Test – Welcome
Je ne sais pas pour vous, mais moi, je me suis toujours demandé ce qui avait présidé à l’agencement des villes et villages français. Pourquoi les rues sont faites de telle ou telle manière, se croisant parfois en dépit du bon sens ? Par exemple, dans la ville où j’ai grandi, la piscine municipale était judicieusement placée à côté du cimetière. Coïncidence ? Qui a décidé que ce serait une bonne idée ? Pourquoi ? Y avait-il un message caché ?
Et si j’avais tout pouvoir, moi, de refaire une ville de zéro, est-ce que je mettrais le vétérinaire à côté du toiletteur pour chiens ? Un magasin de robes à côté de chez les pompiers ?
C’est ce genre de considérations qui m’accompagne quand je déambule dans une ville nouvelle, quand je découvre un nouveau paysage urbain. Ça reste quelques secondes et puis ça repart tout aussi vite, mémoire de poisson rouge oblige. Oui, c’est compliqué d’être dans ma tête, mais rassurez-vous, on oublie vite.
Mais quel rapport avec un jeu, me direz-vous ? Eh bien, justement, Welcome to your perfect home vous propose d’incarner, pour quelques 30 minutes, un architecte dont l’ambition est de façonner le plus beau quartier résidentiel du monde, avec comme mécanique de jeu le principe tout bête du loto. Dit comme ça, ça ne vous fera peut-être pas envie, mais la magie opère, il se passe un truc dans ce jeu, et j’avais envie de vous en parler dans cet article.
Arrête de raconter des trucs compliqués, toi, maintenant ! Tu nous parles du jeu ?
Oui, pardon, je suis confuse.
Je vous le disais donc en préambule, le jeu s’inspire du mécanisme du loto. Vous avez donc une grille devant vous, la même pour tout le monde. Et vous allez devoir marquer des numéros dessus, suivant ce que le tirage des cartes va donner, tout en essayant de maximiser les points que vous en retirerez. À la fin de la partie, l’architecte ayant le plus de points gagne.
Ok, donc tu parlais du loto… il y a des boules dans la boîte pour faire comme dans Motus ?
Alors non, pas vraiment. Mais avant de vous parler du matériel, je voudrais vous parler de la direction artistique du jeu, de l’ambiance qui s’en dégage.
Les dessins font très État-Unis des années 50, avec des tons délavés et kitschissimes, et on se plonge assez vite dans l’ambiance d’une petite ville de province américaine, à sillonner les routes dans une Cadillac bleu ciel flambant neuve. Les aides de jeux proposent d’ailleurs des affiches clin d’œil à l’éditeur sur leur verso.
Le matériel en lui-même est sobre, voire minimaliste : un gros bloc de feuilles sur lesquelles écrire, des cartes de taille moyenne, des aides de jeu, la règle du jeu.
À noter : le bloc de feuilles sert bien évidemment à noter vos numéros dans les maisons, à montrer lesquelles peuvent accueillir une piscine et à vous mettre dans l’ambiance, mais il est remplaçable par une application pour i-machines et sur le play store de Google.
Sur une grande partie des cartes, on trouvera d’un côté un numéro de maison, de l’autre un pictogramme représentant une action facultative.
Quelques autres cartes présentent des objectifs à atteindre au cours de la partie.
Sans être fou fou, le matériel fait le job. Il est en tout cas clair, bien illustré pour la mise en ambiance et pas de problème de daltonisme à envisager.
La règle est à l’avenant, là aussi sobre, les pictogrammes y sont bien expliqués, ce qui est très important pour un jeu où tout est graphique, et on y retrouve facilement les infos dont on a besoin.
Petit plus notable, qui pourrait en agacer certains, mais qui me fait plaisir, l’éditeur a pris grand soin d’écrire ses phrases non pas au masculin systématique, mais en essayant d’attribuer les rôles entre hommes et femmes équitablement. Et sur la couverture du jeu, c’est une architecte qui semble donner des ordres à un assistant débordé. Un grand oui à la bousculade des codes établis ! Après, on est juste dans la reconnaissance de situations qui existent *pour de vrai*, mais cela reste très plaisant de voir la représentation coller un peu plus à la réalité. Je referme la parenthèse.
Alors donc, il y a des femmes, des hommes, des architectes, des maisons… et tout ça s’articule comment, sinon ?
C’est très simple : chaque architecte va disposer, sur sa grille, de trois rues de tailles différentes. Il pourra remplir sa grille avec les numéros des maisons qui seront disponibles pendant le tour.
Je vous le disais plus haut, il n’y a pas de boules pour faire des tirages de numéro comme dans la fameuse émission Motus. Non. Mais par contre, à chaque tour, trois tas de cartes présentent chacun un numéro associé à une action facultative. Le joueur choisira donc parmi les trois combinaisons possibles puis inscrira le numéro dans une des maisons d’une des trois rues et accomplira ou non l’action associée. Au passage, via une ingénieuse iconographie, on sait déjà quelles actions seront disponibles pour le tour suivant.
Le jeu serait terriblement simple et ennuyeux s’il n’y avait que cela, bien évidemment.
En plus de cela, donc, quelques petites contraintes : on ne peut par défaut avoir qu’un numéro de chaque par rue. Et les maisons doivent être disposées en ordre croissant. Ce qui est particulièrement contraignant, car on ne sait pas ce qui va arriver par la suite.
