Test – Le Peuple Loup

« Nous sommes en Irlande, au temps des superstitions et des croyances. »

Oui, je sais, vous allez me dire qu’à l’heure d’Internet, les superstitions et les croyances c’est finalement très contemporain, et vous n’aurez pas tort. Alors, dites-vous que c’était au temps des superstitions d’il y a longtemps. Et qu’en ce temps-là, les forêts d’Irlande étaient peuplées de curieuses bestioles : les Wolfwalkers. Les Wolfwalkers, ce sont des enfants qui sont enfants le jour… et qui deviennent loups la nuit. Un peu comme les loups-garous, mais sans le côté pleine lune, voyez. Des bestioles plutôt sympathiques et qui ne veulent embêter personne, assurément. Mais ces bons gros lourdauds d’humains de la grosse ville (industrielle) d’à côté ont une peur féroce de ces créatures et ratiboisent la forêt un peu plus chaque jour afin de les exterminer. Robyn, une petite fille humaine, persuadée que ces créatures sont maléfiques, ne tarde pas à tomber sur elles… et à en devenir une elle-même. Elle mesure alors la folie sanguinaire des hommes… Mais comment freiner les humains dans leur chasse impitoyable aux Wolfwalkers ?

Cette histoire, vous l’aurez compris, est celle du film « Le Peuple Loup », qui sortira sur nos grands écrans dans quelques semaines (sauf si un variant « omega II turbo edition + » ne nous consigne dans nos chaumières une fois encore). Mais c’est aussi l’histoire de ce jeu, très directement inspiré du film, qui nous invite à explorer la forêt pour réunir les éléments de l’« Esprit-Loup », seul capable de protéger les Wolfwalkers contre la sinistre avancée des soldats humains.

Le Peuple Loup est un jeu de Grzegorz Przytarski et Maciej Rogalewicz, illustré par Cartoon Saloon et María Pareja, localisé en France par Atalia. Il se joue de 1 à 4 joueurs, à partir de 6 ans.

[Nous n’avons pas trouvé ce jeu en forêt, il nous a été envoyé par l’éditeur afin que nous puissions partager notre avis. Ca ne change rien à nos impressions, mais ça fait stylé de le préciser.]

Prom’nons nous dans les bois…

Le Peuple Loup nous invite donc à explorer une forêt (mais aussi la sinistre ville avoisinante) afin de trouver des tuiles spécifiques et de les obtenir contre des runes. C’est un jeu de stratégie light basé sur le déplacement tactique, qui propose 3 niveaux de difficulté différents afin de demeurer accessible et fun au plus grand nombre.

Dès l’ouverture, le jeu séduit grâce à son incroyable direction artistique tirée du film, qui plonge immédiatement les joueurs dans l’univers des Wolfwalkers. Le plateau qui représente la forêt et la ville attenante est un modèle du genre, avec un choix de couleurs particulièrement agréable aux rétines.

Outre le plateau, le jeu propose des tuiles (les rencontres qui seront faites en forêt), des pions personnages (en carton), des pions soldats (en bois), un dé (en bois aussi) et des jetons « runes », qui incarneront la « monnaie » du jeu.

Si le matériel tient parfaitement la route et donne envie de jouer, quelques regrets toutefois : le dé est un peu petit et très léger, les pions des soldats manquent un peu de personnalité (certes ils incarnent une sorte de « menace globale », mais bon…) et le dos des tuiles fait bizarrement « sobre » au vu de la beauté du plateau. Des ptits détails de rien du tout qui n’affectent pas directement le gameplay, mais j’avoue avoir eu envie de rebooster un peu tout cela avec des figurines pour les soldats et des runes un peu plus « runiques » pour remplacer les jetons.

La règle est assez condensée, mais parvient à se montrer extrêmement claire en très peu de pages. Le point fort du jeu, c’est qu’il peut se découvrir très progressivement avec des niveaux de complexité successifs, pour des parties allant de 10 minutes à une grosse demi-heure.

Un autre petit truc chouette, c’est que la règle propose également des petits « achievements » à compléter pour découvrir de nouvelles manières de jouer. C’est un principe que l’on aime beaucoup et qui pourrait s’adapter à quasiment tous les jeux.

