Test – Bubbly
L’un des trucs vraiment chouettes dans le jeu de société, c’est sa capacité à nous projeter vers des univers très différents les uns des autres. Bon, clairement, une grosse partie de la production reste attachée aux courses d’escargots et aux « portes-monstres-trésors », mais de temps en temps on tombe sur un jeu pas banal, qui nous donne des envies d’évasion. C’est assurément le cas de Bubbly, le nouveau venu dans la gamme Bandid… Pocket de chez HelvetiQ, qui vous propose tout simplement d’incarner… une bulle de savon. Oui oui, une bulle de savon, une goutte d’illusion fragile et légère qui flotte dans le ciel. Du moins, qui AIMERAIT flotter, car tout le monde ne l’entend pas nécessairement de cette oreille. Prenons notre envol, et voyons de quoi il retourne…
Tobia Botta Clara San Millàn| HelvetiQ
2 à 4 joueurs| A partir de 6 ans | Stratégie, Bluff
Tous contre un !
Bubbly est un jeu particulièrement original, et ce à plus d’un titre. D’une part, il est présenté comme l’un des plus accessibles de la collection Pocket, mais sa singularité va encore plus loin : c’est sans doute l’une des premières fois où les marmots de 6 – 7 ans se retrouvent dans la configuration de « tous contre un », qui n’est pas très commune à cet âge. Bubbly est en effet un jeu asymétrique, dans lequel deux camps s’opposent : la bulle qui flotte et le ciel qui va tout faire pour la faire chuter. À ce titre, on signalera de suite que le jeu est bien plus captivant à 3 ou 4 joueurs qu’à 2, car cette idée du « tous contre un » prend tout son sens si l’on est plusieurs à occuper le rôle du ciel, et à souffrir d’une communication défaillante. Bubbly, à ce titre, se savoure idéalement à 3 joueurs, pour des parties qui restent courtes et plus amusantes qu’à 2.
Des cartes naïves et agréables
Si le jeu est asymétrique, le matériel est néanmoins identique pour tout le monde : des cartes au style naïf et coloré, qui représentent différents éléments évoquant le ciel et la légèreté ; c’est à dire des feuilles dans le vent, un cerf-volant, un volant de badminton, un papillon, etc. Bon, dans les faits, les illustrations sont en fait un prétexte pour nous proposer autre chose que des cartes purement colorées, mais il faut avouer que le style naïf et agréable aide aussi à se mettre dans la peau de cette petite bulle qui veut défier la gravité le plus longtemps possible. On signalera d’ailleurs que si le recto des cartes est différent, le verso de toutes les cartes est identique (et représente une bulle, justement).
Le but du jeu est donc sans ambiguïté : survivre pendant 12 tours aux divers tourments et pièges que le ciel va envoyer à la bulle pour tenter de la faire tomber.
Des règles simples et intuitives
Pour lancer la partie, il suffit de déterminer les rôles. Le jeu se compose d’autant de manches qu’il y a de joueurs afin que chacun puisse incarner la bulle une fois. Le joueur bulle pioche 12 cartes, les joueurs ciel piochent chacun 9 cartes.
La partie est lancée avec un premier joueur ciel, qui place 3 cartes de son choix en colonne, la carte la plus haute étant adjacente à l’Arc-en-Ciel. Les trois cartes symbolisent les trois hauteurs de ciel, à travers lesquelles la bulle doit naviguer.
Le joueur bulle démarre alors la partie au niveau de l’arc-en-ciel et doit jouer l’une des cartes de sa main. S’il joue la même carte que celle posée en haut de la colonne (par ex, il joue une montgolfière sur une montgolfière), il pourra se maintenir en l’air et poser sa carte face bulle visible sur la carte la plus haute. S’il n’a pas de carte de cette couleur (ou s’il souhaite ne pas en jouer), il devra poser n’importe quelle carte au niveau immédiatement inférieur.
Le joueur ciel suivant procède alors de même : il pose trois cartes en colonne, juxtaposées aux premières. Le joueur bulle devra alors jouer l’une des cartes correspondantes pour se maintenir au même niveau ou monter au niveau supérieur (s’il y en a un). Toute autre carte jouée le fera encore descendre d’un niveau.
Attention : s’il devait être dans l’incapacité de se maintenir au niveau le plus bas, c’est-à-dire au 3e, la manche s’arrêterait alors aussitôt. Lorsque cela survient, le joueur bulle note le nombre de tours pendant lesquels il a pu se maintenir dans le ciel. Un autre joueur devient alors le joueur bulle pour une nouvelle manche, et ainsi de suite jusqu’à ce que chaque joueur ait pu incarner la bulle une fois. Le vainqueur est le joueur qui aura pu aller le plus loin possible en tant que bulle, et si possible survivre aux 12 tours de jeu.
Pourquoi 12 tours ? Parce que le joueur Bulle ne possède que 12 cartes, sans pouvoir en piocher. Sa main s’épuise donc un peu plus au fil des tours, et s’il tombe en rade d’une couleur, ce sera définitif pour le reste de son voyage. Les possibilités de jeu du joueur bulle deviennent donc de plus en plus faibles à chaque tour.
