Test – Tentacolor

Clairement, les bestioles tentaculaires ont le vent en poulpe chez LOKI ! Après avoir bataillé avec un Kraken énervé, le petit chien capé et couronné nous propose désormais d’aider une sympathique créature aquatique colorée. Qui sera le premier joueur qui parviendra à compléter son tentacule ? Prenons masque, tuba et nuancier Pantone, et allons de ce pas explorer les fonds marins !

Tentacolor est un (premier !) jeu de Davide Panizza, illustré par Cécile Le Brun. Il s’adresse à 4 petits plongeurs, à partir de 4 ans.

[Ce jeu nous a été mis à disposition par l’éditeur.]

Tentacolor, c’est donc un nouveau jeu LOKI dans lequel les joueurs doivent réaliser une suite consécutive de 5 couleurs avant leurs adversaires. Mais ce ne sera pas aussi simple qu’on ne l’imagine, car les cartes circulent volontiers entre les joueurs, et il sera souvent possible d’enquiquiner les adversaires avec des attaques bien senties.

Aquarelle aquatique

Le premier truc à noter quand on ouvre la boîte, c’est le petit régal visuel qui nous saute aux yeux. Cartes et boîte sont décorées de la plus belle manière, avec des illustrations à l’aquarelle qui plongent les rétines directement au fond de lagons chaleureux et bienveillants. Les illustrations sont fines, délicates, et donnent immédiatement envie de jouer.

Le jeu est essentiellement composé de 65 cartes (au format carré), qui représentent des morceaux de tentacules. Chaque tronçon de tentacule est bicolore, et chaque couleur est agrémentée d’un petit zigouigoui afin que les personnes ayant du mal à différencier les couleurs puissent jouer également. Les cartes sont solides, agréables à manipuler et tout à fait lisibles, ce qui est essentiel pour un jeu axé sur les couleurs accessible aux plus jeunes. La règle est plutôt simple, mais prenez garde  : deux petits pièges attendent les joueurs d’autres jeux d’association de couleurs.

Des mini-récifs à la première partie ?

Avant de nous lancer dans la partie, je vous demande quelques secondes d’attention. Si le jeu est au final plutôt simple, la lecture attentive des règles est indispensable pour éviter de vous lancer sur une mauvaise piste, surtout si vous avez auparavant joué à d’autres jeux tels que Serpentina.

Pour gagner, les joueurs doivent constituer une série de 5 cartes consécutives de la même couleur. Mais comme les cartes sont toutes bicolores, l’un des groupes d’enfants avait mal compris les règles et était persuadé que l’on pouvait jouer n’importe quelle carte tant que l’une de ses deux couleurs était présente sur la carte précédente, par exemple passer de rouge/bleu à bleu/vert et de bleu/vert à vert/jaune. Certains étaient également convaincus que les extrémités des cartes en contact devaient être de la même couleur, ce qui n’est pas le cas.

Une seconde erreur facile à commettre est un peu plus vicieuse : sur la carte de départ de la méduse poulpesque sont représentés des débuts de tentacules avec les mêmes couleurs que sur les cartes. Et, instinctivement, beaucoup de joueurs sont tentés de croire que les couleurs représentées sont un point de départ obligatoire pour lancer leur série de cartes : « mon tentacule de départ affiche du jaune, du bleu et du vert : je dois commencer par l’une de ces couleurs ».  Mais pas du tout : ce n’est que de la déco. Vous pourriez aussi bien jouer sans ces tentacules de départ que cela n’aurait pas la moindre incidence sur le jeu.

Une fois ces deux mini-écueils passés, vous pouvez vous lancer dans la partie.

Tentacules, couleurs et fourberies

Lors de la mise en place du jeu, les cartes de départ sont disposées de telle sorte que les tentacules naissants soient disposés vers les joueurs. Ces cartes sont recto verso afin de correspondre exactement au nombre de joueurs présents, ce qui est plutôt malin. Si vous jouez à 3 joueurs, par exemple, la bestiole n’aura alors que 3 tentacules.

Chaque joueur reçoit ensuite une carte, sauf le premier joueur qui en reçoit deux. La partie peut alors commencer.

