Test – Jinx

J’avoue qu’à l’arrivée de l’été, j’ai toujours tendance à lorgner les petits jeux de cartes, faciles à trimballer. Pas tellement pour une question de transport (Gloomhaven tient très bien dans une valise, suffit juste d’avoir une GROSSE valise), mais pour une question de jeu effectif en vacances. Sur un drap de plage ou une nappe de pique-nique, on ne peut pas toujours faire n’importe quoi. Expliquer aux marmots que y’aura pas de sandwiches, de glaces (ou de maillots de bain) parce que maman et papa ont besoin de place pour finir leur campagne de Warhammer, ça n’est pas toujours bien compris. Donc l’été, oui, je sors les jeux de cartes. Et pour tout vous dire, j’ai toujours tendance à partir en vacances avec et à les laisser sur place, afin que d’autres vacanciers puissent ensuite en profiter. Mais Jinx, voyez, je sais déjà que je vais le ramener. Parce que les sensations créées par ce jeu, d’apparence très classique, sont en réalité aussi déroutantes que grisantes. Un jeu surprenant, vraiment, qui risque fort de donner une bonne claque à vos habitudes de jeux de cartes. Alors partons ensemble à sa découverte, une nouveauté de chez Piatnik / Wilson jeux, qui risque bien de squatter vos tables un bon moment !

Jinx est un jeu de Klaus Altenburger, destiné à du jeu familial réunissant de 2 à 4 joueurs à partir de 6 ans. C’est édité par Piatnik et donné pour des parties de 15 minutes.

[Ce test a été effectué sur la base d’un exemplaire du jeu mis à disposition par l’éditeur. Ca ne change rien à notre avis, mais ça fait stylé de le préciser.]

Éloge de la sobriété

Je vais vous faire une confidence. Je ne suis pas quelqu’un de sobre. Enfin… ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Si si si, je vous vois arriver avec vos gros sabots. Alors hop, je précise ma pensée : l’austérité ludique a tendance à m’ennuyer. En gros amoureux d’ameritrash, de plateaux amovibles, d’enveloppes cachées et de jeux avec appli, j’avoue que les jeux très abstraits ou visuellement très simples ne m’attirent pas forcément le regard. Je sais que je passe à côté de pépites incontournables, mais les jeux de cartes simplement composés de quelques cartes numérotées en couleur ont tendance à me refroidir. Et cela tombe très bien, figurez-vous, car Jinx se compose essentiellement… d’un deck de cartes numérotées, déclinées en 6 couleurs. Et d’un dé. N’oubliez pas le dé, il est super important, le dé.

Tout cela pour vous dire que lorsque j’ai vu arriver Jinx sur ma table de jeu, j’ai pris une profonde inspiration avant de m’y lancer avec les marmots. Encore un 8 américain réinventé, bof… Mais comme je ne cesse de répéter aux rédacteurs de Plateau Marmots qu’il faut savoir sortir de sa zone de confort et prendre des risques ludiques, je me suis risqué à l’inconnu. Et comme vous l’aurez déjà deviné, j’ai adoré.

Bon, on ouvre la boîte, ou bien ?

Vous avez raison amis lecteurs, je m’égare. Ouvrons donc la petite boîte de Jinx. Au top de la coolitude glamouresque qui le ferait presque ressembler à un Everdell si on fausse un peu les perspectives (et en fermant un peu beaucoup les yeux), Jinx se compose donc d’un deck de 48 cartes. 36 d’entre elles sont des cartes numérotées de 1 à 6 et déclinées en 6 couleurs. Blague à part, elles sont en fait plutôt jolies (dans leur genre), très lisibles et surtout Daltonien Friendly, ce qui est toujours un joli plus. En effet, chaque couleur est associée à un symbole, et il est simple de s’y retrouver.

Ces 36 cartes sont accompagnées de 12 cartes « Chance » qui permettent de créer des effets de jeu sympathiques (en tout cas plus sympathiques que les redoutables cartes « Chance » du Monopoly que personne n’a jamais envie de piocher). Pour une première partie, d’ailleurs, je vous invite à les sortir du jeu pour faire tourner Jinx dans son principe le plus simple, une première approche plutôt sympatoche pour les 6 – 7 ans.

