Test – 4Mation

Alors que les jeux de société ont tendance à rivaliser d’innovation et à surfer sur des mécaniques à la mode (à grand coup d’enveloppes à ouvrir, de cases à cocher ou de cartes à drafter), il est bon parfois de retrouver un jeu qui prend son inspiration parmi les plus grands classiques, pour leur apporter un twist bienvenu. Dans 4mation, l’objectif est d’être le premier joueur à parvenir à aligner 4 pions de sa couleur de manière horizontale, verticale ou diagonale. Oui oui, comme dans le bon vieux Puissance 4. Mais attention : il y a ici une savoureuse contrainte de pose qui vient tout changer… et qui déclenche des sensations de jeu totalement inédites. Branchez vos neurones et préparez-vous à redécouvrir un grand classique, plus tactique que jamais.

4mation est un jeu de placement tactique de Mélanie Haumer, pour 2 joueurs, à partir de 6 ans. C’est édité par Piatnik.

[Ce test a été effectué sur un jeu qui nous a été gracieusement mis à dispo par l’éditeur. Ca ne change rien à notre avis, mais c’est stylé de le préciser.]

Aligné, c’est gagné !

Le puissance 4 est un jeu que l’on connaît depuis l’enfance et sur lequel on s’attarde avec toujours autant de plaisir. Ce dérivé tactique du morpion a un côté particulièrement accessible qui permet de s’amuser immédiatement et de jouer tant sur sa représentation dans l’espace que sur la planification de ses prochains coups. Comme ce jeu existe depuis les années soixante-dix, on a vu défiler pas mal de variantes, et on pensait clairement avoir fait le tour du sujet. Impression erronée, comme vous vous en doutez.

Élégant et efficace

4mation est un jeu particulièrement subtil qui se présente de manière très élégante. Vous allez y jouer directement dans sa boîte, sur un plateau découpé en 7×7 cases. Pour jouer, vous aurez 24 cubes bleus et 24 cubes roses, particulièrement réussis et agréables à manipuler. Prenez-les en main et vous n’aurez de cesse de jouer avec pour le plaisir de les toucher.

La règle du jeu est parfaitement claire, et elle est si simple que vous saurez jouer dès votre première lecture.

Le plaisir dans la contrainte

En alternant les tours, les joueurs doivent poser un cube de leur couleur pour tenter d’en aligner 4. La contrainte de pose est la suivante : le joueur doit placer son cube de manière adjacente au dernier cube joué, que ce soit orthogonalement ou en diagonale. Et… c’est tout ! Ce que je veux dire, c’est qu’il s’agit là de la seule règle du jeu, ou presque. Vous posez un premier cube, votre adversaire en place à adjacent au vôtre, et vous adjacent au sien, etc.

Ça n’a l’air de rien ? Détrompez-vous ! Parce qu’au moment précis où vous placez votre cube, vous devez songer à vos possibilités stratégiques, mais aussi aux ouvertures que vous créez à l’adversaire. Un peu comme dans le Puissance 4, me direz-vous, sauf qu’ici l’effet stratégique est décuplé. Chaque cube posé délimitant de lui-même la zone de jeu de votre adversaire, 4mation devient un duel assez gratte-neurones. Aligner 3 cubes, vous le constaterez, n’aura parfois rien de bien difficile. Mais votre adversaire n’aura alors de cesse de vous éloigner de la zone à risque qui vous permettrait de placer un 4e cube victorieux. À vous de l’y contraindre, assurément. Les sensations sont au rendez-vous et on cogite pas mal avant chaque pose, tant les enjeux deviennent importants alors que le plateau se remplit.

 

Méfiez-vous des murs !

S’il est important de vous méfier de l’adversaire, il l’est tout autant de veiller à ne pas trop le coller contre les murs. En effet, lorsqu’un joueur n’est plus en mesure de poser un cube faute d’espace disponible, il peut alors choisir un nouvel endroit de pose sur la zone de jeu. Oui oui, où il veut. Enfin presque, puisque sa seule contrainte étant d’être (quand même) adjacent à l’un de vos cubes. De quoi renverser le jeu, mais souvent aussi de créer un foudroyant KO technique en fin de partie, lorsque plusieurs zones de 3 cubes adjacents seront en jeu. Cet aspect tactique est vécu comme une injustice sur les premières parties, avant de devenir une surcouche tactique très intéressante une fois intégrée. En effet, il peut être intéressant de vouloir se coller aux murs pour tenter de s’y laisser enfermer, et de surgir à l’autre bout du jeu comme un Pac-Man qui aurait traversé l’écran. Mais votre adversaire, s’il a un peu de bouteille, ne se laissera pas prendre, ce qui constitue un duel de placement particulièrement savoureux.