Choix du mode et mise en place

Le Peuple Loup permet de jouer en coopératif ou en compétitif, avec une difficulté plus ou moins avancée. Il est donc possible d’adapter en permanence le jeu en fonction de ses envies. Les premiers modes n’utilisent qu’une partie des tuiles, mais la mécanique du jeu reste quasi identique dans tous les cas. De quoi démarrer en douceur sans jamais perdre ses repères.

Pour jouer, les tuiles sont mélangées et placées sur les zones de forêt et de villes (les tuiles de ces deux zones sont différentes). Selon le mode de difficulté, vous aurez à trouver l’Esprit-Loup caché dans un nombre de tuiles différent, de 40 à 60. Évidemment, plus il y aura de tuiles, plus les choses seront complexes. Certaines tuiles sont marquées d’un symbole en haut à droite pour indiquer qu’elles correspondent à un niveau de difficulté précis.

Honnêtement la mise en place ne prend que quelques minutes, et on se retrouve très vite au cœur de la forêt, cachés dans notre tanière.

Dans les sombres recoins de la forêt

Le but du jeu, que l’on soit en coopératif ou en compétitif, consiste à réveiller l’Esprit-Loup, qui se cache quelque part dans la forêt. L’Esprit-Loup est en fait un ensemble de 3 tuiles qui s’associent pour former une silhouette de loup. Le but du jeu consiste donc à sillonner le plateau de jeu pour trouver 3 tuiles de la même couleur permettant de reconstituer l’Esprit-Loup. Mais il ne suffira pas de les trouver, encore faudra-t-il être en possession d’assez de runes pour pouvoir les prendre.

Si un joueur parvient à associer 3 tuiles du même Esprit-Loup ET à rejoindre la tanière, l’équipe aura alors gagné la partie. Oui, mais voilà, les soldats sont à la recherche de la tanière eux aussi, et la partie sera immédiatement perdue s’ils parviennent à l’atteindre.

Dans Le Peuple Loup, les soldats sont dirigés par l’ensemble des joueurs, en fonction des tuiles trouvées en forêt. Beaucoup d’entre elles, évidemment, permettent aux soldats de se déplacer et de se rapprocher de la tanière. Chaque tuile « soldat », toutefois, n’active qu’un seul soldat sur les deux. Aux joueurs de déterminer, ensemble, quel est le moins dangereux des deux à déplacer à ce moment précis de la partie.

Des déplacements ingénieux

Les joueurs débutent la partie dans la tanière des loups, en bas du plateau. À son tour, le joueur lance le dé spécial qui lui indique ses possibilités. S’il obtient un symbole cerf, chouette, empreinte ou arbre, il pourra alors se déplacer en direction du prochain symbole de ce type, en suivant la route de son choix. Comprenez par là qu’il pourra partir dans la direction qui l’arrange le mieux, prendre les intersections qui lui chantent, à condition qu’il s’arrête sur le premier symbole correspondant à la face de dé obtenue.

Cette liberté (relative) de mouvement permet deux choses. La première, c’est de collecter en chemin un maximum de jetons runes. À chaque fois qu’un joueur passe par une case rune, en effet, il peut prendre un jeton correspondant (à hauteur de 7). Les runes, c’est la monnaie du jeu, et il est toujours utile d’en posséder. Mais le second intérêt de ce type de déplacement, c’est de choisir dans quelle direction l’on va… et surtout quelles tuiles on va retourner. Une fois que le joueur s’arrête sur une case correspondant au symbole de son dé, en effet, il regarde à quelles tuiles sa case est éventuellement connectée. Les cases peuvent être connectées à une ou deux zones de tuiles… ou à rien du tout. Dans certain cas il sera très utile de dévoiler le maximum de tuiles le plus rapidement possible, dans d’autres de faire profil bas. On y reviendra.

À chaque fois qu’un joueur arrête son mouvement sur une zone connectée à des tuiles, il est obligé de dévoiler la tuile au sommet de chaque pile, si elles sont face cachée. Cela signifie tout simplement que les Wolfwakers patrouillent en forêt dans l’espoir de trouver des traces de la présence d’un Esprit-Loup en balade.

