Test – Monster Soup
Dans les brouillards épicés de la cuisine des monstres, les ingrédients les plus divers quittent les bols et plongent dans les casseroles. Ça glougloute, ça fristouille et ça gargouille, mais lorsque l’on goûte : « ouille ouille ouille » ! Les fétides émanations verdâtres recouvrent les ustensiles d’algues ragoûtantes, les cuisiniers s’affairent et surveillent ce qui mijote dans les cocottes. Blouf ! C’est presque l’heure du souper, on touille avec passion, alors même qu’un œil et qu’une chaussette remontent à la surface d’un potage en ébullition. Les monstres piaffent, salivent et s’invectivent. « Tu as mis de l’araignée ? C’était du nounours fripé ! ». Dans la fumée de la cuisine, tout le monde est sous pression, mais l’important finalement, c’est d’être le premier à servir son bouillon.
Cauchemar en cuisine : les monstres ont faim et attendent leur soupe ! À vous de la préparer en suivant la recette au plus juste ! Oui, mais la cuisine est plongée dans le noir, et vous devrez identifier les ingrédients à tâtons ! Qui sera le premier à servir la soupe de son monstrueux client ? Et laquelle aura le meilleur goût ?
Un jeu Matagot 100 % original !
Si l’on a suivi Monster Soup depuis de nombreux mois, c’est que ce jeu marque une nouvelle étape dans le catalogue Matagot Kids. En effet, si l’éditeur au chat noir nous a souvent régalés de jeux désormais légendaires, tels que Le bal masqué des Coccinelles ou Rouleboule l’Escargot, il s’agissait à chaque fois de jeux étrangers localisés en français. Pour la première fois, Matagot a donc décidé de lancer un titre original, signe que les jeux enfants ont clairement le vent en poupe sur le marché français. Ce n’est clairement pas nous qui allons nous en plaindre, surtout au vu de l’expérience de Matagot sur le jeu de société d’une manière générale.
Daniel Skjold Pedersen et Asger Harding Granerud sont des auteurs norvégiens déjà bien connus de nos services, puisqu’on leur doit ensemble le très sympathique Manoir infernal (que l’on ressort à chaque Halloween), Flamme Rouge, La chevauchée des grenouilles et une Histoire de Pirates (devant lequel on bave, mais qu’on n’a jamais eu l’occasion de tester). Pas des débutants, donc.
Jetons un œil dans la marmite. Littéralement, je veux dire.
Monster Soup est un jeu particulièrement choupi, au matériel fort soigné, qui bénéficie d’entrée de jeu de l’expertise de Djib pour les monstres et leurs ingrédients favoris, du cornet de glace écrasé au lombric en passant par la grosse araignée. Les illustrations sont vraiment réussies et plongent d’emblée dans la joyeuse atmosphère décalée du jeu.
L’inventaire de la batterie de cuisine nous permet de trouver : quatre bols de soupes, quatre sacs de toile assortis, quatre séries de 10 ingrédients en bois, une grosse poignée de petits cubes verts et le set de 10 cartes représentant les ingrédients. Vous trouverez également 4 monstres en standees, qui sont particulièrement jolis, mais qui ne servent à rien pour la partie, si ce n’est à décorer votre table de jeu.
Quitte à se répéter, l’ensemble est très réussi et permet de plonger immédiatement dans le chaudron bain. La règle du jeu tient en quelques pages et est très simple à comprendre. Elle aurait pu se permettre d’être plus illustrée, mais au vu de la grande simplicité du jeu, elle fait parfaitement son job. Mettons nos tabliers, et allons cuisiner !
Tarte tatin à tâtons
Dans Monster Soup, nous incarnons donc des cuisiniers qui réalisent une soupe monstrueuse pour des monstres affamés. Pour sustenter ces clients particuliers, nous devons réaliser quatre recettes successives, qui nous permettront de gagner de l’assaisonnement, c’est-à-dire des cubes de slime. Parce que oui, c’est bien connu, une soupe sans slime c’est franchement fadasse.