Le tour de jeu commence par la pioche d’une carte, afin que le joueur en ait 3 en main au moment d’effectuer son choix. Il doit ensuite jouer une carte afin de développer son tentacule. Le but du jeu étant de créer une série de 5 cartes, il faut essayer de privilégier une couleur que l’on a plusieurs fois en main, pour commencer sa série. En fait, c’est un peu comme au « Uno » : dans la mesure où vous allez devoir constituer une série, autant mettre toutes les chances de votre côté en ayant de quoi développer votre tentacule à chaque tour de jeu.

Une fois sa carte posée, le joueur devra alors donner une carte à son voisin de gauche : de préférence une qui ne vous sert à rien, mais surtout dont il n’aura aucun usage.  Ce sera alors la fin de votre tour de jeu et le début du sien : il devra alors piocher une carte, en poser une, en donner une à son voisin, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’un des joueurs obtienne une série de 5 cartes de même couleur.

Et là, vous vous dites : « d’accord : j’ai 3 cartes posées avec du bleu qui se suivent, mais je n’ai plus de carte avec du bleu en main à mon tour de jouer : je fais quoi ? ». Eh bien, là où le jeu est délicieusement pervers, c’est que si un joueur ne possède en main aucune carte de la couleur de la série qu’il est en train de constituer, il est tout de même obligé d’en jouer une, ce qui a alors pour effet de… démarrer une nouvelle série ! Vous imaginez la scène : vous avez réussi à poser 4 cartes jaunes qui se suivent, mais bim : plus de jaune en main à votre tour de jeu. Vous posez donc une nouvelle carte, qui devient le point de départ de votre nouvelle série, qui repart de zéro. Enfin presque ! Car dans la mesure où les tentacules sont bicolores, vous pouvez tout de même tenter de vous raccrocher à l’autre couleur de la carte précédente pour ne pas vous retrouver totalement au point de départ. Vous êtes à court de bleu pour suivre votre carte bleu-jaune ? Alors, tentez de jouer une carte avec du jaune, pour que votre série commence à la carte précédente.

Requins et poissons

Si la plupart des cartes peuvent être posées en toute quiétude, certaines cartes jouées sont toutefois spéciales et déclenchent un effet dès qu’elles sont posées. Des effets qui viendront immanquablement pourrir la progression de vos adversaires, ce qui fait tout leur intérêt.

Une carte avec un requin, par exemple, vous permet de détruire la dernière carte posée par l’un de vos adversaires. Pratique à dégainer contre ceux qui sont trop proches de la victoire.

Une carte avec un banc de poissons force un adversaire à se défausser de la carte qu’il a en main pour en repiocher une autre. Très pratique également pour détruire la stratégie d’un adversaire qui s’apprêtait à boucler sa série… ou pour l’aider malgré vous.

Quant aux cartes avec un gros poisson, elles vous permettent de rejouer immédiatement ce qui est particulièrement efficace en fin de partie.

La fin de partie, justement, survient dès qu’un joueur parvient à poser sa 5e carte consécutive de la même couleur. Il prend alors l’extrémité de tentacule comportant la couleur de ses 5 cartes et il est alors immédiatement déclaré vainqueur.

Je joue, je garde, je donne

Comme on le comprendra rapidement, toute la richesse tactique vient de notre utilisation des 3 cartes que l’on a en main à notre tour de jeu. Si choisir laquelle jouer est souvent le plus simple, savoir laquelle donner au voisin et laquelle conserver est nettement plus complexe… et amusant. Il faut assurément refiler une carte qui ne correspond en rien à sa propre série, et éviter de lui donner une carte offensive qu’il pourrait retourner contre vous. Il faudra donc s’accorder un petit temps de réflexion avant de se délester de la première carte venue… qui pourrait fort bien vous jouer des tours par la suite dans la main d’un autre joueur. De chouettes sensations de jeu avec une première approche du draft, pour un titre finalement bien plus finaud et tactique qu’il n’en a l’air de prime abord.

Ce qui nous amène donc à la vraie question.

“Mais, ça se joue vraiment à quatre ans ?”