En fonction des tuiles dévoilées, il peut se passer de nombreuses choses…

Du rififi dans les sous-bois

Les tuiles, en effet, peuvent être neutres, positives ou négatives.

Parmi les positives, il y a évidemment les fragments d’Esprit-Loup. Chacun d’entre eux constitue la partie d’un triptyque que vous devez reconstituer pour gagner la partie. Les 3 fragments devront évidemment de la même couleur et représenter chacun une partie différente de l’Esprit-Loup. À noter qu’il existe une tuile joker (en un seul exemplaire !), permettant de remplacer n’importe quelle tuile Esprit-Loup.

Parmi les tuiles positives on trouve également des tuiles qui vous permettent de rejouer immédiatement, d’échanger des fragments d’Esprit-Loup avec un autre joueur, de regarder une rangée de tuiles ou de consulter, puis déplacer une tuile où bon vous semble. Bref, des petits bonus qui vous permettent d’explorer les tuiles de manière efficace, et d’éviter certains ennuis. Mais attention : la plupart de ces tuiles doivent être achetées au moyen de vos runes amoureusement collectées, pour être activées !

Les tuiles négatives, on s’en doute, sont celles qui permettent d’activer les soldats. Ici pas de coût à payer : les soldats s’activent dès que la tuile est placée face visible. Chaque tuile soldat active l’un des deux soldats (à votre convenance) et le fait se déplacer dans le sens de la flèche indiquée sur la tuile, jusqu’à la prochaine case rune.

Outre le fait qu’ils avancent inexorablement vers la tanière, les soldats bloquent la case rune sur laquelle ils sont installés et la rendent infranchissable. Impossible donc d’emprunter certains chemins, ce qui pourra devenir casse-tête parfois. De leur côté, les soldats ignorent totalement les joueurs et se contentent de chercher la tanière. Si la trajectoire d’un soldat le fait passer par une case qui contient un pion joueur, le soldat le traverse sans le voir, jusqu’à la prochaine rune. Ouf.

Cache-cache tactique

Le Peuple Loup consiste donc essentiellement à déplacer ses pions dans la forêt en optimisant le chemin choisi afin de récolter des runes, dévoiler des tuiles et, le cas échéant, les acheter. La thématique du jeu est parfaitement imbriquée, car la fouille des tas de tuiles rappelle véritablement le fait de fouiller buissons et clairières à la recherche des esprits cachés. Si certaines tuiles sont inutiles au moment où vous les découvrez, il faudra parfois sacrifier quelques runes pour les activer malgré tout, ne serait-ce que pour rendre accessibles les tuiles qui se cachent en dessous.

Il y a donc une jolie part d’aléatoire dans le fait de trouver ou non les Esprit-Loups rapidement au milieu des tuiles, mais ce hasard est tempéré au moyen d’une mécanique particulièrement judicieuse : les 3 « têtes » d’Esprit-Loup sont obligatoirement dissimulées dans les tuiles de la ville, tout en haut du plateau, et riches en tuiles soldats. Les joueurs seront obligés, donc, de sillonner la carte en long, large, et travers pour collecter les tuiles d’Esprit-Loup. Évidemment, plus on révèle de tuiles, plus on risque de dévoiler des soldats et de les activer.

Heureusement, deux faces de dé sont là pour nous aider : la première permet de dévoiler la première tuile de n’importe quel tas, même lorsque l’on n’y est pas connecté. La seconde, quant à elle, permet d’acheter n’importe quelle tuile dévoilée, où qu’elle se trouve en forêt. Des petits raccourcis bien pratiques pour se tirer d’une situation épineuse. Car même si les soldats peuvent parfois faire quelques détours, ils avancent toujours un peu plus vers votre tanière… et il ne vous suffira pas de trouver et de compléter un Esprit-Loup, il faudra également l’escorter jusqu’à votre tanière avant que les soldats ne l’atteignent, ce qui signifie retraverser le plateau dans l’autre sens, avec des soldats qui vous bloqueront probablement des accès.

