Test – Little Battle
Dans la série des trois nouveaux jeux Loki, vus à Cannes et ailleurs, on attendait de pied ferme Little Battle, que le chef avait décrit comme une très jolie surprise au potentiel assez incroyable. Comme de mon côté j’avais plutôt envie de découvrir Mr Carrousel d’une part, mais surtout de montrer au chef qu’il avait tort, je me suis précipitée sur Little Battle avec un œil outrageusement critique, m’attendant à être déçue. C’est donc sans grande envie, je l’avoue, que je me suis attaquée à ces aventures de pirates qui cherchent des trésors : un thème vu et revu qui ne m’inspire guère. Le chef avait en outre dit que le jeu était très prometteur, qu’il ouvrait la porte du draft aux enfants et que c’était tout à fait remarquable. Fort bien. Super. Wahou. Mais je n‘ai AUCUNE idée de ce que peut être le draft, et AUCUNE envie de le savoir. C’est donc l’esprit libre comme une piratesse que je me suis lancée à l’abordage.
Little Battle est un jeu de Dorian & Leandro Berthelot, illustré par Ariel Icandri et édité par Loki. On y joue de 3 à 5 joueurs, à partir de 5 ans.
« Si nous sommes de sacrés pirates, nous ne sommes pas de ceux qui ratent »
Little Battle est un jeu de cartes, format Farmini, c’est-à-dire une toute petite boîte facile à transporter partout. Le jeu contient des cartes de deux types : des trésors et des pirates. La règle vous serinera tout du long qu’il s’agit d’aventuriers, mais ne vous faites pas avoir : un aventurier ça a un chapeau et un fouet, alors que là on a des loustics qui déterrent des coffres sur des îles désertes, donc des pirates. Des pirates pas assumés peut-être. Mais des pirates.
Les coffres sont déclinés en 3 couleurs, bleus, rouges et jaunes. Il y a plus de coffres bleus que de rouges (et de rouges que de jaunes), mais les bleus sont aussi les moins remplis d’or. Chaque carte de coffre dissimule en effet un nombre de pièces d’or, variant de « que dalle » à « plein aux as ».
De leur côté, les aventu…rates sont aussi déclinés dans les mêmes couleurs, et proposent des valeurs allant de 1 à 8 pour les jaunes, 1 à 9 pour les rouges, 1 à 10 pour les bleus. Vous trouverez également 3 cartes de valeur 0, ce sont les boss des pirates. Leur utilisation est optionnelle, mais ils sont franchement rigolos à jouer.
La boîte contient également 5 tuiles de navire, qui servira de planque pour les trésors amassés.
« We want you, we want you as a new recruit ! »
Le chef a dit que l’un des points notables de ce jeu, c’est qu’il permet de faire découvrir la notion de Draft aux enfants. Alors le chef est bien gentil, mais vu que je ne sais pas ce que c’est que ce truc, je me moque pas mal que ce soit révolutionnaire. J’ai juste envie de jouer, moi, si je puis me permettre.
Donc je joue. Peut-être que c’est du draft-machin et que c’est remarquable, mais c’est surtout bien foutu. En l’occurrence c’est très pratique pour équilibrer intelligemment le hasard de la pioche. Au lieu de piocher 5 cartes et de vous en tenir là, vous piochez 5 cartes, vous en choisissez une et vous faites tourner le reste, de sorte que chacun choisisse une carte dans le paquet des autres, jusqu’à épuisement des stocks. L’idée, c’est qu’on ne subit plus la pioche, mais qu’on la gère. Honnêtement, les marmots ont adoré ce concept.
Non seulement vous ne pouvez pas avoir un équipage totalement pourri, mais en plus vous avez une idée assez précise des cartes des adversaires, car vous les aurez eues en main pour la plupart. C’est vraiment bien foutu !
Donc si c’est ça, le Draft, mais c’est effectivement cool. Et les gamins captent tout de suite, donc ça se joue très bien.
Et la bataille alors ?