Si on regarde en détail les actions à mener, oui, le jeu peut se jouer à 4 ans. Associer des cartes de la même couleur, passer une carte au voisin, n’importe quel enfant de 4 ans peut suivre le rythme. Mais si l’on prend toute la dimension tactique du jeu, c’est-à-dire repérer les cartes dont l’adversaire a besoin pour ne pas les lui refiler, placer une carte d’attaque au meilleur moment contre l’adversaire le plus avancé… eh bien ça devient beaucoup plus compliqué. Les enfants de 4 ans peuvent jouer, mais il n’est pas certain qu’ils puissent gagner dès lors qu’ils affrontent des joueurs de 6 ou 7 ans. Et donc savoir s’ils pourront réellement profiter du jeu est une question un peu plus complexe, car maîtriser le hasard de la pioche demande tout de même un peu de pratique.

Et là, un tantinet agacés, vous allez me dire « bah oui mais c’est le cas de tous les jeux, en fait : les enfants de 8 ans gagnent contre les enfants de 4 ans !! » Mais le souci avec Tentacolor, c’est que les illustrations ultra choupi (qui font fondre les adultes) sont clairement dans un esprit de jeu pour les 4-5 ans, et du coup un peu moins prisées par des enfants de 6 – 8 ans, qui seraient quant à eux mieux armés pour profiter des aspects tactiques du jeu.

Il y a aussi la notion de frustration, qu’il va falloir gérer. Qu’il s’agisse d’une attaque directe avec un requin ou d’un redémarrage à zéro à cause d’une absence de couleur, il est parfois compliqué pour l’enfant de se dire qu’il était tout proche de la victoire et qu’il doit tout recommencer.

Cela n’empêche évidemment personne de s’amuser, mais les plus petits ont ici tendance à enchaîner les défaites, sauf si les parents bienveillants leur refilent quelques cartes idéales aux moments opportuns.

Et puisqu’on en parle : le mode expert

Histoire d’enfoncer le clou, Tentacolor propose de surcroît un mode légèrement plus complexe, et aussi plus intéressant. Dans cette variante, les joueurs piochent chacun un tentacule final en début de partie, le consultent et le placent face cachée devant eux. Cette variante crée de fait un peu de suspense et de contrainte de pose, car les joueurs devront réaliser une série d’une couleur correspondant à leur tentacule final, sans quoi la série ne sera pas validée.

Une variante toute simple et très agréable à jouer, mais là encore, à réserver aux plus grands des petits plongeurs.

L’avis de Plateau Marmots (Olivier)

Fort de ses illustrations magnifiques et de son plaisir de jeu immédiat, Tentacolor trompe son monde en voulant se faire passer pour un simple jeu d’association de couleurs. Certes, c’est la base de sa mécanique, mais il ne faut pourtant pas occulter les possibilités offertes par le draft et les cartes d’attaque pour construire sa stratégie tentaculaire. Un aspect tactique à la fois bienvenu et intéressant à jouer, mais un ramage qui ne se rapporte pas totalement au plumage et qui pourrait surprendre les parents qui sont juste à la recherche d’un petit jeu mignon et simple pour les vacances. Mignon et simple, Tentacolor l’est, assurément. Mais il invite également les enfants à prendre des premières décisions tactiques qui pourraient se retourner contre eux s’ils ne prennent pas le temps d’analyser tranquillement l’évolution du jeu chez les adversaires. Ce qui n’a encore rien d’intuitif à 4 ans. Pour les plus patients d’entre eux, la courbe d’apprentissage sera particulièrement valorisante. Mais pour ceux qui en auront marre d’enchaîner 5 ou 6 défaites d’affilée devant les cousins ou la grande sœur, il y a ce petit risque que le jeu reste dans sa boîte quelques mois de plus. Quoiqu’il en soit, Tentacolor est une vraie jolie surprise, qui tranche clairement avec les jeux « de petits » pour permettre aux marmots de comprendre qu’une victoire se gagne en regardant ce qu’il se passe sur la table et pas seulement sur les cartes qu’ils ont en main.

On aime

  • Malin et fluide
  • Première expérience de draft
  • Illustrations somptueuses
  • Pas mal d’interactions
  • 2 modes de jeu

On aime moins

  • Parfois frustrant

Le trouver

Chez Philibert
Chez Ludum

Fiche Technique

Un jeu de Davide Pinazza
Illustré par Camille Le Brun
Pour 2 à 4 joueurs
A partir de 4-5 ans
Chez LOKI

 

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