Test – Patou’che

Coïncidence amusante de calendrier, juste après Sheep Hop, voilà qu’un nouveau troupeau de moutons déferle sur nos tables de jeu ! Cela tombe bien : j’adore ces bestioles ! Bon, le pitch n’est pas d’une originalité violente : on devra une nouvelle fois se méfier d’un loup qui rôde dans les parages. Mais que nos paisibles ovins se rassurent : ils sont protégés par des Patous, de gros chienchiens bien décidés à écarter toute menace potentielle. Tout va bien, donc ? Presque, car il faudra tout de même s’assurer qu’il y a assez de chiens pour surveiller le troupeau. Et ce d’autant plus qu’entre bergers concurrents, il sera toujours tentant d’embêter les troupeaux voisins. Qui a dit que le loup serait la seule menace qui pèse sur votre cheptel ?

Patou’che est un jeu de Cédric NH, illustré par Emilie Goulet. Destiné de 3 à 5 joueurs, c’est édité par Oka Luda.

[On le précisera ici encore : ce jeu nous a été cordialement mis à disposition par Oka Luda. C’est pas dit que ça change quoi que ce soit à notre avis, mais ça fait toujours stylé de le préciser. Et dans le cas présent, c’est surtout l’impressionnante carrure de Miguel d’Oka Luda qui nous inciterait à filer droit et à ne pas nous montrer trop désagréables avec le jeu. Coup de bol pour notre dentition : Patou’che est une jolie réussite. Ouf.]

Les moutonssss étaient en sureté dans un parc

Patou’che est un jeu de cartes et de dés qui associe prise de risques et gestion de troupeau, dans lequel il faut réunir un troupeau de 6 cartes moutons avant vos adversaires… et sans que le loup ne vienne les croquer. Il s’agit d’un jeu qui bêle mêle lancers de dés et pose de cartes, pour un combo de jouabilité immédiate et d’intéressantes possibilités tactiques.

Le jeu propose 3 modes : normal, avancé et coopératif, mais tous reposent sur la même mécanique. Si je devais pitcher le jeu en une phrase, je dirais que Patou’che est une sorte de Zombie Dice familial, en plus élaboré, mais procédant de la même logique de prise de risques. Vous allez devoir lancer les dés et tenter d’adapter les résultats en fonction de vos besoins immédiats : agrandir votre troupeau, protéger votre troupeau… ou enquiquiner les troupeaux des voisins. Ne bougez pas : on vous dit tout.

3 dés et une flopée de cartes

Pour que vous compreniez tranquillement de quoi retourne le jeu, commençons par détailler son matériel. Le nerf de la guerre, ce sera avant tout les trois dés que vous allez lancer pour créer votre troupeau. Exactement à la manière de Zombie Dice, la couleur du dé vous indique quelles sont les chances qu’il vous arrive un pépin. Le dé vert ne comporte qu’une face loup, il y en a deux sur le dé jaune et trois sur le dé rouge. C’est important de se souvenir de ce point car dans la mesure où vous aurez la possibilité de relancer les dés, vous saurez ce qui risque de vous tomber sur le coin du pif.

Le jeu se compose également de deux decks de cartes distincts : les cartes moutons, qui représentent votre troupeau, et les cartes Patou, qui le défendent. Et pour parler un instant des cartes, les illustrations d’Emilie Goulet sont à la fois lisibles et rigolotes, dans le plus pur style « bédé » qui évoque immédiatement Cubitus ou Le Génie des Alpages de F’murrrr. On notera également que chaque carte est recto verso : une face jaune et une face rouge, indiquant votre mode de jeu (normal ou avancé). Le jeu contient également 1 jeton loup, également recto verso.

La mise en place est immédiate : séparez les cartes Patou des cartes moutons et posez chaque deck à distance égale des joueurs. Le premier berger prend les dés et pose le jeton loup devant lui. La partie peut commencer.

Attachons-nous au mode normal pour le moment, avant d’expliquer les différences avec le mode avancé dans un second temps (et si je prends le temps de me montrer très pédagogue avec toi cher lecteur, et de procéder à une annonce de plan aussi scolaire, c’est parce que tu vas voir que tout n’est pas si évident, en vrai.).

Des moutons, il y en a patou patou !

À son tour, le joueur lance les trois dés. Il pourra effectuer deux relances, mais sera obligé de conserver un dé à chaque relance. Attention : un dé qui a été conservé ne pourra pas être relancé par la suite. Dit autrement : vous pourrez lancer 3 dés en lancer initial, 2 en second lancer, et 1 seul en ultime relance.

Lorsque les 3 lancers ont été réalisés, les effets sont appliqués en fonction des résultats. Le premier effet appliqué est la face loup.

Si le joueur a obtenu une ou plusieurs faces loup, alors le jeton loup se déplace d’un joueur vers la gauche. Si ce joueur possède des cartes moutons non protégées, il doit en défausser autant que de faces loup obtenues.