Les cuistots doivent se préparer à jouer en plaçant leurs 10 ingrédients dans le sac en toile de leur couleur. L’un des joueurs prend la première carte de la pioche, la retourne face visible. Au top départ, tous les joueurs plongent simultanément la main dans leur sac. Leur but : retrouver l’ingrédient (représenté sur la carte) au toucher, sans JAMAIS regarder le contenu du sac. Dès qu’un cuisinier a l’impression d’avoir trouvé le bon ingrédient, il le sort du sac. Tadam !
S’il s’est trompé, il le remet dans le sac. Sinon, il le place dans le bol de soupe en criant « Stooop ! ». Ou « La soupe est chaude ». Ou « Derrière-toi, c’est affreux, Gordon Ramsey ». Bref, il crie un truc monstrueux. Les autres joueurs doivent alors cesser de chercher et posent leur sac, penauds.
Le premier a avoir trouvé l’ingrédient place alors un jeton slime dans son bol, signe de sa supériorité culinaire incontestable. Mais qu’il ne prenne pas trop la confiance trop vite : ce n’est que le début.
Deuxième service !
Avant d’attaquer le second service, le vainqueur de la première manche vide l’intégralité de son bol de soupe dans son sac. Il devra donc réaliser sa prochaine recette en farfouillant parmi ses 10 ingrédients et 1 cube de slime.
Le second joueur retourne, cette fois-ci, deux cartes. Et rebelote, on farfouille dans le sac pour trouver les deux ingrédients, l’un après l’autre. Dès qu’un joueur complète la recette (dans l’ordre de son choix), il crie à nouveau pour mettre fin à la manche. Cette fois, tous les bons ingrédients sont récompensés. Le joueur qui a crié en premier gagne évidemment deux slimes, mais tout joueur qui aura mis dans son bol l’un ou l’autre des ingrédients gagne aussi un slime.
Comme vous vous en doutez, les bols de soupe sont alors vidés dans les sacs. On repart alors pour deux autres manches, une avec trois ingrédients à trouver, la dernière avec quatre.
À la fin de la quatrième manche, le contenu des sacs est vidé dans les bols pour un gloubiboulga final : c’est la soupe servie aux monstres ! Chaque joueur peut alors compter dans son bol le nombre du cubes obtenus : celui qui a la soupe la plus slimée est le grand vainqueur !
Quatre recettes pour convaincre
Si les sensations de jeu sont aussi réussies dans Monster Soup, c’est avant tout grâce à la qualité du matériel proposé. Les sacs sont assez grands pour que l’on trifouille les ingrédients avec aisance, et ces derniers sont très reconnaissables. Enfin, la plupart. Pas si facile à l’aveugle de savoir si l’on tripote une araignée ou un nounours, un sucre d’orge ou un asticot. Et là où le jeu est fort malin, c’est que chaque erreur n’est de fait sanctionnée que par une perte de temps, ce qui n’est pas horriblement frustrant pour un marmot de 5 ans.
L’idée de rajouter les cubes de slime dans le sac (et donc d’handicaper le leader de la partie) est elle aussi plutôt maligne, car elle permet de rééquilibrer un peu les chances avant la dernière (et toujours décisive quatrième manche). Mine de rien, ces petits kubenbois viennent parasiter la recherche et rendent la détection plus longuette.
Les petits marmots s’amusent beaucoup de cette chasse au « poisson pourri » et enchainent volontiers les parties. Monster Soup est clairement un jeu qui s’adresse au 4 – 6 ans, là où le célèbre Maître Renard, qui reprenait quelque peu le même concept, est un jeu pour les plus grands.
Et cette force de Monster Soup est aussi quelque peu sa faiblesse, le jeu manque rapidement de contenu pour avoir envie d’y revenir encore et encore. On s’explique.
L’humour potage
Si on ne peut que passer de bons moments sur Monster Soup, on ne peut toutefois que froncer quelque peu les sourcils au vu de la légèreté de la règle, qui aurait très facilement pu s’étoffer en proposant quelques variantes ou épreuves supplémentaires pour apporter un peu de piment (haha) aux parties.
Chez Plateau Marmots, les réactions ont été unanimes de ce point de vue : les marmots en voulaient encore, et ont rapidement créé leurs propres règles pour aller plus loin. Si l’on prend en référence le « Manoir Infernal » des mêmes auteurs, il s’agit d’un jeu d’adresse comparable, mais qui propose plusieurs modes de jeux distincts pour diversifier l’expérience de jeu. Rien d’équivalent sur Monster Soup, qui se contente hélas de sa règle de base, certes agréable, mais qui ne permet pas aux enfants de s’attacher au jeu sur la durée.
