Test – Pingouins
Les pingouins de « Pingouins » sont increvables. Et après 18 ans d’existence et 3 éditions françaises, on ne peut pas vraiment dire qu’ils aient atteint l’âge de raison.
Vous pensiez que la fonte des glaces, c’était un peu votre faute, avec votre SUV Diesel, la clim’ en été, le chauffage à fond en hiver, le réchauffement climatique, tout ça…
Eh bien non… Rassurez-vous et ne changez rien…
Tout ça, c’est la faute aux pingouins de « Pingouins ». Car, tels des petits Attila du Grand Nord, là où ils passent, la glace trépasse. Et ça fait 18 ans que ça dure.
« Pingouins » est un jeu d’Alvydas Jakeliunas et Günter Cornett, illustré par Sylvain Decaux et édité par Fantasy Flight Games. Il peut sustenter 2 à 4 pingouins amateurs de poissons crus, âgés 8 ans et plus.
Sous la banquise, la table
Commençons tout de suite par le point qui fâche, le gros défaut, le talon d’Achille de « Pingouins » : son installation.
Le plateau est une banquise constituée de 60 petites tuiles hexagonales. Et croyez-moi, placer ces 60 tuiles sur la table peut s’avérer très long et très pénible, surtout quand vos Marmots soudainement devenus altruistes, décident de vous « donner un coup de main » (vous noterez les guillemets).
Pourtant, une fois la banquise mise en place, et surtout une fois les petits pingouins en plastique tout colorés et tout mignons dans vos mains, cette épreuve ne sera plus qu’un lointain souvenir.
Et vous n’aurez plus qu’une obsession : manger du poisson cru…
A pingouin, pingouin et demi
Avant de débuter la partie, vous recevez plusieurs pingouins à votre couleur (2 à 4 selon le nombre de participants), et placez chacun d’eux sur un hexagone libre de la banquise.
Quand vient votre tour, rien de plus simple : vous déplacez l’un de vos pingouins et récoltez une tuile hexagonale. Ainsi, plus la partie avancera et plus la banquise sera réduite à néant.
Un pingouin se déplace toujours en ligne droite dans l’une des 6 directions de son hexagone de départ. Il arrête son mouvement où il veut mais ne peut traverser ni une tuile occupée par un autre pingouins, ni une case sans tuile.
Une fois le déplacement effectué, vous récupérez la tuile banquise où le pingouin a débuté son mouvement.
Sur chacune de ces tuiles sont représentés 1 à 3 poissons appétissants qui seront autant de points en fin de partie.
Quand un joueur ne peut plus déplacer aucun de ses pingouins, il les retire du plateau.
Quand tous les pingouins de tous les joueurs ont été retirés du plateau, celui-qui a collecté le plus de poissons gagne la partie.
Pour une poignée de poissons
Vous la sentez cette odeur qui plane à la lecture des règles ? Non, ce n’est pas le parfum enivrant du poisson frais… Non, ce n’est pas l’appel du Grand Nord… Cette odeur, c’est celle du jeu fourbe et vicieux.
Parce que les déplacements de vos pingouins servent certes à récupérer les tuiles les plus riches en poisson. Mais ils servent surtout à morceler la banquise et bloquer les pingouins adverses. A les isoler en groupe sur de tous petits ilôts pauvres en poisson, pendant que vous vous pavanez sur votre immense morceau de banquise.
Enfin, ça c’est dans l’idéal… Parce que la plupart du temps, ce seront vos pingouins qui se retrouveront bloqués sur un micro-glaçon en train de fondre…
Vous me direz que toute cette fourberie ne laisse pas présager un jeu familial. Eh bien détrompez-vous… Parce que le jeu ne joue jamais sur l’agression directe, seulement sur les tentatives de blocages. Et comme la stratégie est la même pour chaque joueur, on s’en veut surtout à soi de ne pas avoir vu venir le mauvais coup qu’un adversaire nous avait concocté.
Il faudra, il est vrai, plusieurs parties aux Marmots les plus jeunes (le jeu est largement accessible dès 7 ans) pour trouver le bon dosage entre collecte des meilleures tuiles et blocage des adversaires. Mais chaque partie est tellement rapide, dynamique et riche en retournements de situations burlesques qu’ils en redemanderont… A votre grand désespoir puisqu’il vous faudra alors remettre en place les 60 petits hexagones, dans un perpétuel et pénible recommencement, tel un Sisyphe du monde ludique.
Et pour quelques poissons de plus…
Difficile de parler de « Pingouins » sans parler de son adaptation « Hey that’s my Fish » (titre original du jeu) sur Smartphone et tablettes. Ce fut l’une des premières adaptions de jeu de plateau sur support numérique, et autant dire que 10 ans après, elle fait toujours office de référence.
Son point fort : vous éviter l’installation interminable des tuiles banquises.