Pour chaque face mouton obtenue, le joueur peut placer une carte mouton devant lui, à côté d’une autre carte mouton s’il en possède, pour former une ligne.

Pour chaque face Patou obtenue, le joueur peut placer une carte Patou devant lui. Chaque carte Patou doit être placée sous une carte mouton si le joueur en possède, là aussi pour former une ligne.

L’idée, vous l’aurez compris, est de développer votre troupeau tout en vous assurant que chaque carte mouton est couverte par une carte Patou, afin d’éviter de risquer de perdre vos brebis soigneusement alignées.

Le jeu prend fin quand un joueur atteint au moins 6 cartes moutons. Les autres joueurs bénéficient alors d’un dernier tour de jeu pour égaler ou dépasser le score du premier joueur (et lui envoyer un loup si jamais ses cartes ne sont pas toutes protégées).

À la fin de cet ultime tour, le joueur avec le plus de cartes moutons remporte la partie.

Des sensations légères et sympa

Si le jeu est annoncé comme jouable à partir de 7 ans, il est en fait accessible bien avant, vers 5 ou 6 ans. Car finalement les actions sont très simples : choisir les dés que l’on conserve ou que l’on relance. Cette réflexion n’est évidemment pas innocente, car elle permet de construire son troupeau ou d’envoyer le loup enquiquiner les voisins, mais elle est tout de même très accessible, même pour des 5 ans. Quant à la résolution du drama avec le loup, elle est très proche d’un Farmini : « si mes animaux sont à l’abri je ne crains rien, sinon j’en perds une partie », accessible dès 4-5 ans.

Cette accessibilité rend les choses aussi légères que plaisantes avec des enfants, et les dés sont suffisamment généreux en chiens protecteurs pour que tout le monde puisse s’assurer d’avoir quelques bestioles à la fin de la partie, qui se jouera souvent sur pas grand-chose au dernier tour.

Un jeu presque trop léger, d’ailleurs, ce qui nous amène tout de suite… au mode Avancé. Et ce monde avancé, finalement, deviendra rapidement le mode normal. Mais jugez plutôt.

Rendons les choses plus intéressantes !

Comme je vous l’ai dit en préambule, les cartes de Patou’che sont recto/verso avec une face rouge qui promet un peu plus de complexité. Dans les faits, ce mode de jeu n’est pas spécialement plus compliqué que l’autre, mais permet beaucoup plus de variété.

Je vous mets immédiatement à l’aise : la mécanique est la même, avec les mêmes contraintes de lancers et de dés conservés. Le but du jeu est le même : protéger nos brebis avec des Patous afin d’éviter que le loup ne vienne les disperser. Ce qui change, c’est que plusieurs cartes Patous et moutons ont désormais des effets, et qu’il sera en permanence possible de prendre le risque de découvrir des cartes ou non. Comprenez par là qu’au moment de réaliser des effets Loup, Mouton ou Patou, vous aurez désormais le choix entre piocher les cartes et les conserver sur leur côté jaune, ou prendre le risque de les retourner.

 

Le truc, c’est que désormais les moutons apparaissent en nombre varié sur les cartes. En fin de partie (lorsque 6 cartes ont été atteintes), on compte désormais le nombre total de moutons dans le troupeau, et non plus le nombre de cartes possédées. Retourner la carte sur son verso semble donc une bonne idée, mais on précisera tout de même que 4 cartes ont une valeur de 0 (avec un agneau tout mimi). Vous allez me dire que 4 sur 32 c’est pas énorme, mais quand vous tombez dessus en fin de partie vous n’êtes pas ravis.

Comme vous pouvez avoir jusqu’à 4 moutons par carte, cela va vous inviter à cogiter et à loucher chez les voisins, surtout quand ces derniers ont une carte 4 moutons qui n’est pas protégée par un Patou. Ce loup, qui n’avait finalement guère d’incidence dans le mode de jeu précédent devient ici incroyablement efficace pour saborder la stratégie de l’adversaire.

Mais ce nombre variable de moutons coïncide également avec une nouvelle versatilité des Patous, qui peuvent vous réserver de bonnes et de très mauvaises surprises. Là encore, vous pouvez choisir de laisser un Patou sur sa face jaune, ou de le retourner sur sa Face Rouge. Et là encore : à vos risques et périls. Car si un super Patou peut protéger deux cartes moutons à lui tout seul, un loup déguisé en Patou croque la carte à laquelle il est associé. Un Patou paresseux bloque un espace sans protéger personne, alors qu’un bélier protége les moutons … et compte lui-même en tant que mouton dans le score final.

Le loup n’est pas en reste dans ce mode avec une nouvelle option de jeu, plutôt sympathique. Dans le mode normal, vous deviez déplacer le loup d’un joueur sur la gauche, et lui prendre autant de moutons non protégés que de faces loup obtenues. Désormais, si vous le souhaitez, vous pouvez déplacer votre loup d’autant de joueurs que de faces obtenues, et défausser une (seule) carte mouton non protégée. Cela n’a l’air de rien, mais cette possibilité permet en fait de cibler un joueur précis… ou de faire passer le loup par-dessus son propre troupeau sans qu’il ne s’y arrête. Plutôt finaud !