Car s’il y a des points négatifs inhérents à l’enfance qu’on ne peut retenir contre le jeu (le risque de triche est toujours présent lorsque l’on joue à un jeu de ce type où il ne faut « pas regarder »), la règle aurait pu se permettre d’aller plus loin afin d’exploiter le matériel. Bref : le plat de résistance est bon, mais les monstres auraient voulu un dessert !
Retournons en cuisine !
Du coup, comme on aime les jeux et qu’on veut en profiter longtemps longtemps, voici deux modes de jeu qui ont été créés « sur le pouce » par les enfants eux-mêmes.
Ça manque de sel !
Le jeu est ici inversé. La partie se joue en quatre manches. Au round 1, on aligne 9 cartes et on doit trouver avant les autres l’ingrédient qui n’est pas représenté. Cela suppose donc de se souvenir des ingrédients existants dans le jeu, et de se focaliser sur celui que l’on n’a PAS sous les yeux. Le reste de la règle est la même : chaque bon ingrédient gagne un slime, et les ingrédients sont remis dans les sacs avec les slimes à chaque round.
Évidemment, au second round, on aligne 8 cartes, 7 cartes au 3e et 6 cartes au 4e.
La course de la cuisine
Rapidement, les enfants ont aussi eu envie d’utiliser les standees de monstres, présents dans la boîte alors qu’ils ne servent à rien en jeu. Et ils ont très vite là aussi bricolé une règle dans laquelle ils étaient inclus.
Les cartes ingrédients sont alignées face cachée. Un cube de slime est posé sur chaque carte, sauf la première. Les pions monstres sont placés devant la première carte. Au signal de départ, la première carte est dévoilée.
Le jeu se déroule simultanément. Tous les joueurs doivent trouver dans leurs sacs l’ingrédient représenté. Dès qu’ils l’ont trouvé, ils le montrent, et avancent leur monstre, sur la carte suivante. Le premier joueur qui dévoile la nouvelle carte récupère le cube de slime posé dessus et place son ingrédient et le slime dans son sac. Les joueurs ne peuvent avancer leur monstre que s’ils ont en main l’ingrédient correspondant à la carte devant eux. Le premier monstre qui franchit la dernière carte remporte la course.
Est-ce que ces variantes sont super équilibrées ? Peut-être pas. Mais elles sont fun, et ont été développées en une dizaine de minutes par des enfants de 5 ou 6 ans. Les auteurs du jeu auraient pu se fendre du même effort pour proposer, évidemment à titre optionnel, des modes de jeux permettant de savourer notre soupe un peu plus longtemps.
L’avis de Plateau Marmots
Monster Soup est au final un jeu très sympathique qui propose un rythme de jeu effréné et surtout un matériel vraiment réussi. Si elle n’est pas très originale, l’idée de chercher des ingrédients atypiques dans un sac fonctionne ici parfaitement bien, et crée de vrais moments de tension alors que chacun cherche à déterminer s’il est en train de tripoter un serpent ou une chaussette sale. Aussi attirant pour les enfants que pour leurs parents, Monster Soup fait la tambouille et intronise Matagot dans la grande Cour des éditeurs de jeux enfants originaux. Le fun du jeu ne fera toutefois pas oublier son réel manque d’ambition, qui donne à la soupe un petit goût de trop peu après quelques parties. Le matériel proposé permettait de rêver à des modes de jeux plus élaborés, et surtout plus nombreux.
On aime
- Un concept simple et efficace
- Un matériel au top
- La touche “Djib”
- La frénésie des parties
On aime moins
- Un seul mode de jeu
- Vite répétitif
Vos marmots risquent d’aimer ce jeu si
- vous cherchez un jeu rapide à jouer pour des parties courtes et explosives
- vous adorez les monstres
Le trouver
Fiche Technique
Un jeu de Daniel Skjold Pedersen et Asger Harding Granerud
Illustré par Djib
Edité par Matagot
Pour 2 à 4 joueurs
A partir de 5 ans