Test – Sifflard

Il faut bien se dire un truc, quand on joue à des jeux de société avec des enfants : c’est qu’au final, ce sont eux qui décident. On peut avoir en tête de leur faire découvrir un formidable jeu d’aventure qui va les plonger dans un royaume lointain pour une fantaaaaaaastique campagne évolutive qui tient en trouzemille enveloppes et stickers : si de leur côté ils ont décidé qu’ils avaient juste envie de se battre pour choper des tranches de saucisson sur un petit jeu d’apéro, eh bien il en sera ainsi. Et comme vous l’avez évidemment compris, c’est de cela dont il va être question.

Hum hum…

Si je devais présenter cela de manière plus imagée, je dirais :

– Alors vous incarnez un groupe d’aventuriers qui…
– Eh Erwann, t’as vu ce jeu, là ? Il a l’air trop bien !
– …parcourez les vastes plaines du royaume…
– Trop fort, regarde, y’a un saucisson, dedans !
– …envahies par des monstres féroces…
– Ah oui ! On doit se battre pour du saucisson ! Trop bien !!
– …qui sèment la panique dans le village…
– Dis tonton, on peut jouer à ça ?
– Euh… c’est-à-dire qu’on était partis sur les monstres féroces du royaume, et…
– Steuplé steuplé steuplé, ça a l’air trop bien, regarde y’a un saucisson dedans !
– Euh oui, je sais, mais bon… Vous ne voulez pas y jouer après notre partie, plutôt ?
– Notre partie de quoi ?
– …
– Tonton ? 
– Allez, installez Sifflard pendant que je range celui-là.
– Ouééééééééééééééééééééééé !


Ted Etienne | Guillaume Lucbert | Arkada Studio |
2 à 6 joueurs (idéalement 4 / 5)| 8 ans et plus| 30 min par apéro | Jeu d’ambiance

Test réalisé à partir d’une version achetée par nos soins (avec du vrai argent ^^)


Sifflard ? C’est quoi ça ?

Sifflard est donc un jeu d’ambiance qui réunit de 2 à 6 joueurs à partir de 8 ans (mais en vrai c’est jouable bien avant). Et faut bien avouer que de loin, le truc ressemble vraiment à un plan marketing bien foireux. Créé par un acteur / streameur en vogue et édité avec une appli obligatoire, on ne peut qu’aller à reculons vers ce jeu surmarketé.

Et pourtant.

Et pourtant, Ted Etienne n’est pas juste un acteur / streameur, c’est aussi un gros joueur, pote avec des personnalités du jeu telles que Maxildan (jury as d’or), qui ne lui laisserait pas sortir un truc tout moisi.

Et pourtant, Arkada Studios, l’éditeur du jeu, est un spécialiste des jeux avec applications : on leur doit notamment le très chouette Spark Riders, et ils savent a priori comment gérer une appli qui tourne bien.  

Et donc, finalement, ce saucisson est peut-être moins fadasse qu’on ne l’imagine : c’est ce que l’on va regarder de suite



Sifflard : Y’a quoi d’dans ?

Autant le reconnaître : le premier contact avec Sifflard est de facto très réussi. Le jeu se compose essentiellement de jetons de poker qui, une fois empilés, évoquent un saucisson. Un petit capuchon rose vient en effet coiffer les jetons de poker, pour compléter l’effet « wahou » qui se crée immédiatement chez les joueurs avides d’apéro. Et comme chacun sait : les marmots ADORENT les apéros.

Sifflard se compose également d’un plateau de jeu, d’un couteau (en carton !!), de quelques cartes, de petits sacs en tissu et d’une poignée de jetons. L’ensemble est de très bonne facture, et même si on me glisse dans l’oreillette qu’une version deluxe l’est davantage encore, la version « pas deluxe » fera très bien l’affaire, c’est promis.

Notez enfin qu’il vous faudra également un smartphone ou une tablette pour gérer l’application. Et non : le smartphone n’est pas fourni dans la boîte, mais ça valait le coup de poser la question, petits malins.


Sifflard : Principe du jeu

Dans Sifflard les joueurs doivent s’emparer des tranches du saucisson qui trône sur le plateau de jeu, avant que le tavernier (géré par l’application) ne vous prenne sur le fait. Les joueurs commencent par choisir un personnage, et récupèrent chacun 1 jeton Coup de poing et 2 jetons Bruit, ainsi qu’un petit sac en toile, qu’ils placent devant eux.



