Test – 12 Gangsters
Dimanche 1er juin 2020, 13h59. Polo le teigneux était tranquillement en train de boire un thé, quand son téléphone sonna. Polo avait, par le passé, connu une belle carrière dans le milieu du grand banditisme, spécialisé dans le vol de poulets bio dans les fermes alentours. Mais tout ça était terminé depuis bien longtemps…
Il avait raccroché et n’avait jamais plus revu ses compagnons de l’époque. Il consacrait désormais sa vie à sa passion : le karaoké. Percer dans le milieu de la chanson, un rêve de gosse et celui-ci était maintenant à portée de main… et il était bien décidé à tout faire pour être élu Sosie Officiel de Jonnhy le Poulpe, un des plus célèbres chanteur de la Mafia.
Mais, ce coup de fil allait tout changer… Après quelques minutes, Polo raccrocha… Sa mine était sombre mais on pouvait voir un petit rictus au coin de sa bouche. L’adrénaline était de nouveau là!
Il posa son thé, prit sa veste, et attrapa ses clés de voiture, le téléphone coincé dans le creux du cou. Ses voisins racontèrent, plus tard, qu’ils l’avaient entendu marmonner : “Patrick, c’est le Teigneux. Tu as toujours tes outils ? J’ai un travail pour toi, et on va pouvoir gagner gros.”
Et c’est ainsi que le Gang des 12 allait, finalement, reprendre du service.
Vous voulez connaitre l’histoire des 12 Gangsters, un jeu d’Emi Yusuke et illustré par Simon Douchy, pour 3 à 6 joueurs de 8 ans et +, édité chez Blue Orange ? La suite dans le prochain chapitre !
L’art du braquage en 12 leçons
Dans 12 Gangsters, vous allez incarner une bande de voleurs qui doit participer à des braquages, 12 exactement, et rapporter le meilleur butin au boss.
Pour ce faire, prenez votre sac à outils (la boîte), dont le petit format la rendra facilement transportable, et ouvrez-la : vous découvrirez 72 cartes, 12 de chacune des 6 couleurs, mais également le “Manuel du parfait voleur” (la règle du jeu) qui tient en 3 toutes petites pages et un jeton “Boss”. Peu de matériel donc mais après tout, vous êtes sensé être un braqueur talentueux non ?
Plus sérieusement, on apprécie vraiment la longueur des règles qui se lisent vite et bien, et qui collent vraiment au format du jeu : exit les jeux où, pour une partie de 10 minutes, vous avez dans les mains un livret de règles de 20 pages, 12 gangsters se joue en 10-15 minutes et il ne vous en faudra pas plus pour comprendre le principe à la première lecture.
Concernant les cartes, elles sont assez épaisses et semblent pouvoir supporter, sur le long terme, les nombreuses parties avec les marmots, même pour ceux habitués à consulter leur main de cartes tel un catalogue (en faisant défiler frénétiquement les cartes les unes derrière les autres plutôt que de les tenir en éventail. Allez : avouez que vos marmots aussi font ça !).
Pour la mise en place, c’est très facile : chaque joueur prend un tas de cartes d’une couleur et le jeton boss est attribué au joueur s’étant déguisé le plus récemment en gangster (non non, on ne critique pas la tenue de tatie Janine !) ou, à défaut, si vous n’arrivez pas à vous décider, vous pouvez très bien le donner au plus jeune marmot (eh oui, ils sont bien plus rapides que nous pour commettre des larcins, il est donc évident que ce rôle de boss leur revient) ce qui les rendra tous fiers d’être les rois des gangsters !
Voilà, c’est tout, vous êtes désormais prêts à faire votre premier braquage !
Gourmands mais pas trop
Dans 12 Gangsters, comme je vous le disais, vous allez devoir amasser le plus beau butin.
Pour ce faire, chaque joueur a donc 12 cartes en main (ou 10 à 5 et 6 joueurs) qu’il va falloir jouer successivement. Ces cartes sont numérotées de 1 à 12 et sont identiques pour tous les joueurs ; on part donc avec les mêmes armes pour espérer rafler le magot. Le jeu se joue donc en 12 manches (ou 12 “plis”) au cours desquelles chaque joueur va choisir sa carte et la poser face cachée devant lui.
Mais ici, point de pouvoirs (comme dans Braverats par exemple), seule la valeur de la carte va avoir un intérêt, voir même une importance cruciale. En effet, il ne faut jamais poser une carte supérieure à celle posée par le boss de la manche en cours. Sans quoi, le butin vous échappe sans préavis !