Lors de la mise ne place du jeu, on mélange les coffres et on les place en deux tas, à peu près équivalents. La raison de ce patouillage n’apparait pas de prime abord, mais devient évident ensuite. Dans little battle il y a battle, ce qui veut dire qu’on ne va pas tarder à se rentrer dans le lard.
À chaque tour de jeu, les joueurs choisissent l’un de leurs pirates et l’abattent tous simultanément devant l’une des deux piles de coffres. Cela signifie que leur carte va tenter de s’emparer du trésor visé. Les joueurs n’ayant pas le droit de se concerter, ils peuvent fort bien tous viser le même coffre, ce qui n’est pas très grave.
Au moment précis où chacun a joué, il va être le moment de se partager l’or. Et c’est là qu’on commence à rigoler.
« Ce qui est à moi est à moi et ce qui est à toi est à moi aussi. »
Chaque pirate ne peut ouvrir qu’un coffre de SA couleur. Si plusieurs pirates sont en lice pour un coffre, le plus fort l’emporte. Comme dans la bataille, oui. Le joueur prend le coffre ET défausse son pirate. Mais les perdants sont encore en lice pour les coffres situés SOUS celui qui vient d’être gagné. Si le coffre qui apparait est de la couleur d’un ou plusieurs pirates encore en jeu, alors on recommence la phase. Les pirates ne sont en effet défaussés que s’ils ont gagné un combat OU si le coffre de la pile n’est pas de leur couleur (et qu’il n’y a aucun pirate de la bonne couleur susceptible de révéler une carte en dessous).
Donc au moment de choisir son pirate, on peut aussi bien jouer une carte forte pour rafler le coffre du dessus, mais aussi une faible d’une autre couleur parce qu’on est persuadés qu’une carte coffre de la même couleur se cache en dessous. Il sera donc très intéressant de faire gaffe aux coffres remportés afin de déduire ce qui reste à prendre.
Allons même plus loin : puisqu’on a vu qu’il y avait plus de coffres bleus que d’autres, cela veut dire que les pirates bleus de faible valeur risquent souvent de pouvoir glaner quelque chose. Pas grand-chose peut-être, mais quelque chose quand même. J’dis ça, j’dis rien.
« C’est moi le boss »
Si on veut quelque peu monter en gamme, on ajoutera ensuite 3 cartes pirates spéciales : les boss.
Chaque Boss a une valeur de 0, et perdra donc automatiquement un duel direct. Si deux ou trois boss convoitent le même coffre, ils s’effraient les uns les autres et sont tous défaussés. Leur effet est donc, jusque-là, pas top.
Mais bien évidemment, chacun d’entre eux a un pouvoir assez intéressant à jouer.
Le rouge force la défausse de toutes les cartes de valeur 3 ou + sur le même coffre que lui. Donc toutes les cartes fortes sont évacuées, ne laissant que les 1 et les 2. Mais s’ils sont de sa couleur, ils le battent, hihi.
Si le boss bleu parvient à récupérer un coffre bleu, il remporte aussitôt le coffre suivant de la pile, quelle que soit sa couleur.
Quant au Boss jaune, il gagne la couleur du dernier pirate défaussé en plus de la sienne. Donc si le dernier coffre ouvert était bleu, hop, il devient jaune ET bleu. Donc 2 chances sur 3 d’avoir la bonne couleur pour le dernier coffre en lice.
Le Corse erre et la pirate rit
Bon, si vous mélangez un peu tout ce qui précède, vous obtenez quoi ? Un jeu incroyable, tout simplement. Avec ou sans les boss, on s’éclate énormément de cette attaque de coffres très maligne, puisqu’on n’en connaît pas le contenu. On vise les jaunes, on se rabat sur les bleus, on chope un rouge sans trop le vouloir. Et on repart pour un tour.
C’est rapide, ultra rythmé, et le système de draft machinchose tant vanté par le chef est sympa, mais ne constitue en fait que l’entrée d’un repas bien plus gastronomique qu’on ne l’imagine.
