Test – Panique au Manoir Hanté
Tout avait pourtant bien débuté. Votre équipe d’enquêteurs du paranormal était arrivée au Manoir du Comte Jeffraie sans encombre. La porte d’entrée s’était ouverte toute seule dans un grincement, comme pour vous souhaiter la bienvenue. Et vous avez arpenté le rez-de-chaussée sans trouver la moindre trace d’activité paranormale. C’est au moment de monter à l’étage que tout bascule. Un hurlement lugubre venant de l’étage vous fait tous sursauter : « Ceux qui osent troubler mon sommeil ne sortiront pas d’ici vivants !!! ».
Tout va alors très vite. Brandon et Jennifer chutent lourdement en bas de l’escalier. Dans la bibliothèque, des livres devenus fous volent en tous sens, réussissant à assommer Zora et Igor. Et alors que vous traversez le salon pour atteindre la sortie, un mauvais pressentiment vous étreint à la vue de l’immense tableau accroché au mur. Le portrait du Comte de Jeffraie semble en effet vous suivre du regard. A peine avez-vous le temps d’y penser que le tableau bascule, venant vous assommer. La dernière image qu’il vous reste avant de sombrer est celle de Marlone qui réussit à ouvrir la porte de sortie. Dommage pour vous. Il ne vous a manqué que quelques pas…
« Panique au Manoir Hanté » est un jeu de parcours semé d’embûches conçu par on ne sait qui, illustré par on ne sait qui d’autre mais édité par Lansay (c’est écrit partout en gros). 2 à 6 petits enquêteurs du paranormal de 6 ans et plus, pourront participer au cauchemar.
Un Manoir Hanté en kit
« Panique au Manoir Hanté », c’est d’abord et avant tout la promesse d’un matériel qui en jette. Et il faut avouer qu’à ce niveau-là, c’est une belle réussite. Une fois le manoir posé sur la table, les Marmots risquent d’être impressionnés par ce plateau tout en 3D qui fourmille d’un tas de petits détails sympathiquement macabres.
Les quarantenaires nostalgiques ne pourront, eux, s’empêcher de penser à certains jeux au matériel somptueux qui ont marqué leur enfance (« Pierre de Sang », « Attrape Souris » et surtout « La Course à l’héritage »). Et ils n’auront pas tort puisqu’il s’agit de la réédition d’un jeu sorti chez MB en 1985 : « Le Manoir Hanté » dont il reprend la plupart des mécanismes.
Niveau solidité, la boîte elle-même sert de support et tous les éléments cartonnés ou en plastique qui viennent s’y insérer sont parfaitement conçus. Seules les encoches s’abimeront légèrement au fil des montages et démontages, ce qui ne jouera en rien sur la solidité de l’édifice.
Revers de la médaille : plus de la moitié de du livret de règles est dédié à la construction et au rangement du décor, sous la forme d’un plan de montage digne des meilleures notices IKEA. Il faudra donc prévoir un peu de temps et beaucoup de patience, surtout à la première construction.
Niveau esthétique, s’il est un choix douteux à souligner, il concerne le traitement photoréaliste des personnages. Mais si sur la couverture, on est à la limite du mauvais goût, les figurines sont assez petites pour que ce détail ne soit pas si choquant en jeu.
Visite Guidée
Avant de débuter, chaque joueur choisit un couple d’enquêteurs à sa couleur (une seule figurine si on joue à 5 ou à 6) et les place à l’étage du manoir. Votre but: faire atteindre la porte de sortie à vos deux enquêteurs.
Quand vient votre tour, vous lancez le dé. S’il tombe sur un chiffre (de 1 à 4), vous avancez l’un de vos deux enquêteurs d’autant de marches (s’il se trouve dans l’escalier) ou d’empreintes de pas (s’il arpente les salles).
Il ne peut y avoir qu’un seul enquêteur sur chaque marche ou empreinte. Si vous terminez votre tour sur un emplacement déjà occupé, vous devez donc l’avancer jusqu’au premier emplacement libre.