Au top départ, tous les joueurs révèlent leur cartes et plusieurs cas de figures peuvent se présenter :
- La carte jouée est inférieure à celle jouée par le boss : dans ce cas, le joueur la pose face visible devant lui, le butin étant validé.
- La carte jouée est supérieure à celle jouée par le boss : dans ce cas, la sentence tombe, le butin est perdu et le joueur pose sa carte face cachée devant lui.
Le boss quant à lui, valide systématiquement sa carte et donc son butin (car c’est le boss après tout, il a tout pouvoir…) Que la carte de ses adversaires soit supérieure ou inférieure à la sienne, le boss placera sa carte face visible devant lui.
Toujours ? Pas forcément. Car il existe un troisième cas de figure qui peut renverser le pouvoir : si un des joueurs pose une carte égale à celle du boss, il invalide directement la carte de ce dernier qui la placera, alors, face cachée devant lui. Il y a quand même une justice dans la tyrannie de la mafia.
Une fois les égalités/supériorité/infériorités résolues, un nouveau tour démarre. Le jeton Boss passe au joueur suivant et le jeu peut reprendre. Mais avec 11 cartes en main car on ne récupère jamais les cartes jouées. Ainsi, on jouera successivement avec 12-11-10-9-8-7, etc… cartes jusqu’à la dernière carte qui sonnera la fin de la partie.
Les joueurs additionneront alors les points de leurs cartes posées face visibles et le gagnant sera, classiquement, celui qui aura remporté le plus de points et donc ramené le plus beau butin.
Le braquage semblait trop simple
Comme vous le voyez, le principe de jeu et les règles sont très vite assimilées, les parties quant à elles durent rarement plus de 15 minutes. C’est sûrement pour ces deux raisons que le jeu est annoncé comme étant un 8+ par l’éditeur. Mais sous ses airs enfantins, 12 gangsters peut poser quelques soucis aux marmots les plus jeunes.
Déjà, premier point : les adultes seront forcément avantagés s’ils comptent les cartes. Chaque carte n’étant jouée qu’une seule et unique fois par partie, le jeu requiert une attention accrue de la part de tous les joueurs, ce qui est, certes un bon point pour l’interaction, mais qui peut vite être problématique pour les marmots.
Alors, ok, ils ont souvent plus de mémoire que nous, mais autant les marmots de 8 ans vont réussir à suivre sur des parties à 3 joueurs et retenir la plus grande majorité des cartes jouées par papa et maman, autant sur des parties à 6 joueurs, cela devient vraiment très très compliqué pour eux. La rapidité des tours, combinée au nombre de cartes à retenir feront pencher la victoire du côté des parents, la plupart du temps.
Le fait de placer les cartes gagnées “face visible” permet de contrebalancer ce point car les marmots pourront les consulter visuellement avant de choisir la carte qu’ils vont jouer. Mais, dans les dernières manches, quand il y aura quasiment autant de cartes visibles que cachées chez les adversaires, la tension va monter et le hasard reprendra bien souvent le dessus.
Les marmots choisiront alors des cartes sans trop savoir pourquoi (là où les adultes auront calculé ce qu’il reste dans la main des autres joueurs) et compteront sur le hasard, l’univers, le toucher divin, et que sais-je d’autre pour que leur carte “passe” et soit validée. Et, bien sûr, l’Univers, c’est bien connu, il est toujours du côté des marmots hein. Mais pas toujours… Alors quand leur carte 11 ou 12 se retrouve annulée car le boss de la manche a posé un 1, bonjour les déceptions… et bonjour la frustration, parfois dure à gérer qui vous vaudront peut-être même quelques parties abrégées pour cause de “marmot qui est parti bouder”.
Rien dans ce monde n’arrive par hasard, c’est bien connu
Tout ceci m’amène à mon deuxième point : le hasard. Parce que 12 Gansters est un subtil mélange entre le “stop ou encore” et la réelle stratégie.
Etre gourmand mais point trop, voilà une phrase qui, selon moi, résume bien l’esprit du jeu.Tenter de remporter de gros butins en prenant des risques ou s’assurer un pli avec moins de points… les dilemmes dans ce jeu sont incessants.
Au début de la manche, la première carte sera posée un peu par hasard, parce qu’il faut bien en jouer une. Et souvent (pour ne pas dire systématiquement), les marmots poseront un 1 ou 2 quand ils sont les boss pour être sûrs de faire choir leurs adversaires. Ou encore un 1 ou 2 quand ils ne sont pas les boss, pour être sûr de les valider. Parfois, ils poseront un 11 ou 12 pour s’assurer des points… mais rarement on les verra sortir un 4 ou un 5 car les cartes leur semblent trop “dangereuses” puisque intermédiaires. Bref, les marmots en deviennent presque prévisibles et les adultes auront sitôt fait d’adapter leur manière de jouer pour s’assurer la victoire. Et personnellement, ce déséquilibre me gênait un peu.