Du côté des joueurs ciel, ils devront également gérer leur main, mais pourront la reconstituer une fois que leurs 9 cartes seront épuisées. Ils auront donc une visibilité moins grande sur ce que la pioche leur réserve jusqu’au milieu de la partie. Pas si facile, donc, de piéger le joueur bulle.
Bluff et contre bluff
Sous ses airs mignons et innocents, Bubbly est au final un jeu de bluff relativement fourbe, qui invite les joueurs à tenter de deviner les ressources des adversaires.
Les joueurs ciel doivent s’entendre pour observer le comportement de la bulle aux cartes qui lui sont proposées. Les premiers tours de jeu sont souvent anodins, mais rapidement les choses se compliquent. Il faut repérer les couleurs délaissées par la bulle et tenter d’insister dessus. Le joueur bulle a peut-être tout simplement épuisé toutes ses cartes sur cette couleur et ne peut plus y placer sa bulle. À moins qu’il ne bluffe pour faire croire qu’il en est démuni, alors qu’il a encore des cartes de cette couleur en main ? S’il est avéré que la bulle n’a plus de carte dans une ou plusieurs couleurs, il faut alors la forcer à descendre en plaçant les couleurs sur les parties hautes de chaque nouvelle colonne, afin de la contraindre à une inéluctable chute en lui bloquant autant que possible l’accès à toute remontée. Mais les joueurs ciel ont-ils la main nécessaire ? Et la bulle ne s’est-elle pas laissé descendre de son plein gré pour mieux remonter ensuite et prendre ses adversaires au dépourvu ?
Le joueur bulle, en effet, peut choisir de se maintenir le plus haut possible s’il a les cartes nécessaires, mais il peut aussi s’amuser à descendre volontairement pour faire croire au ciel qu’il n’a plus les cartes de certaines couleurs. Une stratégie risquée, mais ô combien efficace quand elle fonctionne, car les joueurs ciel se retrouvent soudain perdus dans les cartes qu’ils doivent poser. Imaginez un joueur supposément à court de papillons qui joue soudain un papillon, comme pour vous narguer. Agaçant, non ? Mais terriblement amusant.
L’âge des sensations
Quand je l’avais vu à Cannes, j’avais été littéralement enthousiasmé par ce jeu, qui me semblait absolument taillé pour les marmots. Après de nombreuses parties, je suis un peu revenu sur cet élan initial. Concrètement, ce jeu est très sympa à jouer par des marmots… s’ils jouent entre marmots. Et il est très sympa pour des adultes, s’ils jouent entre adultes. Mais le mélange des deux fonctionne mal, car le jeu est évidemment bien plus fourbe que son style naïf ne le laisse supposer.
Le joueur bulle, s’il veut survivre, doit clairement mentir sur ses capacités et brouiller les pistes tant que ses cartes le lui permettent. C’est une chose (peut-être) évidente à 9-10 ans, mais bien plus complexe à 6 ans, comme tout jeu qui repose sur la duperie.
Le jeu peut évidemment être joué au premier degré, chose que font les enfants de 5 à 7 ans, mais il perd alors un peu de sa saveur. Et lorsque des grands marmots jouent contre des plus jeunes, la sanction est immédiate, ce qui ruine également le plaisir. Toujours mal à l’aise dans le bluff (et heureusement pour nous, parents), les enfants ont tendance à jouer sans malice ni calcul… et donc à se faire piéger assez vite. Donné pour un 6+ et présenté comme étant « l’un des jeux les plus accessibles de la gamme », il ne l’est finalement pas tant que cela et présente même de vraies subtilités de gameplay une fois que l’on commence à s’y essayer. Il est difficile d’évaluer l’âge auquel les marmots pourront y jouer en totale autonomie, mais 6 ans nous semblent un peu justes pour en profiter à plein. Comprenez bien que Bubbly est un chouette titre pour appréhender de nouvelles notions de jeu, mais clairement il faudra pas mal de parties pour que les enfants voient l’intérêt de mentir sur la teneur de leur main, qui est un peu la base du jeu.
L’avis de Plateau Marmots (Olivier)
Étrange titre que ce Bubbly, au final bien plus complexe à appréhender que son look mimi ne le laisse supposer. Comme tout jeu qui introduit une part importante de bluff, il est difficile de savoir comment les marmots vont être en mesure de se l’approprier, et surtout à quel âge. Clairement, l’âge indiqué nous semble trop optimiste pour que le jeu puisse être joué en famille (avec des chances de victoire), mais pour autant le jeu est fort agréable et permet même de découvrir le bluff de manière progressive. Difficile d’avoir un avis tranché, donc, sur ce jeu à la fois simple et subtil qui invite à découvrir de nouvelles sensations ludiques. À jouer à petites doses, sans doute, et ne le ressortant de temps en temps, si les concepts de fourberie commencent peu à peu à imprégner le gameplay des marmots. Le moment de nous réjouir, en tant que parents, de parties plus animées (et de nous méfier soudain de ces petits anges capables de nous mentir avec le sourire). À essayer, assurément !
On aime
- Une méca astucieuse, fluide et maligne
- Une Direction Artistique efficace
- Des sensations de jeu au rendez-vous
- Une belle première approche du bluff
On aime moins
- Positionnement âge discutable
- Parties adultes enfants déséquilibrées
Le trouver
Merci beaucoup pour la découverte, ma fille adore vraiment ce jeu, c’est son préféré !