Test – Toko Island

Lorsqu’elle apparut enfin à l’horizon, le capitaine du Beagle ne put s’empêcher de pousser un soupir de soulagement. Toko Island était en vue. L’expédition touchait à son terme et tout le monde était épuisé. Après les Galapagos, l’Australie, la Nouvelle Zélande, l’Île Maurice, et le tour complet de l’Amérique du Sud, la plus légendaire des îles était enfin à portée.
– Va réveiller les scientifiques, hurla le capitaine à son second.
Ce dernier maugréa et traversa le pont du navire en trainant les pieds. Cette bande de scientifiques surexcités avait tendance à l’exaspérer à vouloir toujours tout observer, prendre des notes, dessiner. « Oh, regardez, une plume ! Oh regardez une statuette ! Oh regardez, un masque tribal ! Oh zut j’ai oublié mon cahier, il faut faire demi-tour. ». Mais tous avaient promis que Toko Island serait le point final de leur voyage. Pour eux, cette île légendaire au confluent des civilisations semblait être un but ultime. Quelle allait-être leur réaction en apprenant qu’ils touchaient au but ? Le Second se dirigea vers la coursive des cabines, puis il se ravisa et héla un mousse qui nettoyait le pont.
– Tiens, va réveiller les fous. Et dis-leur de sortir les outils, on est arrivés. »

Marie & Wilfried Fort | Sandie Senac-Retaud HelvetiQ
1 à 4 joueurs| 6 ans | 20 min / enquête | Mémoire, optimisation

Mémoire… et collection

N’ayez pas peur. Oui, on ne va pas se mentir, Toko Island est avant tout un jeu de mémoire, c’est-à-dire un jeu dans lequel vous allez retourner des tuiles et tenter de vous souvenir de leur emplacement, et ça, je sais que cela va en effrayer pas mal parmi vous. Mais si cela peut vous rassurer, dites-vous aussi que c’est un jeu de mémoire coopératif, et que vous pourrez donc bénéficier du phosphore de vos enfants pour mener vos expéditions. L’autre truc, c’est que Toko Island est également un jeu d’optimisation évolutif, et qu’à ce titre il est vraiment très malin. Et la dernière chose à vous dire avant que l’on ne commence, c’est que Toko Island est tout simplement magnifique… et d’une beauté à laquelle nos marmots n’auront pas forcément encore été habitués.

Leçon de design par HelvetiQ

Alors allons-y, enfonçons donc une porte ouverte et indiquons que Toko Island, c’est quand même la classe absolue : un jeu au look incroyable, teinté d’un minimalisme rafraichissant. Si quelqu’un avait dû me pitcher le jeu à l’aveugle, je pense que je me serais imaginé une sorte de plateau à la Dodo ou façon Île infernale. Un truc énorme, massif, avec des figurines, des enveloppes et des stickers de partout. Mais HelvetiQ avait autre chose en tête et ils ont eu bien raison : la direction artistique de Toko Island est une magistrale leçon de game design. Les enfants d’ailleurs, ne s’y trompent pas une fois qu’ils sont en face du jeu. Oh bien sûr, certains pointeront des illustrations trop discrètes et un manque de m’as-tu-vu, mais tous s’accorderont pour dire qu’il se passe « quelque chose » autour de ce jeu à la beauté aussi discrète qu’insolente.

Ce qui fascine le plus dans la proposition qui nous est faite, c’est la totale homogénéité de l’ensemble. A commencer par le plateau de jeu, qui parvient à créer une véritable sensation de relief grâce à une judicieuse superposition de couches. Il y a les tuiles, ensuite. Epaisses, agréables, elles dévoilent des trésors d’un nouveau type : des trouvailles archéologiques qui raviront les scientifiques de l’expédition. Statuette Tiki, Pierre de Jade, Masque tribal… toutes sont des trésors originaux et particulièrement surprenants pour des enfants de 5 ans.

Tout le reste du jeu est à l’avenant, avec des règles très soignées, des cartes de qualité, et un matériel aussi cohérent qu’astucieux, qui invite autant au jeu qu’à la rêverie. Toko Island est une petite pépite d’édition, et rien que pour cela le jeu mérite d’être connu et essayé, car la prise de risques est aussi intéressante que le résultat est époustouflant.