Vous l’aurez remarqué, je parle au passé… Oui, oui car au fil des parties (qu’on a enchaîné frénétiquement pendant plusieurs jours) le jeu tend à s’équilibrer. Non pas parce que le hasard fait bien les choses, mais parce que nos chers marmots deviennent plus sûrs d’eux et se transforment en véritables stratèges !
Ils ont pu observer et analyser la manière de jouer des adversaires et on les voit alors dégainer LA bonne carte au bon moment nous obligeant, nous, adultes, à modifier sans cesse notre manière de jouer pour nous adapter à eux et à tenter, à notre tour, de percer les secrets de leur stratégie. Et ça, pour moi, c’est ce qui rend ce jeu drôlement addictif.
Car on en redemande encore et encore ; d’autant plus que les scores finaux sont serrés et se jouent, souvent, à une ou deux cartes près. A quelques miettes de butin bêtement perdu sur un pli mal calculé, sur une manche mal observée, sur un marmot qui, d’un coup d’un seul, à appris à bluffer. C’est rageant pour les parents et jubilatoire pour les marmots ; un vrai melting pot de sensations qui fait qu’on a tout le temps hâte de recommencer une partie.
Au final, chez Plateau Marmots, vous en pensez quoi ?
12 Gangster est un bon jeu sur le principe du “stop ou encore” qui reprend les principes phares du genre (à savoir qu’être trop gourmand n’est jamais bon) en les redynamisant. Le fait que le jeton “Boss” tourne à chaque manche oblige les marmots à rester concentrés sur la partie et la simultanéité des actions évite qu’ils ne se distraient ou se lassent en attendant leur tour.
Le format “mini”, qu’il s’agisse de la boîte ou du temps de jeu, vous permettra de l’emmener partout avec vous, pour passer le temps à la plage ou en attendant les plats au restaurant. Les parties s’enchaîneront avec un vrai goût de “reviens-y” car ce petit jeu est, par dessus tout, addictif.
Sans compter qu’il va facilement rassembler les foules, de tout âge, lors des repas de famille : expliqué en 5 minutes, jouable jusqu’à 6 gangsters, on y prendra autant de plaisir à 8 ans qu’à 89 ans (eh oui, l’arrière grand-père de mon fils a joué quelques parties avec nous). Un vrai jeu inter-générationnel en somme et ça c’est très appréciable.
Si les premières parties se placeront sous le signe du hasard, peu à peu, nos marmots apprendront à maitriser leur main et à jouer les cartes au bon moment, en fonction des adversaires qu’il ont en face d’eux. Le jeu promet donc une belle courbe de progression et ne semblera pas répétitif au fil des parties. Deuxième bon point pour lui !
Petit bémol cependant, pour les marmots les plus jeunes, le hasard reprendra bien souvent le dessus dans les parties à 5 et 6 joueurs car il reste très difficile pour eux de rester attentifs aux actions d’autant de joueurs à la fois et presque impossible de compter et retenir autant de cartes. Selon moi c’est un jeu qu’il faut, avec les marmots de 8-9 ans, jouer à 3 ou 4 maximum, dans un premier temps, pour assimiler les différentes stratégies et apprendre à connaître la manière de jouer des adversaires.
Il vous faudra également une bonne dose de patience pour gérer la frustration des marmots lorsqu’ils comprendront que leurs “grosses” cartes (10-11-12) vont se retrouver annulées et pour leur apprendre à bien gérer leur main pour que cela n’arrive plus. De beaux échanges parents/enfants en perspective !
Une fois ces premières parties passées, vous pouvez, sans souci, augmenter le nombre de joueurs autour de la table, les marmots gèreront, sans grande difficulté, et pourront alors prendre réellement plaisir à tout faire pour devenir les rois des voleurs… Même les coups les plus bas !
On aime :
- Les règles lues/apprises/expliquées en 5 minutes top chrono
- La rapidité des parties qui permet de les enchaîner frénétiquement
- Le côté “intergénérationnel” du jeu : tout le monde s’amuse, les plus jeunes comme les plus vieux
- La marge de progression pour nos marmots qui deviennent très rapidement des braqueurs en or !
On aime moins :
- Il y aura toujours une part de hasard, notamment lors des premiers plis
- Nous, parents, on va vite comprendre qu’à ce jeu, c’est pas nous les boss !
Fiche technique
Un jeu d’Emi Yusuke
Illustré par Simon Douchy
Edité chez Blue Orange
Pour 3 à 6 joueurs
A partir de 8 ans