Test – Save The Dragon

Il était une fois dans un royaume resplendissant, trois mages en colère de ne pas s’être fait inviter par le roi pour les festivités de La Potence des Plaisirs. Trois mages qui allaient commettre un crime irréparable. Pourquoi le roi ne les avait-il pas invités ? Nul ne le sait exactement, mais les rumeurs parlent d’un différend autour de plusieurs sorts qui n’auraient pas eu les résultats escomptés et qui empêcheraient dorénavant le roi de s’asseoir et de poser sa couronne sur sa tête. Autant vous dire que les mages étaient devenus « persona magica non grata ».

Chaque année, le plus vieux dragon du royaume était mis à l’honneur : il s’agissait de le faire défiler sur un char, la foule l’acclamant de baisers, de fleurs jetées et de « hourras » assourdissants. Il s’agissait d’entretenir un vieux dicton : « Lorsque l’on vit près d’un dragon, on ne se prive prudemment pas de lui montrer son affection. » Mais cette année, les mages en décidèrent autrement ! Ils capturèrent le dragon et l’emportèrent au sommet d’une vieille tour devenue caillouteuse. Le vieux dragon ne se laissa pas faire et leur jeta un sort, les privant ainsi de toute magie. Les mages n’avaient d’autre choix que de se défendre en lançant d’énormes rochers.. et c’est ainsi que le prince ou la princesse qui voudra libérer le dragon devra zigzaguer pour être le premier au sommet !!!

Save the Dragon est un jeu de Frédéric Moyersoen, pour 2 à 4 joueurs, à partir de 5 ans, édité par Blue Orange.

« La légende est formelle puisque le matériel l’atteste ! »

La boîte est spectaculaire, et avant même son ouverture les marmots tournent autour, tout excités. Les illustrations de Stivo sont comme toujours attachantes, drôles ; elles ont cette formidable capacité à immerger très rapidement les marmots. Elle les projette dans l’univers du jeu et les prépare par l’imagination aux enjeux qu’ils ont déjà parfaitement saisis. Bref : comme à chaque fois, il faut bien un quart d’heure pour calmer tout le monde.

D’autant plus que plusieurs voix m’avaient mis en garde sur les fragilités du matériel et à sa découverte je tenais réellement à avoir le calme pour assembler le magnifique escalier promis par la boîte. Lorsque celle-ci s’ouvre, l’escalier est là, coincé entre deux morceaux de polystyrène, disgracieux mais astucieux. Ensuite on détache ce qui fait office de mur du château, de chambre du dragon, la porte, le bouclier et les jetons bonus.

Bien évidemment les gamins n’en peuvent plus de ce déballage plein de douceur et d’attention et n’ont qu’une hâte : commencer à jouer. Ils s’empressent de chercher leurs princesses et princes promis par l’illustration et… désespoir. Des pions, certes d’une très belle taille, mais des pions quand même, font office de héros. La surprise fut assez désagréable pour les marmots pour qu’ils aient eu besoin au cours de ce déballage de verbaliser leur déception.

L’escalier se cale dans des encoches entre la boîte et le mur du château, et ça ne bouge pas, c’est du solide. Ensuite la chambre du dragon se glisse tout aussi facilement sur le mur du château. Sauf qu’en ce qui concerne celle-ci, il faut passer par un coup de ciseaux pour détacher les quatre soutiens de la chambre. L’impression est toujours désagréable d’avoir à couper le matériel que l’on vient d’acquérir.

Le bouclier et la porte se placent au hasard de leurs emplacements, les pions prêts au départ sont placés tout en bas de l’escalier, ainsi que les jetons bonus et le rocher… Vous l’aurez compris le jeu se déroule à l’intérieur de la boîte et il est dommage de ne pas avoir fait appel à un artiste « papercraft » pour tout faire tenir à l’intérieur et que l’ensemble se plie/déplie sans avoir à faire du montage/démontage à chaque utilisation.

«  La boîte est l’endroit des aventures des temps modernes.  »

Un point sur la solidité de l’ensemble.

Pour y avoir joué avec deux enfants de trois et sept ans, je vous garantis que pendant la lecture des règles du jeu, ou lorsque en fin de partie les enfants réclament de jouer encore un peu avec le matériel pour s’inventer quelques histoires : Eh bah ça tient, c’est du solide !

Solidité néanmoins que je ne garantis pas sur la découpe des encoches de la chambre du dragon qui risquent de s’user rapidement. La découpe du carton étant plus fine, si les enfants ne font pas preuve de respect et de minutie le matériel risque de s’abîmer à ces endroits.

