Test – La Reine des Ruines Oubliées

Cela fait bien des années que l’on vous parle de jeux de rôles pour enfants, à la recherche de la perle rare qui nous permettrait de partir à l’aventure, juste à l’ouverture de la boîte. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a de plus en plus de titres disponibles, dans des univers souvent très variés. Hélas, la plupart souffrent selon moi du même écueil : leur incapacité à mettre le pied à l’étrier des parents non-rôlistes. C’est un phénomène étonnant mais un peu récurrent : bon nombre de jeux de rôles destinés aux plus jeunes manquent de pédagogie pour les plus anciens, en mode : « mais au fait, comment ça se joue pour de vrai, un jeu de rôles ? ». On sait pourtant que l’animation, la mise en ambiance… feront bien plus pour l’expérience de jeu que la pleine connaissance des règles. Mais pour de très nombreux parents, désireux de se lancer à l’aventure avec leurs marmots, les livrets estampillés « mon premier jeu de rôles » manquent souvent d’indications.

C’est pourquoi nous avons accueilli avec curiosité cette « première aventure » de chez Roletime, une sympathique équipe bordelaise qui s’est spécialisée dans le jeu de rôles et le jeu de société immersif. Leur catalogue compte des jeux très différents mais tous réunis par la volonté de créer du lien entre les joueurs, de leur faire « vivre » un truc fort autour de la table. Des valeurs dans lesquelles nous nous reconnaissons totalement, et c’est donc le cœur battant que nous avons décidé de partir à l’aventure, avec nos marmots.

Alexis Flamand et Jérôme Attal| Mathieu Clochard | Collective Adventure |
2 à 5 joueurs (idéalement 4 / 5)| 5 ans et plus| 60 min | Jeu de rôles


Préparez vos antennes, on part à l’aventure !

La reine des ruines oubliées se présente assez modestement comme « un livre-jeu coopératif », mais c’est finalement assez réducteur car il va bien au-delà, flirtant directement avec le jeu de rôles. Certes, nous démarrons avec des personnages déjà créés (qui n’évolueront guère en cours de partie) et pour vivre un scénario unique, mais vous allez voir que rien ne vous empêchera d’aller ensuite plus loin dans l’exploration de ce chouette univers, pour peu que vous ayez envie d’imaginer la suite de l’aventure.



Bon, allons voir si la rose eut éclose !

Ouvrons la boîte, et découvrons ensemble un matériel à la fois simple et fonctionnel, composé principalement d’un livre d’aventures d’une cinquantaine de pages, d’un plan, et de tuiles prédécoupées représentant les personnages et les jetons nécessaires à la partie. Attention, ne vous attendez pas à du grand luxe : nous sommes clairement sur de l’initiation. On notera d’emblée l’absence de dés, ce qui signifie que les rencontres seront gérées par une autre mécanique, ce qui nous émoustille déjà. De leur côté, les illustrations sont franchement chouettes et mettent immédiatement dans l’ambiance d’une aventure façon Minuscule X 1001 pattes, c’est-à-dire un univers de petites bestioles zonzonnantes. Bref, pour moins de 20 euros, vous en avez largement pour votre argent : on a connu des jeux d’aventure à imprimer soi-même plus chers et moins fournis.



« Loulou le pou et Mireille l’abeilleuuuu »

L’une des grandes forces de La Reine des Ruines Oubliées, c’est de pouvoir permettre une partie rapide, sans mise en place complexe ou création de personnage fastidieuse. Les joueurs sont donc ici invités à incarner l’un des quatre personnages pré-créés : papillon, guêpe, bourdon ou scarabée, chacun riche de ses propres caractéristiques avec forces et faiblesses. De manière assez logique, le Scarabée est un guerrier costaud, spécialiste en rentre-dedans et en intimidation, là où la guêpe est agile et mise sur la perception et l’empathie. Il est à noter que les fiches personnages sont recto-verso, chacun d’entre eux étant appelé à évoluer une fois en cours de partie, avec des caractéristiques boostées.



L’adulte Meneur de Jeu sera invité à aider les enfants à choisir leur personnage (« Tu veux pas faire le scarabée ? Regarde comme il est costaud !« ). On conseillera d’ailleurs d’aller chercher un cousin et la voisine d’en face pour vivre l’aventure à plein. Le scénario est en effet taillé pour 4 insectes, et il serait un peu dommage de se limiter à des sessions en duo, même si c’est techniquement possible.  