Avec ce mode initié (le « vrai », mode de jeu, finalement), les parties s’animent et se densifient pour des sensations de jeu très réussies. Chaque pioche de carte ajoute un peu de tension supplémentaire, aussi bien sur le nombre de moutons qui rejoignent le troupeau que sur la nature du Patou censé le défendre. Les surprises sont nombreuses et souvent marrantes car elles obligent à temporiser ses lancers pour privilégier la recherche de Patous fiables au moment où votre troupeau commence à devenir conséquent. Les marmots un peu plus grands (et leurs parents) se régaleront alors de ce jeu qui alors atteint un potentiel de fun inattendu au vu de son premier mode de jeu un peu trop léger.

Stratèges en herbe

Mine de rien, le jeu propose un peu de stratégie intéressante, car la fin de partie se déclenche dès qu’un joueur possède 6 cartes moutons, protégées ou non. Tous les autres joueurs disposent alors d’un ultime tour pour le dépasser. Il y a deux moyens de procéder : soit en gagnant plus de moutons que lui dans une ultime tentative, soit en envoyant le loup semer la panique dans ses moutons non protégés. Car l’une des stratégies qui peut s’avérer payante, c’est de protéger une partie de son troupeau en début de partie, puis de rusher sur les moutons pour atteindre les 6 cartes le plus rapidement possible, même s’ils sont exposés. A vous de voir comment vous souhaitez construire votre troupeau, de manière sécurisée ou aventureuse. C’est très malin.

En revanche j’ai un mini bémol sur la conclusion de partie, que je trouve bizarre. Lorsqu’un joueur atteint les 6 cartes, tous les autres ont donc droit à un dernier tour de jeu. L’effet pervers de cette mécanique, c’est que ce joueur devient cible vivante et ne gagne alors quasiment jamais. Il aurait été plus juste, à mon sens, de conserver la mécanique de Zombie Dice, c’est à dire que seuls les joueurs ENCORE DANS LE MEME TOUR peuvent finir de jouer. Tous les joueurs jouent ainsi le même nombre de tours pour une fin de partie qui nous semble plus équitable avec des enfants.

Et avec des enfants alors ?

Avec les règles complètes, Patou’che est idéal pour jouer en famille avec des enfants de 7-8 ans. Si les premières parties sont un peu incertaines, on comprend assez vite que le loup est une arme de destruction massive qui peut semer la panique dans le troupeau si vos Patous sont insuffisants. La face de dé du loup, autrefois subie, devient donc très recherchée pour passer à l’offensive, au risque de semer la pagaille dans vos propres moutons si vous calculez mal votre coup.

En revanche (et c’est le seul bémol du jeu), on conseillera vraiment d’y jouer à autant de joueurs que possible. La règle invite de 3 à 5 joueurs à jouer, en vrai le jeu prend vraiment sa saveur à 4 ou 5 joueurs, tout simplement pour ne pas se taper un loup en vadrouille toutes les 15 secondes. Le jeu à 3 est évidemment possible, mais la saveur du jeu se retrouve ailleurs.

Tous ensemble, tous ensemble bêêê, bêêê !

Un petit mot enfin pour dire que si – d’aventure – on souhaite apprendre à jouer de manière un peu plus paisible, un mode coopératif est également implémenté dans le jeu. Dans cette variante, les joueurs doivent s’entraider pour empêcher le loup de venir leur croquer un nombre défini de moutons. C’est sympatoche mais du coup on perd toute la perfidie du placement du loup qui faisait merveille dans le jeu compétitif.

L’avis de Plateau Marmots (Olivier)

Patou’che est un chouette jeu de dés, très simple à appréhender dans ses règles de base, afin de propulser les marmots sur la pente savoureuse de la prise de risques et de l’optimisation de lancers. Si on apprécie les efforts portés sur l’accessibilité, on se tournera néanmoins rapidement vers le mode « avancé », réelle raison d’être du jeu, et riche en retournements de situation épiques. Le truc vraiment chouette, c’est la marge de progression proposée par le jeu, où l’on part d’un loup « subi » pour en faire finalement un allié de choix dans cette course au troupeau. Une belle réussite qui se joue volontiers sur une nappe de pique-nique ou une table de jardin, pour profiter des premiers rayons de soleil printaniers.

On aime

  • Simple et addictif
  • Plutôt malin
  • Deux modes de jeu
  • Parties rapides
  • Des illustrations choupi

On aime moins

  • La gestion du dernier tour
  • Un peu moins fun à moins de 4 joueurs

Le trouver

Fiche technique

Patou’che est un jeu de Cédric NH
Illustré par Emilie Goulet
Pour 3 à 5 joueurs
Edité par Oka Luda.

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