« La méchanceté des délicats. »

Le but de Save the Dragon est des plus simples: arriver en haut du donjon pour délivrer le précieux dragon. Votre ascension à travers les escaliers du château ne sera pas de tout repos puisque des mages vous balancent des rochers et qu’il faudra s’assurer que la chambre du dragon soit ouverte lorsque vous serez là-haut.

Autant dire que votre adresse ne suffira pas, votre capacité à anticiper les coups fourrés sera primordiale. Le tour de force et l’impertinence du jeu sont de mettre les marmots tout à la fois dans le rôle des mages et des sauveteurs. Gravissant ardemment les marches vers un geste héroïque et surveillant leurs adversaires en souhaitant leur envoyer le rocher dans la tronche ou leur claquer la porte au pif.

«Qui gravit l’escalier descend de la table. »

L’ensemble est visuellement très beau au milieu de la table. Ça en jette clairement, même, avec ce dragon plein de désarroi enchaîné au sommet du donjon et les mages colériques prêts à se défendre et à jeter des rochers. Le jeu fait son effet, donc, mais laissez-moi aborder un point primordial qui n’est finalement pas si commun. Un point qui ne concernera que les parents les plus à cheval sur certaines règles les plus élémentaires de bienséance. Les enfants, gagnés par l’enthousiasme, ne se rendront de toute façon pas compte que les plus jeunes se retrouvent sur la table et les plus grands à faire les cent pas autour.

Je m’explique. Cette boîte avec son escalier est terriblement imposante. Posée au milieu d’une table, elle exclut donc de l’action ceux qui sont légèrement derrière la boîte, puisqu’ils se retrouvent avec la boîte de profil. La boîte posée en bout de table aura l’avantage d’offrir une vue confortable à tous, mais rendra le jeu impossible à jouer pour ceux qui se trouvent trop loin de la boîte, puisqu’avancer ses pions ou lancer le rocher les obligera à s’affaler ou laisser leur action à ceux qui sont près de la boîte, c’est-à-dire les marmots… qui se chamailleront à coup sûr pour jouer. Et on ajoute à cela que les enfants voudront lancer le rocher en visant par l’ornière de la porte, donc ils se lèveront constamment pour aller derrière la boîte.

Un jeu où le contact est en permanence recherché alors même qu’il est primordial de manipuler le donjon le moins possible sous peine de voir les pions tomber. Une contradiction sur laquelle nous reviendrons.

«Fier comme un prince sur un escalier. »

Pour vous expliquer les règles, reprenons le schéma proposé par le dos de la boîte. Vous allez voir c’est bien trouvé :

1) Lancez les dés.

Le joueur lance le dé et applique le résultat en déplaçant son personnage d’un nombre de cases égal au résultat.

Si le dé indique la valeur de 1 ou 2 le joueur devra lancer le dé d’Action.

2) Montez les escaliers

Il y a 9 marches dans les escaliers du château. Chaque marche est divisée en 3 emplacements. Les pions se déplacent orthogonalement, jamais en diagonale, ni ne reculent. Il ne peut y avoir qu’un pion par emplacement. Si un emplacement avec un autre personnage peut être traversé, celui avec un bouclier doit être contourné.

3) Évitez les rochers et délivrez le dragon !

Pas exactement… vous avez eu la chance de faire 1 ou 2, vous lancez le dé Action qui vous permet soit de déplacer la porte ou le bouclier, soit de lancer le rocher.

En ce qui concerne le rocher, il s’agit de le laisser tomber à travers l’une des deux portes ouvertes et de le voir dévaler les escaliers en espérant qu’il balaiera vos adversaires.

La porte sera déplacée sur l’un des 2 autres emplacements disponibles. Il s’agira le plus souvent de savoir s’il vaut mieux la mettre en face de vous pour vous protéger d’une tentative de lancer de rocher ou bien de bloquer un chevalier si près de la victoire.

Le bouclier se place sur n’importe quelle encoche des escaliers, mais il ne peut pas être posé sur le même emplacement qu’un pion. Il est d’ailleurs très agréable de positionner le bouclier en imaginant/prévoyant que le ricochet du rocher sur celui-ci fera tomber les adversaires tout en vous gardant à l’abri.

La partie se termine lorsqu’un des joueurs traverse l’une des portes ouvertes du donjon, délivre le dragon et remporte immédiatement la partie.