Les empreintes sont de quatre couleurs : rouge, vert, bleu et jaune.
Si votre enquêteur s’arrête sur une empreinte verte ou bleue, il est en sécurité. Si vous jouez avec la variante proposée, aucun enquêteur ne peut par contre s’arrêter sur une empreinte jaune, ce qui limite grandement les déplacements. Sans la variante, ces empreintes sont identiques aux vertes et aux bleues.
Si, par malheur, vous terminez votre tour avec un enquêteur sur une empreinte rouge ou sur une marche de l’escalier, il est en danger, dans la ligne de mire d’un piège. Et vous devez faire immédiatement ce que tout le monde attend avec impatience autour de la table : lâcher une bille du haut de la tour.
Le manoir est divisé en quatre salles et dans chacune d’elle se trouve un piège :
- Des pierres viennent dévaler les escaliers du Laboratoire pour vous faire lourdement chuter.
- Des boulets sortent de sous les meubles de la Bibliothèque pour vous faire perdre l’équilibre.
- Dans le Salon, un étrange tableau pivote pour vous assommer.
- Dans le Hall d’entrée, une lourde hallebarde s’abat sur le sol et fait vaciller les dalles.
Il suffit d’appuyer sur la tête du fantôme placé en haut de la tour pour qu’un ingénieux système aimanté lâche une bille. Elle va alors aléatoirement activer l’un des quatre pièges.
Quand l’un de vos enquêteurs s’arrête sur une empreinte rouge ou sur une marche de l’escalier, il a donc une chance sur quatre de chuter. Si tel est le cas, il se relève, en amont, sur l’empreinte bleue la plus proche.
Sur le chemin qui vous mènera à la sortie, deux salles offrent un dilemme. Le parcours s’y divise en effet en deux : un chemin court mais parsemé d’empreintes rouges et un chemin certes plus long mais qui n’aligne que des empreintes vertes et jaunes. A vous de choisir jusqu’où vous allez tenter le diable…
Lorsqu’à votre tour, le dé ne tombe pas sur un chiffre mais sur le symbole « fantôme », vous n’avancez aucun de vos enquêteurs. Vous lâchez par contre une bille du haut de la tour et actionnez ainsi un piège.
Dès que le deuxième enquêteur d’un joueur atteint la porte de sortie, celui-ci gagne la partie.
Panique au Château Badabouh Hanté
Difficile, à la lecture de ces règles, de ne pas penser à un jeu qui vient de sortir en français chez Gigamic : « Château Badabouh ». D’autant qu’il a été testé ici-même il y a quelques jours par le Chef himself. Ces deux titres présentent en effet de grandes similitudes.
- Dans les deux jeux, une ou plusieurs billes placées au sommet d’une tour vont activer des pièges (la chute dans l’escalier se retrouve d’ailleurs dans l’un et dans l’autre).
- Dans les deux jeux, les figurines reprennent leur parcours juste en amont du piège qui les a fait chuter.
- Et dans les deux jeux va se poser le dilemme entre un passage plus long mais plus sûr et un raccourci dangereux.
Pourtant, malgré des mécaniques très proches, ils n’ont rien en commun dans les sensations qu’ils procurent. Tout simplement parce qu’ils sont issus de deux cultures ludiques bien différentes.
Roberto Fraga, créateur de « Château Badabouh », est en effet un auteur européen qui, dans sa manière de concevoir les jeux, privilégie des mécaniques simples et carrées (« Château Badabouh » va dans ce sens avec ses quatre escaliers symétriques et la durée réduite de ses parties) mais dont les thématiques sont parfois interchangeables. Plutôt que des petits fantômes, le prototype du jeu mettait d’ailleurs en scène des chevaliers qui devaient sauver une princesse coincée au sommet de sa tour, alors qu’un vilain monstre leur lançait des boulets.
Pour « Panique au Manoir Hanté », édité initialement par l’américain MB, on est à l’inverse dans un jeu ou la thématique prime sur les mécaniques. Un style de jeu que certains joueurs velus nomment : l’Améritrash.
