Test – Carla Caramel
Je vais donc vous planter le décor. C’est l’été, et vous prenez un peu l’ombre sous le cerisier. Les cigales font sicsicsicsicsicsicsic, la chaleur est partout et une brise trop rare vient caresser les feuilles de manière indolente. Ce sont les vacances, le bonheur est total. Total ? Hmmm… A bien y réfléchir, un petit cornet avec 3 boules de glace apporterait une fraîcheur bienvenue à ce moment parfait. Cela tombe bien : le stand de Carla Caramel vient d’ouvrir ses portes ! Allez vite faire la queue pour récupérer un délicieux cornet… et veillez à ce que le soleil ne fasse pas fondre les crèmes glacées !
Carla Caramel est un jeu coopératif de Sara Zarian, illustré par Apolline Etienne. Il se destine de 1 à 6 petits joueurs, âgés de 4 ans et plus. Il est édité par LOKI.
[Ce jeu nous a été confiés par LOKI, dans le fol espoir que l’on va en dire du bien. Les fous ! ]
Madame Carrousel, je présume ?
A peine a-t-on risqué un œil sur Carla Caramel qu’une immédiate filiation se crée dans nos esprits avec Monsieur Carrousel : un autre jeu LOKI sorti en 2019. Même autrice, même illustratrice, même univers de fête foraine… difficile de ne pas penser au sublime manège en bois qui trônait à même le plateau. Difficile également de ne pas se souvenir de la – relative – déception qui avait été la nôtre après quelques parties, avec un sentiment d’inachevé qui jurait avec le matériel somptueux.
C’est ainsi avec une grande curiosité, mais aussi une certaine prudence, que l’on s’approche du stand de Carla Caramel.
Une scénographie très réussie !
S’il n’a (évidemment !) pas l’effet wahoo d’un Monsieur Carrousel, Carla Caramel propose toutefois une mise en scène particulièrement judicieuse qui saura assurément impressionner les petits joueurs que nous sommes tous. Pensez-donc : un stand de vente de crèmes glacées, avec ses bacs à glace, ses cornets, son auvent… qui tient dans une boîte au format réduit. C’est ici un très joli travail d’édition, particulièrement inventif, qui nous plonge immédiatement dans l’ambiance sans pour autant tout miser sur le spectaculaire.
Mais à présent que nous sommes devant le stand, vous vous posez une question légitime : que diantre devons-nous y faire ? Eh bien Carla Caramel est un jeu coopératif dans lequel nous devons composer des cornets de glaces pour les 5 enfants qui attendent devant le stand. Notre ennemi sera le soleil, qui aura tendance à faire fondre vos cornets s’ils ne sont pas servis à temps.
La mise en place est rapide et simple : les boules de glace (en bois) sont rangées dans les bacs correspondants, les cornets sont disposés devant le stand, le soleil placé au sommet de l’auvent (sur la rayure la plus à gauche) et les clients sont alignés devant le stand de Carla, bien décidés à repartir avec une crème glacée. Pourrons-nous tous les satisfaire, là est toute la question.
Ice Ice Maybe
Pour jouer, le premier joueur lance le (gros) dé en bois.
S’il obtient une couleur, il pourra alors se saisir d’une boule de glace correspondante et la placer sur l’un des cornets disposés devant le stand. Il y a toutefois deux règles importantes à respecter :
- Un cornet ne peut contenir que 3 boules de glace au maximum
- Un cornet ne peut avoir deux parfums identiques
Si dans les premiers tours de jeu cela semble facile et évident, vous verrez qu’en fin de partie, cette gestion des couleurs sera bien plus compliquée, ce qui fera alors tout le sucre sel du jeu. Il arrivera parfois que l’on se retrouve « bloqués » sans pouvoir effectuer l’action imposée par le dé, ce qui pourra alors nous mettre en danger : on y revient un peu plus bas.
Si vous obtenez une face « enfant », avec le dé, cela signifie que vous pouvez donner un cornet au premier client de la file. Vous pouvez donner le cornet de votre choix parmi ceux qui sont devant votre stand, qu’il ait une, deux ou trois boules. Mais attention : si vous lui donnez un cornet 3 boules, vous aurez un petit bonus en fin de partie. Notez que vous n’êtes JAMAIS obligés de donner un cornet, et que vous pouvez très bien attendre un peu plus longtemps pour qu’ils soient plus remplis. A vos risques et périls, évidemment.
Il féééchoooo, faire attention au soooleiiiil
Le risque, eh bien c’est la dernière face du dé, la face soleil. Quand vous tombez dessus, vous devez alors déplacer le soleil sur l’auvent d’une case (chaque rayure de l’auvent correspond en effet à une « case ») vers la droite. Si d’aventure le soleil se retrouve sur la même case que l’un des cornets de glace non-encore distribué, et si ce cornet comporte 3 boules, alors il fond ! Il est retourné sur son verso et ne pourra plus être vendu, snif.
Lorsque le soleil atteint la dernière case de l’auvent, il est ensuite replacé sur la case la plus à gauche, pour entreprendre une nouvelle traversée. A vous de gérer son parcours afin que vos glaces soient le moins en danger possible.
La partie prend fin lorsque tous les enfants ont été servis, ou lorsque 2 cornets ont fondu, signe de Game Over immédiat. Un petit scoring permettra d’évaluer votre performance, à raison d’un point par boule de glace + un point supplémentaire pour les cornets à 3 boules, vous permettant d’atteindre un score maximum de 20 points.