« Ramasse ton trésor »

La puissance du lancer de rocher chez les mages aguerris est telle que des pions vont tomber. Ceux qui ont la chance d’être encore sur l’escalier se redressent, ceux tombés tout en bas reprennent leur position au pied de l’escalier et récupèrent une pièce d’or (jeton bonus) qui leur permettra de déplacer leur pion d’une marche supplémentaire. Cette idée est parfaitement trouvée et évite finalement toutes les frustrations puisqu’un joueur ayant chuté est aussitôt récompensé et en un tour de dé, pourra certainement se remettre de tous ces paliers tombés.

Puisque l’on aborde le sujet des chutes, autant vous avertir que vous allez souvent tomber. Parfois c’est voulu, le rocher ayant parfaitement atteint sa cible. Quelques fois le rocher ricochera sur les bords de l’escalier ou sur le bouclier et un autre joueur sera atteint. L’inattendu des situations provoquées par la chute du rocher génèrera de délicieux moments de surprises et de rigolade.

Mais souvent, il faudra accepter que le carton choisi, trop fin, répercute toutes les vibrations d’un rocher dégringolant à une extrémité, emportant ainsi les pions à l’autre. De même que déplacer son pion peut en entraîner d’autres et qu’enlever le bouclier de son encoche entraîne des vibrations qui de la même manière risquent de tout faire tomber.

Ainsi, ce qui a été le plus gênant au cours des parties, ce n’est pas la fragilité du matériel, mais plutôt l’instabilité de l’ensemble qui fait tomber les pions lorsque quelque chose se passe.

« Jouer dans la conscience des difficultés et s’éclater »

Les règles sont parfaitement conscientes de ce problème de matériel puisqu’il ne faut surtout pas « bouger la table ou le château, car cela ferait injustement tomber les pions », mais d’un autre côté « il se peut également que le rebond du rocher en fasse tomber d’autres en même temps, cela fait partie du jeu, les mages sont très puissants! ». Une contradiction absurde qu’il s’agit effectivement de relever lors de ce test, bien qu’en réalité, et même si les enfants et adultes râlent au moment où leur personnage tombe abusivement, personne ne se trouve réellement frustré.

Les parties sont courtes et le plaisir d’en refaire une est toujours présent. Les défauts s’intègrent aux mécaniques du jeu tandis que les marmots oublient qu’ils jouent allongés sur la table ou qu’ils ont l’œil fermé derrière la chambre du dragon en guise de viseur.

Il y a un véritable bonheur à faire tomber ses adversaires, à mettre de l’effet dans son rocher pour tenter un coup miraculeux, de même que bien placer son bouclier est jouissif lorsqu’il provoque le chaos. Le plaisir pris par les enfants est intense et l’ébahissement des adultes présent à chaque instant.

L’avis de Plateau Marmots

Save the Dragon est un jeu qu’on aura vécu intensément en famille, du montage de son matériel, à la lecture des règles en passant par des parties physiquement engageantes qui redéfinissent en permanence la place de l’enfant autour de la boîte. Ce fut à la fois exténuant et terriblement jubilatoire.

Exténuant parce que les enfants se sentent partie prenante de tous les coups et veulent déplacer les pions, le bouclier, et lancer le rocher même quand ce n’est pas leur tour. D’autant plus que la boîte offre au jeu une instabilité agaçante qui énervera durant les premières parties. Save the Dragon exige qu’on trouve sa place autour de la table, autant qu’il exige que chacun mesure ses gestes pour ne pas faire tomber intempestivement les pions.

Jubilatoire parce qu’après quelques parties et les aléas du matériel absorbé, c’est un régal où l’efficacité et la simplicité du concept l’emportent. Les stratégies se mettent en placent, chacun se met à l’abri et tous espèrent lancer le rocher. Chaque coup est grisant de fourberie et lorsque l’effet escompté se retourne contre celui qui l’a préparé, c’est carrément euphorisant.

Un super jeu aux mécaniques imparables qu’un matériel en deçà exige d’apprivoiser, mais quel bonheur, quelle éclate, quel plaisir de vivre ces instants avec ses enfants !