L’Ameritrash qui tâche
Dans la première édition du jeu, le parcours était quasi linéaire, on ne déplaçait qu’un seul personnage et un double hasard venait rythmer chaque tour : un lancer de dé tout d’abord pour faire avancer la figurine et la flèche d’une roulette « Action » pour activer des pièges, rejouer ou plonger les personnages dans la « terreur », les empêchant de jouer pendant parfois plusieurs tours. Le jeu n’était donc qu’une longue cinématique riche en suspense mais complément régie par le hasard.
Pour cette réédition « Lansay » a tenté d’insuffler une couche tactique en confiant 2 personnages à chaque joueur, en supprimant la roulette (et son punitif effet « terreur »), ainsi qu’en dédoublant les chemins dans deux salles. Il n’empêche que le parcours reste trop long pour ce qu’il a à proposer et que la frustration due à la malchance n’est pas correctement dosée.
La variante des empreintes jaunes (sur lesquelles les enquêteurs ne peuvent pas s’arrêter) semble intéressante sur le papier mais ne fait qu’augmenter la durée de jeu sans pour autant amener plus de contrôle.
De plus, Lansay a cru bon inverser le sens du parcours. Dans le jeu de 1985, en effet, les joueurs entraient par la porte du Manoir et finissaient par gravir les escaliers pour sceller le cercueil du Comte Jeffraie.
Dans cette réédition, on tente au contraire de fuir le manoir et le jeu débute par la descente obligatoire de l’escalier (dont, rappelons-le, chaque marche est considérée comme une empreinte rouge). Or, on comprend vite que traverser une zone d’empreintes rouges est beaucoup plus aisé quand on est seul. Alors quand un groupe de 3 ou 4 enquêteur dévalent tous ensemble l’escalier, il est mécaniquement sûr qu’entre deux de vos tours, au moins 3 billes vont dévaler la tour et rendre la chute quasi assurée.
Si bien que le jeu débute par une phase d’extrême frustration où l’on en vient à espérer que les autres joueurs atteignent le rez-de-chaussée pour nous laisser descendre peinard.
L’Avis de Plateau Marmots
« Panique au Manoir Hanté », est un peu comme un seau de bonbons récoltés un soir d’Halloween. Il met l’eau à la bouche des Marmots, il s’avère délicieusement régressif pour leurs parents, il est très (trop) sucré en bouche et il mène inévitablement à l’indigestion. Si bien qu’on peine à aller jusqu’au bout. Pourtant vous avez beau vous dire qu’on ne vous y reprendra plus, vous savez pertinemment que vous replongerez au prochain Halloween.
Ceci était une conclusion en forme de métaphore filée…
Pour faire sans fil et sans métaphore, disons simplement qu’il s’agit d’un jeu dont vous n’enchaînerez pas les parties, qui a de nombreux défauts (notamment sa durée) mais qui pourra le temps d’une soirée vous offrir un super moment si tant est que vos Marmots ne soient pas mauvais joueurs (7 ans paraît plus adapté à ce niveau), que vous y mettiez un peu d’ambiance et de suspense, et que vous remplaciez le dé du jeu par un banal dé à 6 faces.
On aime:
- Le décor du manoir aussi solide que magnifique
- L’ambiance de suspense et de rigolade que le jeu génère
- Un jeu parfait pour un soir d’Halloween
- Les améliorations mécaniques apportées à cette réédition
On aime moins:
- Les personnages photoréalistes
- La durée du jeu qui peut s’allonger jusqu’à plus soif (surtout dans la configuration à 4 joueurs)
- La frustration que génère parfois le hasard
- La Variante des empreintes Jaunes qui n’apporte qu’une couche supplémentaire de frustration.
- L’absence totale du nom des auteurs et illustrateurs
Vos Marmots aimeront si:
- Pour eux, un jeu c’est avant tout une ambiance et la promesse de grands moments suspense et de rigolades.
Fiche Technique
- Panique au Manoir Hanté
- Un jeu édité par Lansay
- Pour 2 à 6 enquêteurs du paranormal
- De 6 ans et plus