Carla, Ben et Jerry
Ne tournons pas autour du pot d’Häagen-Dasz : Carla Caramel est un jeu génial pour les 4- 6 ans, un jeu qui réussit en substance tout ce que Monsieur Carrousel avait été dans l’incapacité de produire, c’est à dire de l’intensité et de l’émotion. Point de jeu de mémoire un peu poussif ici, mais de jolies mini stratégies que l’on découvre petit à petit au fil des parties. Il y a le placement des boules de glace, déjà. Remplir un cornet avec sa 3e boule est toujours tentant, mais la position du soleil sur le plateau de jeu est déterminante. Aurez-vous le temps de vendre le cornet avant que le soleil ne soit à sa hauteur ? N’est-il pas plus sûr de se contenter d’une glace à deux boules, qui ne fondra jamais ? C’est ici que les derniers lancers sont déterminants, et que l’on se retrouve soudain obligés de remplir à plein un cornet trois boules alors que le soleil est proche. De vrais petits moments de tension, et des sensations particulièrement intenses pour un petit jeu que l’on imaginerait plus paisible.
Autre source de tension : le lancer de jeton. Figurez-vous qu’à tout moment, si vous êtes dans l’incapacité d’ajouter une boule de la couleur proposée (par exemple parce que tous les cornets en ont déjà une), alors vous devrez faire un bon vieux pile-ou-face avec un jeton Carla. En fonction de votre chance, vous pourrez donner un cornet de glace à un enfant… ou avancer le soleil d’une case.
Le Verger, mais en mieux
Avec un peu de recul, on retrouve plusieurs ingrédients qui ont fait le succès du bon vieux Verger dans la recette Carla Caramel. Il faut composer avec le résultat du dé pour tenter d’équilibrer ses cornets de la même manière que l’on s’échinerait à prendre des fruits différents sur les arbres du verger. Et il y a aussi la fatalité du soleil-corbeau, qui fait planer une menace permanente à chaque lancer. Mais Carla Caramel va plus loin que son illustre ancêtre quarantenaire (ce qui est la moindre des choses, évidemment) en ajoutant une couche de prise de risques qui redynamise totalement l’ensemble et ajoute des sensations de jeu fort réussies.
Evidemment, il est tout à fait possible de se débarrasser de ses cornets avec une seule boule, et ainsi jouer la sécurité, mais les enfants gourmands chercheront évidemment à tenter le diable en se disant qu’une 3e boule serait bien plus savoureuse, et qu’après tout le soleil est encore à l’autre bout du stand. Il y aura des cris de victoire et des moments de déception. Il y aura une ambiance souvent intense autour de la table, quand la victoire ou la défaite ne se résumeront au final qu’à un simple lancer de jeton, source de tous les enjeux d’une flamboyante partie d’une dizaine de minutes. C’est pour toutes ces raisons que Carla Caramel est une jolie réussite, tout simplement car les sensations de jeu de ce petit stand de vente de glaces sont au rendez-vous. Carla Caramel déchaîne les passions, les envies de faire mieux, de défier le soleil et les lois de la probabilité pour obtenir le graal absolu : un perfect de 20 points, que l’on savourera avec une grosse cuillère de macadamia nut brittle ou peanut butter cup. Après, il faudra clairement composer avec le hasard, accepter de soumettre sa réussite ou son échec au bon vouloir d’un polyèdre qui aura clairement le dernier mot. Et vous verrez que si vous y mettez un peu d’ambiance, les enfants auront largement assez d’enthousiasme pour vous embarquer dans cette course contre la chaleur, saveur vanille-chocolat.
L’avis de Plateau Marmots (Olivier)
Carla Caramel sent bon l’été, la pomme d’amour, les pralines et la barbe-à-papa. Aux antipodes des jeux pour enfants qui nous demandent désormais de brandir des smartphones et de déchirer des enveloppes pour éprouver des sensations, Carla Caramel joue sur une mécanique simple et sur les souvenirs d’une enfance fantasmée pour amener rêve et poésie. Certes, le jeu est somme tout assez classique dans sa conception, avec un dé qu’il faudra maîtriser tout du long, mais aussi avec une jolie dose de prise de risques qui amène richesse et tension aux parties. Réunis autour du stand de Carla, les joueurs s’encouragent, crient, tremblent et surveillent la progression du soleil dans des moments familiaux complices aussi captivants que libérateurs quand chaque enfant obtient sa précieuse glace. Et c’est essentiellement ce que l’on retiendra de Carla caramel : les sensations de jeu impressionnantes au vu de l’apparente simplicité du jeu, dans un total qui dépasse largement la somme des parties. Une jolie réussite, qui donne envie de plonger encore plus en avant dans cet univers chaleureux et pastel, pour des parties qui, quelles que soient leur issue, font tout simplement du bien.
On aime
- La mise en place “on joue dans la boîte”
- Les jetons de glace en bois, agréables à manipuler
- La mécanique, simple et accessible
- Un peu de prise de risques
- Des sensations de jeu très réussies
On aime moins
- Ma fille a peur du sourire de Carla, qu’elle trouve “diabolique” 😀
- Les réfractaires au hasard ne pourront que hurler à l’infamie
Le trouver
Fiche Technique
Un jeu de Sara Zarian
Illustré par Apolline Etienne
Pour 1 à 6 joueurs
A partir de 4 ans (voire un peu avant)