La seule autre mise en place à respecter consiste à placer les 10 jetons du jeu dans un petit sac, afin qu’ils puissent être facilement piochés par les enfants (le jeu conseille d’utiliser une chaussette, ce qui n’est pas super pratique dans les faits). Les jetons blessures (ouille) et temps perdu seront quant à eux conservés sur un coin de table.



Ensuite, il suffira qu’un adulte s’empare du livret pour se lancer en tant que Meneur de Jeu. Ne vous inquiétez pas si vous êtes totalement néophyte en la matière : le livre d’aventure vous mènera de bout en bout, c’est promis.



Bienvenue en Aristée…

L’aventure débute – comme toujours dans un jeu d’aventure digne de ce nom – dans une taverne. Eh oui, même les bestioles ont le droit d’écluser un godet d’hydromiel entre deux butinages (ou roulages de bouse). En l’occurrence, notre taverne se trouve de la région d’Aristée, une contrée fort fort lointaine (ou pas tant que cela, d’ailleurs) dans laquelle les fourmis vivent fort fort (fort) nombreuses. Et un drame épouvantable a réveillé la fourmilière en sursaut : la Reine a disparu ! Des héros vaillants sont donc sollicités pour résoudre ce mystère, et ramener la Reine au sein de sa ruche en plein désarroi.


Les joueurs vont donc devoir mener l’enquête et vivant quelques périples, pilotés par un scénario évidemment linéaire  (on rappelle que le jeu est pour des 5 -9 ans) mais sympathique, proposant plusieurs péripéties à défaut d’itinéraires variés.

La mécanique de jeu, plutôt astucieuse, repose sur des tests de compétences que les joueurs doivent résoudre pour faire progresser l’histoire. Ces derniers consistent à comparer la valeur d’une caractéristique à la difficulté d’un test, et de piocher un jeton pour augmenter (ou diminuer) la valeur de la caractéristique du joueur.



Si l’un des insectes, par exemple, décide d’utiliser sa compétence en INTIMIDATION pour obtenir une information, il devra piocher un jeton, l’ajouter à la valeur de sa compétence et comparer le total à la difficulté demandée par le test. Je vous rassure de suite : les échecs sont rares (mais possibles) et relativement peu enquiquinants, puisqu’il existe toujours un autre moyen de progresser dans l’histoire, même si cela fait perdre du temps.



Le jeu vous incite par ailleurs a octroyer des Bonus aux joueurs si ceux-ci se livrent à la partie avec une certaine emphase.

Annoncer : « J’attaque le frelon » vous permettra juste de piocher un jeton, là où « Je prends mon envol, je me cache derrière une poutre de la taverne, je fonce sur le dos du frelon et je me sers de son élan pour l’expédier contre un mur » vous vaudra probablement une oreille plus attentive du Meneur de jeu… et donc un bonus bienvenu.

Selon que l’action soit réussie ou non, cela permettra de progresser dans le scénario et d’arriver sur une nouvelle phase de choix.



L’aventure va ainsi se prolonger le long de quatre chapitres (il sera possible de faire une pause après chacun d’entre eux) pour élucider la disparition de la Reine, en faisant un petit bout de chemin entre vallées verdoyantes et lacs mystérieux.


Au ras des pâquerettes ?

Posons nous deux minutes, et prenons le temps de ne pas dire de bêtises. La Reine des Ruines Oubliées est un jeu pour découvrir l’aventure, jouable à partir de 5 ans. Et il est là pour mettre le pied à l’étrier des mini-aventuriers. Mais chez les mini-aventuriers, il y en a de toutes sortes. Ceux qui sont à l’aise avec le jeu d’imagination, et ceux qui sont encore dans leur coquille. Ceux qui aiment prendre la parole en public, et ceux qui sont trop intimidés pour articuler un son. Du coup, le jeu s’emploie à tendre la main à tous les joueurs, au moyen d’artifices variés. Et c’est plutôt brillant, même si cela ne pourra que questionner le rôliste expérimenté. Pour dire les choses comme elles sont, certaines phases de jeu ressemblent un peu à de l’animation en colo, en mode : « qui sera le premier à me citer deux noms de fleurs jaunes et blanches » ?