L’appli est ensuite lancée, et il convient alors de lui indiquer le nombre de joueurs présents. Son but est essentiellement de gérer le rôle du tavernier qui va et vient dans son établissement, et qui surveille son saucisson du coin de l’œil. Autrement dit : c’est un timer aléatoire, et il faudra donc éviter de se faire choper pendant son tour de jeu.


On joue, ou bien ?

Une fois que tout le monde est en place, il suffit d’en avertir l’appli, qui va alors désigner un premier joueur. Ce dernier doit alors effectuer certaines étapes, dans l’ordre.

Premièrement, il s’empare du couteau et le pose devant lui. Ensuite il doit soulever le capuchon du saucisson, s’emparer d’un jeton, remettre le capuchon en place, et placer le jeton dans son petit sac de toile.

Ce sont les seules étapes obligatoires.



Mais il peut très bien décider de continuer à jouer et de prendre une seconde, troisième, quatrième, cinquième tranche, en répétant intégralement les étapes. Interdit, en effet, de prendre plusieurs tranches d’un coup : il faut systématiquement soulever le capuchon, prendre une tranche, remettre le capuchon, ranger le jeton dans le sac, et recommencer, l’idée étant de faire perdre du temps au joueur avec des manipulations obligatoires.



À chaque fois que le joueur range le jeton dans son sac, il peut décider d’arrêter. Il l’indique sur l’application, qui va alors désigner un nouveau joueur… qui peut très bien être le même ! Le nouveau joueur désigné devra alors prendre le couteau, soulever le capuchon du saucisson, etc.


« Vous avez du à l’ail ? Le Chef y veut du à l’ail ! Tout’ suite ! »

De son côté, l’application est fluide et tourne nickel (sur mon bon vieux s21). Sa fonction en jeu est donc gérer les allées et venues inopinées du tavernier. Plus on prend du temps à couper des tranches, plus on risque de voir le tavernier arriver ! Concrètement, quand cela arrive, le jeu s’interrompt, et l’application attribue un jeton « Regard Noir » au joueur qui détient le couteau.

Attention, les joueurs seront éliminés de la manche s’ils obtiennent trop de regards noirs ! Plus vous prenez de saucisson, donc, plus vous risquez de vous faire éliminer.



Notez par ailleurs que toutes les tranches de saucisson ne sont pas égales : le saucisson classique rapporte 1 point, mais les tranches au fromage ou aux champignons rapportent 2 et 3 points, ce qui peut inciter à la gourmandise… ou à la gestion.

« M’sieur, m’sieur, il vous vole ! »

Si chacun est seul face à ses choix de poursuivre ou d’arrêter, l’interaction est néanmoins présente via 3 effets de jeu distincts. Comme je le disais plus haut, les joueurs démarrent la partie avec des jetons de Bruit et de Coup de poing, qu’ils pourront utiliser quand bon leur semble pendant le tour d’un adversaire.



Les jetons Bruit sont utilisés en criant « Bruiiiit » (chez nous on aime dire « Taverniiiier !! »), et symbolisent le fait qu’un joueur tente d’alerter le tavernier qu’il est en train de se faire voler par un adversaire. Le joueur qui possède le couteau est donc obligé de s’immobiliser 3 secondes (les autres joueurs comptent) avant de reprendre son mouvement. Les jetons sont cumulatifs, si d’autres joueurs ont envie de booster un jeton déposé, ils le peuvent également.



Autre possibilité : utiliser un jeton « Coup de poing » pour voler une tranche de saucisson qui est en train d’être dérobée par un autre joueur. Le jeton doit être joué juste avant que le joueur ne range le jeton dans son sac. L’aventurier qui a posé le jeton récupère immédiatement le jeton et le couteau, prenant donc la main pour la suite du tour.

Dernière possibilité d’interaction : la tranche au piment. Certaines tranches de saucisson sont en effet au piment moisi. Tout joueur qui la pioche doit alors la donner à un autre joueur, en même temps que le couteau. A la fin de la partie, chaque tranche avec le piment moisi cause un malus de 2 points. Ouch.


Allez, on ferme !

La fin de partie se déclenche soit :

  • Lorsque toutes les tranches de saucisson ont été prises
  • Lorsque le dernier joueur en lice décide de passer

Chacun compte alors ses points et renseigne alors l’application. Si une nouvelle manche est décidée, l’application cumulera automatiquement les points de chaque manche précédente pour déterminer le vainqueur final.