Pourquoi ? Parce que le niveau de lecture est multiple et la subtilité est incroyable. Faut-il jouer une carte forte ? Une faible ? De quelle couleur ? Qu’ont les autres en main, déjà ? On peut y aller au hasard, ou tenter au contraire de mémoriser les coffres pris et les cartes jouées. L’important c’est que l’on s’éclate, quel que soit son style de jeu.
Car n’oubliez pas un point important : tout dans ce jeu repose sur l’asymétrie. Il y a plus de pirates et de coffres bleus que de rouges et de rouges que de jaunes. Les jaunes sont donc précieux, et vont donc centraliser une bonne part de la stratégie de jeu. On peut miser sur eux, ou au contraire les dédaigner en se disant que les autres joueurs se battront pour les avoir. Et cela, les amis, ça se décide dès la phase de création d’équipage, qui impulse votre stratégie pour toute la partie.
Et le meilleur pour la fin : comme on ne regarde pas la valeur réelle des coffres gagnés avant le coup de canon final, le suspense reste total jusqu’à la dernière seconde. On sait que les coffres jaunes ont plus de valeur que les autres, mais on ne sait pas à quel point on a fait bonne ou mauvaise pioche avant d’en révéler le contenu. C’est génial, d’un bout à l’autre, et on en redemande !
Quelques points à améliorer ?
Là, on arrive au moment du test où le chef aime bien qu’on pointe les défauts des jeux. Ici c’est pas super facile, mais j’en vois un : le jeu à trois joueurs est un peu moins palpitant. Le jeu semble avoir été imaginé pour 4 ou 5 joueurs, pour créer un effet de suspense sur « qui va jouer quoi, et où ». Or, à trois joueurs, le jeu prend un rythme assez bizarre. Car si le fait de devoir se battre pour 2 coffres lorsque l’on est 5 crée des trucs rigolos, c’est un peu moins fun quand on est 3 joueurs pour deux coffres.
Attention, techniquement cela fonctionne… Mais il manque un petit quelque chose. Tant et si bien que pour ne rien vous cacher, on a fait les parties à 3 avec une seule pile de coffres, et on a trouvé ça bien plus amusant. Alors oui, ça fausse un peu l’esprit même du jeu… donc on ne le recommande pas forcément. Mais c’était franchement plus marrant.
Sinon, rien à signaler sur Little Battle, si ce n’est un petit défaut d’impression sur deux cartes des tout premiers tirages. Cela devrait être corrigé au moment où vous lirez ces lignes, et si jamais vous aviez une carte mal imprimée, Loki vous l’échangera sans mal. Rien d’injouable, de toute manière.
L’avis de Plateau Marmots
Little Battle est donc à la hauteur des attentes qui étaient portées sur lui. C’est un jeu de cartes incroyablement malin qui permet d’explorer toute une gamme de plaisirs de jeux. Il y a la phase de constitution de l’équipage en draft bidule-chouette, qui permet de créer des équipes assez cohérentes et équilibrées entre les joueurs, gommant ainsi l’injustice de la pioche. Mais il y a aussi et surtout la phase d’attaque des coffres, pleine de surprises et de possibilités. On peut tenter de viser gros, petit, d’optimiser sa main, etc. C’est véritablement passionnant à jouer quel que soit l’âge de celui qui s’y essaye. On recommande vraiment Little Battle qui, mine de rien, nous tient scotchés depuis qu’on s’y est essayés. Pas cher, facile à embarquer partout. Rien à redire, Little Battle est une splendide réussite qui apparaît comme une évidence dès la première partie.
On aime
- Un jeu simple, stratégique, fin, subtil
- Pas cher
- Facile à transporter
- Deux phases distinctes et liées
- Le parti pris asymétrique
- Le draft dès 5 ans, qui fonctionne très bien
On aime moins
- Le jeu à trois un peu en dessous
On aime vraiment pas
- Le Chef avait raison. Insupportable idée.
Le trouver
Fiche Technique
Little Battle est un jeu de Dorian & Leandro Berthelot
Illustré par Ariel Icandri
Edité par Loki
Pour 3 à 5 joueurs
A partir de 5 ans.