Cela sonnera forcément un peu limité pour des joueurs ayant déjà écumé les mers de P’tits pirates ou les sombres bois de Trouilleville, mais c’est finalement très efficace pour tous ceux qui n’ont jamais joué à un jeu de rôles de leur vie. Les inciter à ouvrir la bouche pour participer à la quête, même d’une manière détournée, est franchement intelligent. J’avoue que j’étais dubitatif avant d’animer la partie, mais force est de constater que j’avais tort, et que ces mini segments sont de chouettes idées narratives pour inciter chacun à participer à la trame, puis prendre confiance petit à petit. Pour les plus grands, évidemment, cela tiendra davantage de la séquence un peu bizarre où le MJ se transforme parfois en animateur de soirée-camping. Mais comme tout cela ne dure à chaque fois que quelques secondes, aucune chance que cela ne devienne indigeste.


Victoire flamboyante ou modeste, mais victoire quand même

Selon la taille et l’enthousiasme du groupe, le scénario se parcourt en 1h / 1h30. Avec des enfants de 5-6 ans, il sera très conseillé de séquencer la campagne en deux sessions de jeu distinctes en faisant une coupure après la scène 2. La narration est intelligemment conçue pour qu’une pause survienne à cet endroit, et ce sera donc le bon moment pour que les troupes passent à autre chose.



La victoire ou la défaite, dans le jeu, est matérialisée par les jetons sabliers cumulés au fil de la partie. Ils représentent les échecs rencontrés par les aventuriers au cours de la mission, et donc le temps perdu pour sauver La Reine. Ne vous inquiétez pas : la réussite sera forcément au rendez-vous, les sabliers servent juste à graduer le succès des héros dans leur sauvetage. Mais vous pourrez les utiliser pour maintenir une certaine « pression » (relative !) sur le groupe de joueurs pour les inciter à se dévouer à la quête.



Et après ?

Si l’aventure a fait mouche (ah ah, je suis super fier de celle-là) auprès des enfants, une boîte d’aventures « pour grands » est également dispo. On sera heureux de vous la présenter prochainement.
Pour le reste, La Reine des Ruines Oubliées a un peu l’effet d’une visite à Micropolis : on s’intéresse aux p’tites bêtes et l’entomologie devient un peu notre amie le temps de quelques jours, avant que dinosaures, princesses, dragons et robots géants reprennent évidemment leur juste part. Faut pas déconner non plus.



Pour les parents qui vont animer la partie

Ne perdez pas de vue que le succès de la partie repose sur vos épaules. Ne négligez pas le fait de lire entièrement l’aventure afin de la maîtriser. cela vous permettra de savoir où vous en êtes dans l’histoire. N’hésitez également pas sur les effets de bruitages, les bzzzzz des abeilles, les BRRRRRRRRR des frelons, les cric cris cric des fourmis… Après tout, vous racontez une histoire, alors donnez-vous à fond, en lâchant prise. Plus vous serez investi, plus la partie sera mémorable pour tous les joueurs, vous le premier. Alors ne lisez pas : jouez et surjouez : vous êtes là pour vous amuser !

L’avis de Plateau Marmots (Olivier)

La Reine des Ruines Oubliées est exactement ce qu’il annonce : une première aventure. C’est un récit héroïque immersif et inclusif, pour des marmots de 5-8 ans. Oui, l’aventure est légère et rapide, et en vrai on n’y décide pas forcément de grand-chose, mais cela ne l’empêche pas d’être aussi captivant qu’épique. Si vous êtes des parents à la recherche d’une première expérience en jeu de rôles, réellement faite pour des débutants, alors La Reine des Ruines Oubliées est une aventure totalement taillée pour vos petits héros. Alors oui, ok, certains passages sont un peu simplets, mais le Meneur de jeu aura l’intelligence de solliciter les enfants les plus jeunes… ou les plus timides, pour les résoudre et ainsi les aider à trouver leur place dans le groupe. N’hésitez pas également à inciter les enfants à improviser des dialogues pour tisser des liens entre les personnages, afin que chacun vivre une aventure chargée de chouettes souvenirs, qu’ils se repasseront en boucle le lendemain à la récré. Un chouette truc à vivre ensemble, vraiment.

On aime

  • Un vrai premier jeu d’aventure
  • Une mécanique de jeu simple et efficace
  • Une histoire sympatoche
  • Des personnages simples à incarner
  • Un prix accessible

On aime moins

  • Quelques effets de jeu destinés aux plus jeunes qui peuvent lasser les plus grands

Le trouver

Pour aller plus loin :

Découvrir la version « pour grands »

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