Sensations de jeu

Voilà en gros pour le principe. Mais comment ça se passe autour de la table, en vrai ? Eh bien, ça rigole. Ça rigole sévère, même, et tout le monde (enfants comme adultes) s’amuse beaucoup. La tension du timer aléatoire (que l’on n’avait guère revu depuis Tic Tac Boum) est un énorme plus, qui redonne une nouvelle dynamique au stop ou encore. C’est un peu comme faire le guet pendant que l’on chipe des cookies dans le placard : la peur de se faire attraper augmente mathématiquement la saveur du biscuit. L’idée de base de Sifflard est donc aussi simple qu’excellente, et le plaisir est donc là. On ne met pas fin à son tour de crainte de faire un mauvais lancer ou un mauvais choix, on passe la main de peur de se faire choper par un élément extérieur, ce qui est bien plus fort.



Le risque aurait été de diluer cette tension avec d’autres éléments de jeu un peu trop présents, comme des cartes, des pouvoirs, des actions… ou tout autre chose qui vienne nuancer la proposition initiale. Mais heureusement : l’auteur est resté concentré sur les sensations de jeu, avec juste ce qu’il faut de jetons pour générer un peu d’interaction entre les joueurs.


Plein de bonnes idées !

On pourrait même dire que le jeu est un petit trésor de perfidie, car il demande tout de même un peu de coordination dans un climat de stress. Il faut prendre le couteau, soulever le capuchon, prendre une tranche, reposer le capuchon, ranger la tranche… sans faire s’écrouler la pile de jetons ! Alors bon, ce sont des jetons de poker, donc assez stables, mais un petit coup de stress et les choses risquent de vaciller, forçant le joueur fautif à tout remettre en place… alors que l’aubergiste peut surgir à tout moment.

L’autre très bonne idée – qui vient de l’appli, pour le coup -, c’est la possibilité d’arrête rle jeu quand on le souhaite. L’appli ne vous demande jamais combien de manches cous souhaitez faire. Vous la lancez, vous jouez. Et si jamais au terme de la partie vous souhaitez « en refaire une », alors l’appli cumulera tout simplement les scores précédents à cette nouvelle manche, pour ne désigner le vainqueur final qu’une fois que tout le monde aura envie d’arrêter. C’est une très bonne idée pour éviter « la manche de trop », et pour faire un stop quand l’un des joueurs veut quitter la partie.

Une autre-autre bonne idée, c’est de maintenir en jeu les joueurs éliminés en leur fournissant des jetons bruit, susceptibles de les aider à éliminer les joueurs encore en lice. C’est vraiment malin.

Bref, Sifflard est un jeu à haute tension, où l’on rigole beaucoup en improvisant parfois un peu de roleplay, comme une bande de nains attablés à l’auberge. Un jeu sans aucune prétention, finalement, ce qui fait du bien.


Et avec des enfants ?

Sifflard semble littéralement avoir été conçu pour des enfants de 7 ou 8 ans, (déjà fort entrainés au vol de tranches de saucisson IRL). Un côté « jouet », une appli, un thème d’apéro… n’en jetez plus : c’est littéralement calibré pour eux, et tous sauront instinctivement y jouer. Le truc, en revanche, c’est que vous devez aussi tomber sur des marmots qui ont une déjà acquis une certaine gestion du stress, pour ne pas les voir entrer en mode « panique » à leur tour de jeu. Ma fille, par exemple, est incapable de jouer à Sifflard (comme à quasiment tout autre jeu qui utilise un timer), car le stress va tellement prendre le dessus qu’elle va passer son temps – à demi paralysée – à faire tomber la colonne de jetons, avec zéro plaisir de jeu. Mais c’est bien là la seule limite de jeu pour des enfants, car tous ceux qui n’ont pas ce souci passeront un pur moment de fun et d’embrouille, riche en éclats de rires et en souvenirs autour de la table.



Je vous rassure : Sifflard se joue également fort bien avec des adultes, sans que ces derniers n’y aient un avantage particulier. Contrairement à de nombreux Stop ou Encore, le stress n’est pas tant placé sur le risque inhérent à lancer un nouveau tour de jeu, mais à un intervenant aléatoire, qui incite davantage les enfants à la prudence. Donc OUI, les adultes auront l’avantage de la gestion des points, en se disant que “ça ne vaut pas le coup de risquer de perdre pour une malheureuse tranche ”, alors que les enfants auront celui d’une meilleure dextérité et rapidité d’exécution (surtout si leurs parents boivent un coup en jouant). Pure spéculation, évidemment.

Des défauts ?