Approchons de l’île de Toko Island

Avant de jouer, il convient déjà de préparer l’île. Tous les jetons de trésors sont mélangés et répartis sur l’île, face cachée. Attention, certains emplacements (surtout les montagnes), peuvent contenir jusqu’à 3 jetons : un petit, un moyen ou un grand. Une fois que tous les jetons sont placés sur l’ile, nous pouvons nous occuper de notre navire.

A bord, la fébrilité est totale et les marins préparent activement le matériel. Tous les jetons outils sont mélangés et répartis face cachée sur les 3 emplacements du navire. Une fois qu’ils sont en place, ils sont tous révélés. La différence entre les emplacements du navire, c’est qu’en fonction de l’endroit où l’outil est pris, il pourra être utilisé 1, 2 ou 3 fois, ce qui aura évidemment une énorme importance stratégique plus tard.

Une fois que les outils sont en place, il reste encore à choisir quelle expédition nous allons mener. Il y a en effet quatre expéditions différentes disponibles, chacune déclinée en 3 niveaux de difficulté. Ce qui signifie qu’au bas mot vous aurez au moins 12 parties pour accomplir toutes les missions, en niveau normal. Car oui, vous devrez également boucler un niveau légendaire pour chaque mission et chaque niveau de difficulté, ce qui vous tiendra assurément occupés un bon moment.

Pour lancer la partie, prenez les 10 cartes correspondant à l’expédition de votre choix et à un niveau de difficulté choisi… et retournerez la première ! Elle vous dévoilera le type de trésor à aller chercher.

Lançons l’expédition !

Pour commencer à partir à la recherche de trésors, le premier joueur choisit un outil. L’île de Toko est composée de 3 environnements distincts : la plage, la jungle, la montagne. Chaque outil permet de farfouiller dans un environnement précis : le râteau pour la plage, la pelle pour la jungle et la pioche pour la montagne.

En fonction de l’endroit où l’outil est pris sur le bateau, il pourra permettre de retourner de 1 à 3 jetons de l’environnement correspondant (un multiplicateur est rappelé sur le plateau). Les trois environnements sont différents sur la forme, mais aussi sur le fond : s’il n’y a que 4 emplacements en montagne, les jetons y sont superposés par 3, là où ils sont répartis sur une seule couche sur la plage.

L’explorateur choisit un outil, donc, et va pouvoir retourner autant de jetons que marqué sur l’emplacement du navire. S’il choisit le râteau, par exemple, il pourra retourner 3 jetons sur la plage, comme bon lui semble. Si l’un des symboles correspond à la carte présente sur le navire, alors le trésor peut être récupéré et placé dans le cabinet de curiosités. Selon les expéditions, le trésor pourra valoir plus ou moins de points selon la taille du jeton, mais on vous expliquera cela un peu plus tard. Une nouvelle carte sera alors dévoilée.

Une fois que l’outil a été utilisé, hop il est défaussé. Le joueur suivant en choisit un à son tour, retourne des tuiles, etc. Le but du jeu est bien évidemment de parvenir à trouver tous les trésors représentés sur les 10 cartes avant que les outils ne soient tous épuisés.

Si jamais le dernier outil est utilisé sans que toutes les cartes n’aient été résolues, ce sera alors une défaite collective. Dans l’autre cas, le succès dépendra de la nature de l’expédition, ce que l’on vous détaille sans plus attendre.

Darwin et ses potes

Lorsque vous choisissez une expédition en début de partie, vous choisissez également des conditions de victoire différentes… et donc des récompenses différentes. Si la mission Lamarck correspond aux règles de base, la Mission Kablick vous invitera à faire le détail des points de vos trésors pour atteindre un score cible, les plus petits trésors enterrés étant ceux qui rapportent le plus.

La Mission Herchel vous invitera à exposer vos trésors remportés sur un tableau et de scorer en fonction des emplacements, alors que la Mission Darwin vous challengera carrément à trouver plusieurs trésors par carte.