« Tu dois désapprendre ce que tu as appris »

Quand je disais un peu plus haut que les sensations sont très différentes de celles du Puissance 4, c’est clairement lié au raisonnement tactique qu’il faut déployer en cours de partie. Dans le Puissance4, le but du jeu est de bloquer l’adversaire en obstruant ses lignes potentielles (et en profiter pour déployer ses propres lignes dans la foulée). Ici, l’enjeu tactique est plutôt axé sur la zone de jeu offerte à l’adversaire. Peu importe, finalement, qu’il ait 3 cubes alignés si vous êtes en mesure de l’emmener jouer à l’autre bout du plateau, ce qui l’empêchera de compléter sa série. Pire encore : plus vous chercherez à bloquer des lignes adverses potentielles, plus vous vous exposerez à jouer dans une zone favorable à l’autre joueur. Bref, 4mation évoque presque davantage un jeu de placement qu’un jeu de blocage, et c’est un plaisir tactique étonnement frais dans un genre que l’on pensait déjà vu et revu.  

Un défaut, quand même ?

Si la mécanique du jeu est fine et intense, la mécanique de déblocage, déjà évoquée plus haut, peut parfois mener à des fins de parties frustrantes. Quand vous avez passé toute la partie à vous tourner autour, et qu’un adversaire parvient à gagner en plaçant son pion où il le souhaite après avoir été mis en incapacité de jouer, il y a toujours une pointe de « mêêêêêê ». Mais que l’on ne s’y trompe pas : cette stratégie de jouer avec les murs est totalement recevable et devra peu à peu être intégrée dans votre choix de pose. En gros, il faudra tenter, vaille que vaille, de laisser de la place à un adversaire afin qu’il puisse jouer, faute de quoi il pourra se placer presque ou bon lui semble. Des fins de parties parfois décevantes pour les marmots, surtout quand ils vous auront tenu tête toute la partie durant.

De l’âge des combattants

Pour ne rien vous cacher, j’ai longuement hésité avant de me décider pour savoir si j’allais publier ce test sur Plateau Marmots ou Plateau Junior. De la même manière que des titres comme Punto, 4mation est un titre qui peut se découvrir assez jeune, vers 6 ans. Après tout, il n’y a pas d’âge pour débuter à jouer au morpion. Mais ce ne sera bien entendu que le début de l’aventure, et le sens tactique des jeunes joueurs ne manquera pas de s’affiner au fil des ans et des duels, surtout que ces derniers ne dépassent jamais les 10 minutes. Et si vous parvenez à battre facilement vos marmots sur leurs premières parties, ils n’auront de cesse de progresser et de monter en puissance. Bref, 4mation est un jeu qui se bonifie alors que les joueurs prennent de la bouteille et découvrent de nouvelles manières de piéger leur vis-à-vis.

Pas sûr toutefois que les marmots de 6 ans, qui entrent dans une phase de leur vie peuplée de créatures fantasy et de pokémons soient toujours réceptifs à l’aridité d’un jeu abstrait, fut-il bleu et rose. Mais ceux qui se laisseront séduire seront partis pour une épopée de duels plus acharnés les uns que les autres, de longues années durant.

L’avis de Plateau Junior

Petite bouffée d’air frais bienvenue dans l’univers (pas très enfantin) des jeux abstraits, 4mation nous plonge dans un duel tactique centré sur le placement et le blocage des actions ennemies. Sur le papier, on ne voit pas tout de suite les subtilités arriver, tant les règles sont simples et évoquent un Puissance 4 sans la force de gravité. Mais il suffit de quelques coups joués pour comprendre que la contrainte de placement permet de renouveler notablement le genre et de créer des sensations de jeu inédites, fun à tout âge. On regrettera presque que bon nombre de parties en viennent à se résoudre au blocage total, lorsque l’absence de solutions de jeu permet de se téléporter sur une autre zone du plateau. Une donnée stratégique à intégrer rapidement pour chercher à se faire coincer, pour mieux revenir ailleurs, souvent dans le cadre d’un KO final. Une jolie réussite au matériel particulièrement agréable, que l’on pourra ressortir des années et des années sans jamais vraiment s’en lasser. Un excellent “premier jeu” pour plonger dans la jungle féroce des jeux abstraits, tactiques et intenses. 

On aime

  • Mécanique simple et ingénieuse
  • Très accessible en restant tactique
  • Un matériel très agréable

On aime moins

  • Certaines fins de parties un peu rapides

Votre marmot risque d’aimer si

  • Il aime jouer au morpion, Puissance 4 ou Punto

Le trouver

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