais pourquoi il me parle de points, tout à coup ? »

Je l’ai évoqué brièvement tout à l’heure, mais il est temps d’expliquer ce second aspect du jeu, particulièrement stratégique. Chaque animal joué au cours d’une chasse rapporte un certain nombre de points de 1 pour l’ours, à 5 pour la souris. Un joueur qui joue des cartes « fortes » aura plus de chances de croquer les autres, mais marquera moins de points en fin de partie si ses adversaires ont survécu.

À chaque chasse, les joueurs doivent donc se positionner : vont-ils jouer des animaux forts pour tenter de débusquer les autres, ou des animaux faibles pour marquer des points (et croiser les doigts pour que les autres joueurs se paralysent entre eux) ?

Ce choix offert au joueur est particulièrement palpitant pour les enfants, et la possibilité de voir les animaux joués aux chasses précédentes permet également d’affiner sa stratégie de fin de manche.

Un exemple tout bête : vous avez miraculeusement fait réchapper une souris d’une première chasse, et vous avez joué un loup en seconde chasse. Vous avez donc 5 + 2 = 7 points. Si vous jouez un ours en 3e chasse, vous serez sûr de survivre à la chasse, et vous finirez avec 8 points, ce qui sera peut-être suffisant pour battre tous vos adversaires, a fortiori si votre ours permet d’en éliminer au passage. Il est grand temps de jeter un œil sur les cartes jouées par les autres pour voir où ils se situent. Ceux qui n’ont pas beaucoup de points tenteront sans doute de jouer une carte forte, ce qui pourra diriger votre choix de chasse.

Il faut donc décider, à chaque nouvelle carte, de jouer de manière offensive ou défensive, de jouer sur la déduction et de ne pas se laisser intoxiquer par les attitudes des uns et des autres, qui se feront fort de vous menacer de vous croquer alors qu’ils ont une souris posée face cachée devant eux.

Comme dit plus haut, il faut 5 nourritures pour emporter la partie, ce qui dure en général une petite dizaine de minutes au maximum.

Bon ok, c’est très bien, mais avec des enfants, alors ?

Déjà, la direction artistique de Stéphane Escapa rend le jeu totalement kids-friendly, avec des animaux aux bouilles vraiment sympatoches. Mais au-delà de cela, Prey Another Day fonctionne incroyablement bien avec des enfants – même petits, j’insiste – car il propose une simplicité de jeu tout simplement déroutante : choisir une carte, attendre que la carte soit appelée, constater les effets. Même si le bluff et la déduction ne sont pas encore maitrisés (ce qui est évidemment NORMAL), le plaisir de jeu est déjà là, et incite à aller plus loin. Un enfant, dans les premiers tours de jeu, prend systématiquement la carte la plus forte pour essayer de gagner. Mais il comprendra bien vite que si tout le monde suit ce raisonnement, l’effet de la carte s’annule et qu’il ne gagne rien. Il va donc, progressivement, commencer à chercher d’autres solutions. Soit en partant sur la carte la plus faible et la plus forte en points, soit en prenant une carte légèrement inférieure à la plus forte, comme le loup.

Il en va de même pour la déduction. Quand l’enfant se retrouve avec une carte forte en position d’éliminer d’autres joueurs, il comprendra bien vite qu’en regardant les cartes jouées par les autres joueurs aux tours précédents il sera inutile de viser des animaux qui ne sont plus en jeu. Mine de rien, cela veut dire qu’il faut se montrer attentif au jeu des autres, ce qui n’est pas non plus le point fort d’un enfant de 5 ans. Mais là, avec une carte posée sur la table, il n’y a pas grand-chose d’autre à faire pour lui que d’observer les animaux déjà présents, et en déduire que si la plupart des joueurs a déjà joué une souris, il vaudra mieux envoyer son ours chasser des animaux plus gros, les souris étant déjà toutes sorties.

Ce qui est intéressant, c’est cet apprentissage progressif et très bien cadré de l’équilibrage. Quand un enfant découvre qu’une carte « forte » ne l’est pas forcément sous certaines conditions, il comprend alors que d’autres solutions sont possibles et se met à les explorer. Et c’est en cela que Prey est tout simplement magique : sa simplicité favorise l’apprentissage naturel de notions complexes. Donc OUI, clairement, on peut jouer à Prey avec des marmots de 5/6 ans. Ils ne gagneront pas forcément, mais ils marqueront leurs premiers points quoiqu’il arrive et découvriront des notions de jeu particulièrement gratifiantes de déduction avant même leur premier Cluedo. En cela, Prey Another Day est véritablement une réussite, et donc le jeu qui sort le plus chez nous depuis la première partie.

L’avis de Plateau Marmots (Olivier)

Finalement, Prey est donc un jeu étonnant, sympathique – sans plus – entre adultes, mais totalement captivant dès lors que des enfants entrent dans la partie. Jouable quasiment en autonomie au bout des deux premières parties, il permet de découvrir de nouvelles mécaniques de jeu de manière intuitive, et de faire ses premières armes en déduction / guessing / bluff de manière spontanée. La mécanique de jeu, aussi élégante qu’imparable, ne laisse place à aucune interprétation et la rapidité des parties (10 min, en général) permet d’enchainer plusieurs parties après le goûter. Bref, ce qui semblait n’être sur le papier qu’un aimable jeu d’apéro se révèle être un trésor ludique pour petits joueurs, séduits par un matériel solide, par un gameplay ultra efficace et par le plaisir de renvoyer les grands dans leurs fausses assurances, en voyant sa souris survivre à deux ours empotés. Évidemment, comme tout jeu de ce type, il prend tout son sens à 4 ou 5 joueurs, avec des animaux qui se gênent les uns les autres et qui permettent aux souris de passer entre les gouttes. Mais au global, c’est bluffant, gratifiant, et hautement recommandé de ma propre expérience, quel que soit l’âge de vos enfants. Bonne chasse !

On aime

  • Ultra malin et accessible
  • Matériel au top
  • Direction artistique très réussie
  • Règles intuitives et élégantes
  • Le plaisir du bluff
  • Jouable jusqu’à 5

On aime moins

  • Forcément moins bon à 2 ou 3 joueurs.

Le trouver :

1 thoughts on “Test – Prey Another Day

  • 7 janvier 2025 à 12 h 56 min
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    Merci beaucoup pour tous les “beaucoups” ! Très heureux que Prey Another Day trouve son public et même chez les marmots !

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