Bref, quatre manières de jouer et de scorer, chacune déclinée en 3 niveaux de difficulté… pour autant de récompenses !

Le loot, les amis, le loot !

Vous pensiez que ces braves scientifiques agissaient pour le bien de la science ? Que nenni, les amis, ils sont comme tout le monde et veulent du loot, des trésors et des récompenses. En l’occureence, chaque mission réussie permet de débloquer une carte, qui sera consignée dans le livret de trophées. Pas de stickers à coller ici : les cartes sont délicatement insérées dans le livret au moyen de deux discrètes encoches, façon vieil album photo (ce qui permet de remettre votre campagne à zéro à tout moment).

Outre la fierté, chaque ligne de trophée complétée vous permettra en outre de gagner un jeton bonus que vous pourrez ajouter à votre collection (dans un charmant sac en tissu. En début de partie, vous pourrez choisir ou piocher l’un de ces jetons et le placer sur la proue du bateau : ce sera un bonus à utiliser 1 fois en cours de partie. Les jetons vous permettront, par exemple, d’effectuer des actions supplémentaires, de doubler la capacité d’un outil, de transformer n’importe quel outil en un autre, ou encore de disposer de deux cartes trésor « actives » en simultané. Ces petits bonus seront bien utiles pour viser les récompenses légendaires, c’est-à-dire le verso des cartes de récompense, qui présentent un magnifique côté doré. La classe absolue, le Nobel assuré.

Sensations de jeu

Alors oui, on ne va pas se voiler la face, Toko Island demeure tout de même un jeu de mémoire. Vous retournez des tuiles et tentez de trouver celle qui correspond au trésor que vous cherchez. Cela signifie que la célèbre phrase : « ah ouais, celui-là je l’ai vu quequ’part, mais où ? » finira évidemment par retentir. Heureusement, comme on le rappelait plus haut, la mémoire de nos marmots va venir nous sortir de bien des ornières, puisque le jeu est totalement coopératif. Et il faudra faire preuve d’un joli level d’optimisation pour obtenir toutes les récompenses, en particulier les légendaires. Mais que tout le monde se rassure : parents et enfants sont sur le même bateau et tout le monde passe un très beau moment sur Toko Island, un jeu totalement porté par son thème, par la qualité de son édition et de sa DA, qui traduisent finalement l’épure de règles qui ont la bonne idée de ne pas aller trop loin. Un jeu de mémoire, oui, mais un jeu de mémoire qui va en éclipser énormément d’autres tant il est redoutable de pertinence.

L’avis de Plateau Marmots

Toko Island n’est peut-être pas la boîte que l’on remarque le plus sur une tablée de ludicaire, mais c’est un jeu qui éclipse volontiers les autres une fois qu’elle est ouverte. Beau, intense, malin, cohérent, il donnerait presque envie de se remettre à manger du poisson pour se souvenir plus facilement de l’endroit où l’on a vu cette satanée statuette Tiki. Avec ses règles simples et son petit effet « collection » qui le rend addictif, Toko Island donne volontiers envie d’enchainer les parties et de rejouer encore et encore, afin de compléter son livret de trophées. Bravo à Marie et Wilfried pour cette étonnante virée dans le monde des naturalistes, un thème relativement rare et riche en possibilités ludiques et pédagogiques, dans un jeu de mémoire parfaitement calibré. Un titre qui mérite le détour, et dans tous les cas un gros coup de cœur !

On aime

  • Un jeu de mémoire coopératif, particulièrement malin
  • L’effet collection de trésors
  • Le thème, rare et prenant
  • Les tuiles bonus à gagner
  • La direction artistique, purement géniale
  • La qualité d’édition de A à Z. 

On aime moins

  • Rien…

Vous aimerez ce jeu si…

  • Vous êtes un parent. Avec des enfants, donc. 

Vous risquez de moins aimer ce jeu si…

  • Si VRAIMENT la perspective d’un jeu de mémoire vous refile des boutons. Mais vous passerez à côté d’un grand truc. 

Le trouver

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.