 

Quand la nuit tombe sur la forêt…

Au moment où vous parvenez à obtenir 3 Esprit-loups identiques, vous réalisez soudain que la partie change de ton. Parce qu’à l’instar du lièvre et de la tortue, pendant que vous étiez en train de parcourir la forêt de manière un peu légère, les soldats se sont rapprochés de la tanière… Et vous voilà alors à l’autre bout du plateau, devant rentrer le plus vite possible. Les cases qui vous permettaient de révéler des tuiles deviennent soudain vos pires ennemies, car toute nouvelle tuile soldat dévoilée pourrait être catastrophique. Comme si soudain une ombre glacée passait au dessus de la cime des arbres, vous tentez de rentrer coûte que coûte au bercail, en essayant de trouver les meilleurs chemins et en croisant les doigts à chaque fois que le dé capricieux vous force à retourner une tuile. 

Et c’est là que le jeu devient brillant, dans cette montée en tension finale qui le fait subtilement glisser du jeu d’exploration bon enfant au jeu de placement tactique, où chaque emplacement prend soudain une importance capitale. Sans jamais changer de règles, le jeu présente deux visages distincts : l’exploration légère dans un premier temps (les soldats sont loin, nananèreu), et le déplacement tactique sur le final (vite, ils sont à nos portes !!).  C’est vraiment grisant. 

À l’exception du mode facile (vraiment très très facile), les autres modes sont bien plus tendus et procurent des sensations de jeu fort réussies, en mode « ah oui, mais si je mets le soldat là, je me bloque un retour par cette route ». Comme dit plus haut : plus on monte en difficulté, plus les tuiles sont nombreuses et plus les risques sont grands. Mais le plaisir de jeu est lui aussi exponentiel alors que la difficulté augmente.

Notez qu’il est aussi possible de jouer en compétitif, et l’on se fera alors un malin plaisir de se voler les tuiles loups difficilement gagnées, pour être le seul à présenter un Esprit-Loup en fin de partie. C’est certes cruel, mais les loups sont des animaux sauvages, n’est-ce pas ?

L’avis de Plateau Marmots

Le Peuple Loup est un jeu que j’apprécie tout particulièrement, et qui a rencontré un joli succès chez les marmots. Les premières parties (évidemment 100 % coopératives) peuvent se découvrir dès 5 ans, et l’on s’amusera ensuite à monter progressivement en difficulté en ajoutant des tuiles et des effets. Fort des illustrations tirées du film, le jeu en met clairement plein les mirettes et aurait même mérité des pions soldats avec davantage de personnalité et des tuiles un peu plus graphiques. Mais qu’importe : le jeu fonctionne très bien et permet d’installer une tension croissante, qui a tendance à devenir vraiment importante au dénouement de la partie, lorsque l’on gagne ou que l’on perd « à quelques cases près ». Le Peuple Loup est un excellent jeu pour s’initier à l’exploration, au déplacement tactique et aux risques inhérents à piocher ici ou là. La part d’aléatoire (pioche des tuiles) permet de renouveler le suspense de partie en partie et illustre bien la recherche en forêt. Bref, un jeu que je recommande vivement, au thème très présent, et qui ressort très régulièrement alors même que nous n’avons pas – encore – vu le film auquel il se rapporte. Une jolie réussite !

Ca fait plaisir

  • Exploration et tactique, aventure et réflexion
  • 4 modes de jeux différents
  • Une direction artistique enivrante
  • Le stress de retourner les tuiles
  • Le rush final pour rentrer à la tanière
  • La liberté de déplacement
  • Les règles, courtes, efficaces, bien rédigées
  • Pas besoin d’avoir vu le film pour plonger dans l’univers
  • Enfin des loups gentils dans un jeu ! 

Ca fait moins plaisir

  • Un dé trop petit et trop léger
  • Des soldats très impersonnels

Le trouver

Pour aller plus loin…

Fiche Technique

  • Le Peuple Loup
  • un jeu de Grzegorz Przytarski et Maciej Rogalewicz,
  • illustré par Cartoon Saloon et María Pareja
  • localisé en France par Atalia
  • de 1 à 4 joueurs
  • à partir de 6 ans.

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