J’ai des souvenirs émus d’un de mes adversaires posant un 8 au tout début de sa rue. Quand on sait que les numéros atteignent au mieux le 17, sur une rue de 11 maisons, on sent qu’il va potentiellement être en difficulté…
Et les actions dans tout ça ?
Il y en a 6 types. Elles permettent d’engranger des points, tout simplement. Certaines vont permettre de créer des espaces verts, d’autres de construire des piscines, de recruter des intérimaires (qui sont aussi des modificateurs de numéros) ou de poser des numéros bis (qui permettent donc de s’affranchir de la contrainte d’un seul numéro de chaque par rue, mais qui se traduisent en points négatifs). Les deux derniers types d’action concernent les lotissements. On pourra ainsi poser des barrières entre les voisins pour créer des lotissements – ensemble consécutif de maisons avec un numéro- de diverses tailles ou augmenter la valeur en points des lotissements.
Il s’agit ici d’ailleurs de la notion la plus subtile du jeu, car ces lotissements, s’ils rapportent des points à la fin de la partie en fonction de leur taille, permettent aussi de remplir les objectifs dont je parlais dans le descriptif du matériel. Avec plus de points pour celui qui réalise un des trois objectifs possibles en premier. Ces objectifs, dans la version de base, demandent de réaliser des combinaisons de lotissements de certaines tailles.
La partie s’arrête lorsqu’un architecte a rempli toutes les maisons de ses rues, ou réalisé les trois objectifs disponibles ou échoué à inscrire un numéro de maison trois fois pendant la partie.
On additionne les points de tous les architectes, les grilles permettent de le faire facilement, et l’architecte avec la plus grosse Cadillac a gagné.
Ok, je pense avoir compris le jeu. Et les Marmots dans tout ça ?
Le jeu est donné à partir de 10 ans. Et il est vrai que les Marmots plus jeunes auront probablement des difficultés à gagner. Ils s’amuseront sans doute avec ce côté loto avec cartes et à construire leurs maisons, mais il leur sera plus compliqué d’arbitrer entre les choix des actions : faut-il créer un numéro bis et perdre des points, mais remplir un lotissement et réaliser un objectif ? Faut-il plutôt privilégier une stratégie piscinière ou paysagère ?
Le principe du jeu est très simple, mais les Marmots trop jeunes se perdront un peu dans les actions. Et il y a un peu de multiplications pour savoir s’il est mieux d’augmenter la valeur d’une certaine taille de lotissements plutôt qu’une autre action. Je le conseille donc à partir de 10 ans, sauf si votre Marmot est un petit Einstein en puissance qui avale deux équations différentielles pour le petit déjeuner.
Ma hyène de 13 ans a gagné une partie sur deux jusqu’ici. Mais elle ne mange pas encore des équadiffs. Et elle a plus que l’âge recommandé. Bien évidemment, elle adore le jeu, du coup. Surtout quand elle gagne.
Bon, et tu disais que la magie opérait, alors ?
Oui, mais difficile de savoir à quoi cela tient précisément. Au petit côté régressif des lotos de notre enfance avec nos grands-parents ? À la simplicité et l’évidence des règles ? On ne sait pas trop, mais ça marche.
Dans tous les cas, le jeu s’adresse à tout type de public, du joueur occasionnel au joueur confirmé qui se laissera potentiellement charmer, pour passer un bon moment en famille, rapide, fun, ou entre deux autres jeux plus coriaces.
La multiplicité des stratégies possibles, le plaisir un peu perdu d’écrire sur une feuille de papier, l’ambiance des années 50, donnent au jeu une profondeur légère (si si, c’est possible) et un petit supplément d’âme assez original. On a d’ailleurs vu pas mal de tables de joueurs enchaîner les parties.
Si vous vous laissez tenter, il y a de bonnes chances que le jeu vous attrape par la manche, vous embarque dans la Cadillac de vos rêves, et que vous vous preniez à fredonner « Sunday, Monday, Happy Days… ». Bon, là, évidemment, votre Marmot va vous regarder avec un drôle d’air, mais ce sera alors l’occasion de lui raconter votre enfance et de l’emmener manger une glace ou un burger. Elle est pas belle la vie ?
On aime :
- Simplicité, accessibilité, rejouabilité, fun
- Un thème très présent et qui colle parfaitement à la mécanique
- L’ambiance des années 50
On aime moins :
- Le burger et la Cadillac ne sont pas fournis dans la boîte
- Il aurait pu être pas mal de fournir des feuillets plastifiés pour le côté réutilisable à l’infini mais l’app est aussi là pour ça
Fiche Technique
Un jeu de Benoît Turpin
Edité par Blue Cocker
Distribué par Blackrock Games
Pour 1 à 10 joueurs
A partir de 10 ans
Le trouver chez Philibert
Pour aller plus loin :
Une variante avancée existe. Elle rajoute des objectifs qui portent sur d’autres éléments de jeu que les lotissements et une variante experts propose un peu de draft pour le choix des cartes numéros et actions.
Il existe également une variante solo, que je n’ai pas expérimentée, et une grille de score alternative sur le site de Blue Cocker. Je vais l’imprimer et la plastifier pour pouvoir y jouer aussi. Elle regorge de petits clins d’œil sympas, ce serait dommage de ne pas en profiter.