Le jeu contient également un dé (super important le dé, sérieux) et des règles qui vous permettront de jouer dès la première lecture. Chouette !

Éloge de l’ingéniosité

La mise en place du jeu ne prend que quelques secondes : il suffit de piocher et disposer sur la table les 16 premières cartes de la pioche, disposées en 4 x 4 cartes. Le premier joueur s’empare alors du dé, et le lance.

Bien, maintenant vous vous demandez un truc. « Que vient faire un dé dans un jeu de cartes ? Il nous saoule avec son dé depuis tout à l’heure, mais il sert à quoi, en vrai ? ».

Ahah, je reconnais bien là votre esprit d’à-propos qui fait de vous un lecteur premium. Eh bien je vais vous répondre sans plus de détour.

Le résultat du dé permet de prendre une carte de votre choix qui présente la même valeur. Oui oui, tout simplement. Vous faites un 1 avec le dé, et pouf, vous pouvez prendre une carte de valeur 1. S’il y en a plusieurs, vous pouvez prendre la carte que vous voulez, de la couleur de votre choix, mais une seule. Chaque carte n’est présente qu’en un seul exemplaire dans le jeu, donc celle que vous prenez ne sera pas prise par un autre, ce qui est toujours sympathique.

Si par malchance le résultat du dé ne vous convient pas, vous avez droit à une relance. Mais vous serez obligé d’accepter le second résultat, quel qu’il soit.

Et ensuite ? Bah ensuite c’est au tour du joueur suivant. Il lance le dé à son tour, peut relancer si le premier résultat ne lui plaît pas, choisit une carte parmi les restantes (car elles ne sont pas remplacées), et ainsi de suite.

Jusqu’à ce que. 

Jusqu’à ce que la fatale fatalité arrive. Le jeu s’appelle « Jinx », ce qui signifie « Porter la poisse » en anglais.

Un moment fatidique va fatalement survenir : celui où la valeur de votre dé n’aura plus de cartes correspondantes dans le tableau. Vous allez relancer le dé, et ce sera pareil, snif. Ce sera alors la fin de la manche.

Ces cartes qui disparaissent…

Et là, là, en ce point précis du temps, il va se passer quelque chose qui fait tout le sel du jeu. Son ADN, même. Parce que figurez-vous qu’en fin de manche, les joueurs ne peuvent conserver QUE les cartes collectées dont la couleur n’est plus présente sur la table. Là, cher lecteur, je vois tes sourcils se froncer et se rejoindre.

C’est simple : imaginons que vous ayez pris (peu importe leur valeur), 1 carte violette, 1 carte bleue et 2 cartes vertes. Eh bien si le tableau de cartes sur la table comporte encore au moins une carte bleue et une carte verte… vous devrez les défausser et ne conserver que la violette. Vous voyez le truc ? Les couleurs les moins représentées sur le tableau sont donc celles qui ont les meilleures chances de scorer à la fin…

Mais attendez, il y a plus fourbe encore ! Parce que figurez-vous que vos cartes glanées lors des deux premières manches ne sont PAS sécurisées après chaque manche. Hééééé noooon. Ce qui signifie que vous pouvez tout à fait perdre une grosse partie de vos gains en fin de troisième et dernière manche. Mais cela signifie aussi que vous pouvez FAIRE PERDRE vos adversaires en laissant ostensiblement en jeu une carte qui va vidanger une partie de leur collection s’ils n’arrivent pas à obtenir le bon chiffre au dé. So cruel, isn’t it ?

Le petit détail qui tue mais qui fait mal quand même, c’est que le joueur qui aura mis fin à chaque manche (en étant dans l’incapacité de réaliser un lancer de dé qui correspond à une carte du tableau, donc), aura pour punition de devoir se défausser sa carte de plus haute valeur (APRES avoir perdu les autres, évidemment).

Les cartes non prises en cours de manches sont défaussées, et une nouvelle manche est ensuite mise en place avec 16 nouvelles cartes piochées. En fin de 3e et dernière manche, les joueurs font le total des valeurs de leurs cartes rescapées. Le plus haut score l’emporte.

Éloge de la Chance !