Son point faible : un rythme un peu hystérique et le déplacement rapide des pingouins gérés par l’intelligence artificielle, qui poussent au jeu instinctif plutôt qu’à l’analyse stratégique.
Cette adaptation numérique (payante) est donc à conseiller à ceux qui ont déjà apprivoisé les pingouins en plastique et dévoré du poisson en carton.
On the rocks, again !!!
Qu’est-ce qui fait qu’un jeu peut disparaître des rayons au bout de quelques mois à peine, et que « Pingouins », pourtant doté de règles minimalistes et d’un thème psychédélique, y pointe toujours le bout du bec après 15 ans ?
La réponse est très certainement dans la question.
- Ses règles simples mais pas simplistes, expliquées en quelques phrases mais qui demanderont bien des parties pour être maîtrisées.
- Son côté très stratégique à deux joueurs qui vire rapidement au chaos à partir de 3 joueurs. Mais un chaos au bon sens du terme, vecteur de rigolade.
- Sa thématique qui plaira aussi bien aux Marmots (les pingouins de « Madagascar » y sont pour quelque chose) qu’à leurs parents pour son côté psychédélique. La percutante illustration de couverture de Sylvain Decaux y est d’ailleurs pour beaucoup. Elle n’a pas pris une ride en dix ans (dernière édition du jeu en date) et a inspiré bien d’autres illustrateurs depuis. Il suffit pour s’en convaincre de jeter un œil à la couverture du récent : « Ice Team ».
C’est un peu tout ça qui assure aux pingouins nihilistes de « Pingouins » une très longue vie… Pauvre banquise…
On aime :
- La mécanique et le thème indémodables
- Les petits pingouins en plastique
- L’explication courte, les parties courtes…
On aime moins :
- … la mise en place interminable.
Vos Marmots aimeront si :
- Ils aiment les pingouins hyperactifs.
- Leur papa installe le jeu à leur place.
Où le trouver :
Fiche du jeu :
- Un jeu d’Alvydas Jakeliunas et Günter Cornett
- Illustré par Sylvain Decaux
- Edité par Fantasy Flight Games
- Pour 1 à 6 Pingouins affamés
- De 8 ans et plus
Ah tiens, vous me donnez envie de le ressortir !
J’avoue que la mise en place m’a un peu découragée, et je n’avais pas senti d’enthousiasme de mes pitchouns, mais faudrait que j’essaie de nouveau. Merci pour cet idée !
Pour la mise en place, ça fait plusieurs fois que je ne cherche pas à faire la grille de 8×8 je fais une patate informe et ça marche tout aussi bien et c’est (un peu) plus rapide.
Par contre, même si les règles sont très accessibles aux marmots, impossible pour eux de gagner face à un adulte, c’est un jeu violent et qui ne pardonne pas.
Bonjour Romain,
Comme indiqué en conclusion du test, le jeu à 2 joueurs peut effectivement s’avérer très stratégique. Ce qui est le cas de beaucoup de jeux pour Marmots n’impliquant ni jet de dés, ni pioche de carte (« Quoridor Jr » ; « Gravity Superstar » ; le tout récent « Cheese Rescue » ; ou « Ice Team », le dé ne servant qu’à définir les récompenses…)
Mais joue t’on réellement de la même manière avec un Marmot de 7-8 ans en découverte de nouvelles mécaniques de jeu, qu’avec des vieux roublards de la cause ludique ?
A 3 joueurs et plus encore à 4, le jeu devient tellement chaotique qu’on ne peut raisonnablement plus parler de stratégie.
Puisqu’on ne peut déplacer qu’un pingouin par tour, jusque 6 pions adverses bougeront avant qu’on ne puisse tenter de sauver au mieux notre second pingouin. Aucune stratégie ne tiendra donc la distance. Pour avoir fait de nombreuses parties dans ces configurations avec des Marmots de 7 à 9 ans, les adultes n’étaient guère plus avantagés que les Marmots.
Quant à la question : est-ce un jeu « violent » ?
Comme indiqué dans le test, il n’y a jamais d’agression directe. A défaut d’être violent, le jeu peut par-contre s’avérer frustrant.
De plus, même si dans l’application smartphone du jeu, on voit chaque pingouin couler à pic dès qu’il se retrouve bloqué sur une tuile, rien de tout ça dans le jeu physique. Chaque pingouin bloqué reste en place jusqu’à la fin de la partie (du moins à 2 joueurs). Rien, donc, de visuellement humiliant pour l’enfant.
Ma fille a trouvé bien plus injuste et violent de voir ses lapins tomber dans les limbes de la montagne en plastique de « Croque-Carotte » quand elle avait quatre ans, ou de voir son personnage tout mignon dégommé par le mien dans « Gravity Superstar » à la manière d’un Super Smash Bros.
Mais tout ça dépendra bien sûr de chaque Marmot 😉