Un second avis (by Olivier)

Pour ma part, je serai un petit peu plus sévère. Oui, le jeu est fun, mais surtout entre grands. Le jeu est jouable à partir de 5 ans sur le papier, mais dans les faits les petits de cet âge passent pas mal de temps à faire tomber le pion du voisin en déplaçant le leur. Le jeu est instable, très. On passe beaucoup de temps à essayer de se souvenir sur quelle case était placée son pion avant qu’il ne se fasse dégringoler par un coup de pied dans la table. Autant avec des “grands” de 7 ou 8 ans, le jeu est fluide, tactique et vraiment jubilatoire, autant je reste circonspect avec des enfants plus jeunes, aux gestes excités par la promesse d’envoyer bouler les pions des adversaires. Le concept est bon, mais une structure plus solide aurait permis moins de frustration et plus de fun. Avec des enfants de 5 ans, on passe beaucoup trop de temps à remettre son pion en place pour que le jeu soit véritablement amusant. Alors oui, le jeu reste dans une gamme de prix très raisonnable (moins de 20 euros) et on comprend les sacrifices qui ont dû être faits pour rester dans cette gamme de prix, mais en l’occurrence c’est vraiment au détriment de la jouabilité et de l’accessibilité. De mon point de vue, c’est un peu dommage. A réserver aux champions de la motricité fine, donc 🙂

On aime

  • Des coups fourrés et des vacheries pour les marmots
  • Illustrations au top
  • Une mécanique magique
  • Toujours imprévisible et inattendu
  • Des parties qui s’enchaînent

On aime moins

  • Des pions lambda peu intéressants
  • L’instabilité du matériel qui fausse (vraiment) le jeu.
  • Des découpes qui présagent d’un matériel rapidement en souffrance.

Fiche technique

Un jeu de Frédéric Moyersoen
Illustré par Stivo
Pour 2 à 4 joueurs
A partir de 5 ans.
Edité par Blue Orange.

4 thoughts on “Test – Save The Dragon

  • 20 mai 2020 à 20 h 07 min
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    Bonjour,une petite remarque concernant la decoupe aux ciseaux des soutiens de la chambre du dragon. Je pense que c’est une erreur de votre part: les deux elements se plient simplement (les parties numérotées s’alignent bien) et le tout est du coup très solide. Le schéma dans la règle semble indiquer qu’il y a 4 murs séparés mais ce n’est pas le cas: j’ai moi même hésité à les découper. Peut-être une modification de materiel tardive pour améliorer la solidité du matériel…
    En tout cas, plutôt d’accord avec le premier avis: le jeu est très fun et fonctionne très bien avec notre marmot ! Grosse rigolade à 3 ou 4!

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  • 20 mai 2020 à 20 h 58 min
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    Pour ce qui est de ma boîte en tout cas.

    Il était effectivement possible d’accrocher la chambre du dragon sans avoir à découper ou à plier le carton jusqu’à ce qu’il cède, mais dans ce cas on joue sans les séparations et surtout on a un matériel qui pendouille disgracieusement.
    Dans tous les cas cela n’empêche pas de jouer mais l’esthétique n’y est plus.

    Peut-être que sur mon exemplaire la découpe n’était pas entièrement réalisée.

    En tout cas, une fois l’ensemble monté on doit bien se retrouver avec un mage par chambre et chaque chambre séparée par un mur, comme sur les photos d’illustration du test.

    Bien à vous.

    Davide

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    • 22 mai 2020 à 18 h 54 min
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      Bonjour, effectivement c’est bizarre. Dans mon exemplaire, les quatre murs sont attachés deux par deux (avec un espace entre les deux et deux plis preformés). Du coup, une fois ces cartons pliés et insérés dans les encoches numérotées, on se retrouve avec les quatre murs bien en place autour des mages (le carton vierge reliant les murs se retrouvant sous les mages, ce qui solidifie la construction – du coup, toute cette partie ne bouge pas, même avec un petiot un peu brusque pour lancer les rochers). Je confime également que j’ai eu un gros doute en montant le jeu la première fois à cause de la règle qui parle de 4 murs séparés… il va falloir demander à Blue orange ! 😁
      Pour en revenir au jeu : il est toujours bien fun apres pas mal de parties. Par contre, une mauvaise surprise (rigolote) par ici. J’ai fait l’erreur de laisser quelqu’un d’autre ranger le jeu. Horreur en l’ouvrant de nouveau un peu plus tard pour une autre partie : l’escalier avait été entièrement démonté ! Apres remontage, il a l’air de bien tenir, mais quelle frayeur !

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  • 21 mai 2020 à 0 h 20 min
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    Olivier vous avez parfaitement raison.
    Au détour d’une vidéo sur le tube j’ai compris ce qui n’allait pas.

    Les deux soutenants de la chambre du dragon auraient dû se plier alors que dans ma boîte ces composants étaient parfaitement lisses et raides.

    Et j’ai préféré couper que de plier le carton pour un résultat plus propre.

    Bien à vous

    Davide

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