Sifflard n’a pas vraiment de défauts à mes yeux, si ce n’est une conception un peu curieuse des malus. Un peu bizarre d’avoir choisi le piment pour illustrer les « tranches malus », alors qu’une tranche de saucisson à la sardine ou à la gadoue aurait sans doute été plus parlante pour tout le monde. En tout cas pour moi. Mais autrement, le jeu offre davantage qu’il ne présente, surtout avec des enfants, et c’est clairement un bon moment que tout le monde passe autour de la table.

À noter : le jeu propose une planche de stickers pour transformer son saucisson en nourriture végan, avec des noisettes elfiques. Une idée plutôt chouette, qui donne même envie de pouvoir personnaliser son Sifflard de A à Z, avec des tranches au poivre ou au piment d’Espelette.   

L’avis de Plateau Marmots (Olivier)

 S’il a une bonne tronche de joujou ludique bien gras, Sifflard est en fait un redoutable jeu d’apéro pour adultes et enfants, dans la joyeuse connivence d’un brouhaha où l’on débouche des bouteilles et où l’on crounche crounche des chips. Stop ou encore ultra malin sur la base d’un timer aléatoire, Sifflard propose une expérience de jeu purement enthousiasmante, sur la base de « j’y vais ou j’y vais pas », et d’un peu de perfidie de la part des adversaires. Roublard, efficace et sacrément fun, Sifflard se déguste avec tout le monde, mais de préférence avec plus de 3 joueurs autour de la table. Une réussite, donc. Un peu inattendue, oui, mais réussite tout de même !

On aime

  • Sur une table, c’est beau (et ça donne faim)
  • Un concept simple, très intelligemment revisité
  • La magie du stop-ou-encore, toujours efficace
  • Le juste dosage de fourberie pour que l’humour passe avant la frustration
  • La possibilité de cumuler les manches
  • Les pouvoirs spécifiques des personnages, pour plus de variété

On aime moins

  • Pas fifou à deux
  • On aimerait que l’appli aille plus loin, avec d’autres sons d’ambiance, des options de jeu, supplémentaires. Il serait chouette de pouvoir régler l’ambiance de la taverne avec plus de fausses apparitions du tavernier, quelques phrases d’ambiance un peu marrantes que l’on pourrait surprendre ici ou là, genre « Ah non, le poney Fringant, c’est en face », ou « Et après le sirop de 14, on passe ou on jette les poireaux ? »

Le trouver

Le match inutile mais rigolo : Sifflard X Paquet de Chips X Cheese Master

Paquet de chips / Sifflard / Cheese Master sont trois jeux qui visent explicitement la planche d’apéro et le fun entre copains… mais aussi avec des enfants. Cheese Master et Sifflard partagent le thème de la taverne heroic fantasy, mais Paquet de chips n’est finalement pas en reste pour l’ambiance, avec cette incroyable feeling de piocher des chips à chaque tour de jeu.

Pour l’ambiance, difficile de faire mieux que Sifflard, avec son appli et son saucisson en jetons de poker ! Collez ça sur une table, et tout le monde voudra jouer. Niveau gameplay, c’est fun, mais ça demande une appli, ce qui n’est pas toujours bien accepté.

Côté Fun, Cheese Master a également son mot à dire, avec une ambiance survoltée typique des apéros qui partent en fous rires. Dans cheese master, les joueurs lancent les dés et comptent les fromages obtenus. Oui mais une souris mange un fromage et enlève 1pt du résultat. Oui mais un chat effraie une souris, qui du coup ne mange pas le fromage. Oui mais, un chien effraie le chat (qui n’effraie pas la souris, du coup), etc. Avec son effet chaise musicale (le joueur le plus lent qui perd un point de vie à chaque round), Cheese Master est le compagnon parfait des apéros survoltés et explosifs.

Pour le suspense, je prends paquet de Chips, dans lequel vous allez tenter de remplir des contrats en… piochant des chips de différentes couleurs. L’objet est génial et le suspense de la pioche est optimal. Le jeu est plus « grand public » car moins thématisé, ce qui est autant un avantage qu’un défaut, si vous souhaitez vous retrouver entre aventuriers dans une taverne bondée.

Et au final ?

La bonne réponse étant évidemment « prenez les trois », tant ils sont amusants et complémentaires… Mais si je devais désigner un vainqueur pour ce challenge absurde, je pense que j’irais naturellement vers Cheese Master, moins spectaculaire que Sifflard, mais aussi moins cher, pour plus de joueurs et au fun instantané. Paquet de chips, de son côté, demeure aussi un excellent choix, original et accessible, pour lequel on rêverait aussi de voir une déclinaison Heroic fantasy

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