Bon d’accord. À la lecture de ce qui précède, vous vous dites que l’ensemble est plutôt malin, mais que vous êtes tout de même bien soumis aux caprices d’un polyèdre. Vous marquez un point. Fort heureusement, Jinx a tout prévu. Parce que le hasard, ça va bien deux minutes, mais pouvoir le contrôler, c’est mieux.

Voilà pourquoi à chaque fin de manche vous pouvez acheter des cartes “chance”. Leur tarif est simple : 1 carte “chance” vous coûtera l’une de vos cartes péniblement gagnées. Et si vous n’avez aucune carte à dépenser, la bonne fortune vous viendra en aide en vous octroyant généreusement une carte “chance” gratuite.

Ces cartes “chance”, comme vous vous en doutez un peu, permettent de contrôler les effets de votre lancer de dé. Par exemple en vous permettant d’ajouter ou de soustraire « 1 » au résultat de votre lancer, en vous accordant une relance supplémentaire, etc. Et la bonne nouvelle, c’est que les effets de ces cartes sont cumulatifs !

De telle sorte que si la première manche est effectivement soumise au hasard, les suivantes vous permettent de déployer une stratégie de plus en plus fine. Le jeu monte donc vraiment en puissance de manche en manche pour un 3e round souvent incisif et décisif, dans lequel chacun pourra lutter pour sécuriser sa collection de carte et s’assurer de la conserver jusqu’à la fin.

Éloge des sensations de jeu

Comme vous l’aurez compris, j’ai été particulièrement convaincu par Jinx, un jeu dont on se méfie évidemment dans les premiers tours (surtout si on subit les tirages du dé) avant de comprendre où il veut en venir et de vivre à plein ses possibilités tactiques. Car il faut avoir l’œil :

  • sur les cartes toujours en jeu qui risquent de vous faire perdre vos gains
  • sur les cartes de plus haute valeur à récupérer
  • sur les couleurs de cartes ramassées par vos adversaires et donc potentiellement vulnérables
  • sur l’éventail de vos cartes “chance” et les possibilités qu’elles vous offrent pour modifier vos lancers de dés

Jinx vous invite à la fois à tenter de collecter les cartes aux plus hautes valeurs, tout en vous incitant à prendre celles dont la couleur est la moins représentée. Pas si simple. Tellement pas si simple que la notion de « 6 ans et plus » est peut-être un peu optimiste, surtout si l’enfant joue contre des personnes de niveau plus élevé. Car si la mécanique de base est tout à fait accessible, le cumul des cartes “chances” ouvre bien davantage les possibilités tactiques et risque de mettre les plus jeunes en retrait. D’où l’idée, initialement exposée, de sacrifier quelques parties sans les cartes “chance” (et de les introduire progressivement), pour installer l’éventail tactique paisiblement. Vous verrez, petit à petit, vos fragiles marmots deviendront de féroces compétiteurs.

L’avis de Plateau Marmots

Et bim ! Catégorie « petit jeu qu’on ne voyait pas arriver », Jinx s’impose et truste nos tables de jeu. Quelque part entre jeu de cartes rapide et fun, jeu de collection et jeu de stratégie, il sait imposer sa mécanique originale et séduit par son ingéniosité. Si le dé est parfois cruel, les cartes “chance” permettent de composer avec lui et d’en minimiser les effets, pour des parties rarement frustrantes. Une très très bonne surprise donc, pour un jeu familial qui se destine toute de même aux plus grands des marmots, plutôt vers 7 ou 8 ans, pour que les chances puissent s’équilibrer entre petits et grands. Une excellente surprise, assurément !

On aime

  • Un jeu de carte rapide et fun
  • Fichtrement malin
  • Coloré et sympa
  • Le dé qui nous pourrit la vie
  • Les cartes “chance” qui nous sauvent la mise
  • Laisser une carte exprès en jeu pour qu’un adversaire perde son butin
  • Les cartes non sécurisées après chaque manche, effet diabolique
  • Une très jolie marge de progression tactique

On aime moins

  • Un peu compliqué à 6 ans face à des joueurs plus costauds

Le trouver

Pour aller plus loin

Fiche technique

  • Jinx est un jeu de Klaus Altenburger
  • Pour 2 à 4 joueurs
  • A partir de 6 ans
  • Pour des parties de 15 minutes grand max
  • C’est édité par Piatnik

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