Test – Trouilleville Livre 01: La Silencieuse

Bienvenue à Trouilleville ! Arpentez sa Grande Rue pour croiser golems de terre, vampires et spectres colorés. Admirez ses cabanes de sorcières, nichées dans des branches d’arbres millénaires. Découvrez sa sombre pyramide qui abrite une foule de momies et de somptueux trésors. Laissez-vous embobiner par son puits blablateur qui répondra à toutes vos questions, même les plus saugrenues.

Bienvenue à Trouilleville ! Cité gothique de caractère…

L’histoire d’un rendez-vous manqué

Chez Plateau Marmots, Trouilleville, c’est d’abord l’histoire d’une énorme déception. Oui, oui. Désolé, ça pose le débat, mais il fallait bien arracher le sparadrap d’un coup. Bien avant que le premier tome ne paraisse, on avait découvert avec délectation les premières illustrations de Johan Troïanowski, les photos de carnets remplis de notes et les esquisses de couvertures qui mettaient des étoiles dans les yeux et des chauves-souris dans le ventre. C’était une évidence : avec Makaka comme éditeur, Trouilleville allait devenir LA référence du Jeu de Rôle pour Marmots, accessible au grand public.

Et puis… Et puis avec Olivier, notre rédac’ chef vénéré, on a eu la version finale entre les mains, on a entrouvert la magnifique couverture et… bim. La douche glacée, sur la forme en tout cas. On a en effet découvert un ouvrage très maladroitement mis en page, rempli de pavés de textes indigestes (dignes d’un jeu de rôle des années 90), et où la taille de typos vous fait définitivement perdre 2/10 ème de vision à chaque œil. (le chef a d’ailleurs changé de lunettes après sa lecture, c’est rigolo parce que c’est vrai)

Bref… On a déchanté et on a lâchement rangé Trouilleville dans le purgatoire des jeux en attente.

Quelques mois plus tard, sortait le deuxième volume. L’univers était toujours aussi emballant, la mise en page un peu plus aérée, et la taille des polices avait gagné 2/3 points. Mais beaucoup de maladresses venaient encore gâcher l’enthousiasme.

Il aura fallu attendre Halloween pour finir par vous parler de ce très beau jeu de rôle, à l’univers fascinant… mais qui aurait pu être bien plus que ce qu’il est en l’état.

Premiers pas dans Trouilleville

Les premières pages du livre laisse pourtant présager le meilleur. Rien de tel qu’une petite BD pour expliquer le concept de « Jeu de Rôle » à des novices. D’autant que Johan Troïanowski, habitué de la littérature jeunesse, est un illustrateur vraiment talentueux.

On se dit qu’entrecoupé de petites BDs dans ce style, le livre va être un vrai plaisir de lecture. Ce sera pourtant la seule…

Ce premier tome contient tout ce qui est nécessaire pour faire vivre à vos Marmots de passionnantes aventures dans la ville de Trouilleville et dans sa région, « La Silencieuse » : de la création des personnages aux règles de combat, de la description détaillée des lieux emblématiques à un gros scénario d’introduction, tout y est.

Et pour faire rentrer tout ce contenu dans moins de 100 pages, sans sacrifier les illustrations, Makaka a dû réduire la taille des polices de caractères au maximum. Il vous faudra de bonnes lunettes et parfois l’aide d’un doliprane pour venir à bout de certaines pages.

S’il est une chose que le livre fait par contre très bien, c’est prendre le lecteur non rôliste par la main. Ainsi, pour présenter succinctement l’univers et les règles, le livre s’ouvre sur une longue aventure dont vous êtes l’héroïne de 12 pages. De plus, au fil des pages, que ce soit pour la création des personnages ou pour l’explication des règles, les textes sont souvent entrecoupés de nombreux exemples et de conseils pratiques pour la Fossoyeuse (nom donné au Maître du Jeu).

It’s Aliiiiiive !!!

Avant toute chose, vos Marmots vont devoir créer un monstre qui sera leur alter ego. Là encore, le livre alterne entre idées visuelles fortes qui facilitent la prise en main, et lourdeurs textuelles et mécaniques qui risquent d’intimider celui qui jouera le rôle de la Fossoyeuse.

Du côté des bonnes idées, chaque type de monstre (Sorcières, Savants Fous, Vampires, Golems et Profonds), est dérivé en 9 variantes sous les pinceaux pleins d’humour et de tendresse de Johan Troïanowski. De même, pour chaque monstre, une page entière illustre le contenu de son armoire. C’est là que vos Marmots vont pouvoir piocher les objets avec lesquels ils commenceront l’aventure.

D’un autre côté, chaque description de personnage vient s’alourdir d’une dizaine d’atouts. Une idée formidable pour les parents habitués aux Jeux de Rôle, mais qui risque de perdre les nouveaux venus par l’accumulation de détails techniques et de spécificités.

Il aurait été préférable pour ce premier tome de se contenter des personnages prétirés, en fin d’ouvrage (et ceux régulièrement ajoutés sur le site de Makaka), et de garder les principes de création d’un personnage pour le second livre.

Six Trouilles et vil Un

Les règles sont, elles, très synthétiques (elles tiennent sur 4 pages seulement) et sont parfaitement adaptées aux Marmots de 7 ans.

Chaque personnage est défini par 3 caractéristiques : corps, esprit et frayeur (charisme).

Pour accomplir une action, on effectue un test en lançant autant de dés à 6 faces (D6) que le score de la caractéristique utilisée. Chaque dé indiquant un résultat supérieur ou égal à 4 est une réussite. Un 6 permet de relancer le même dé, tout en engrangeant déjà une réussite.

Pour mener à bien une action, il faut cumuler 1 à 3 réussites en fonction de la difficulté définie par la Fossoyeuse.

Pour combattre un adversaire, rien de bien sorcier non plus. Il suffit d’effectuer un test de corps (pour du corps à corps) ou d’Eeprit (pour de l’attaque à distance). Chaque réussite inflige un point de dégât à l’adversaire, qui est battu si les dégâts infligés sont supérieurs à ses points de vie.

Suivez le guide

Le gros point fort de « Trouilleville », c’est bien sûr son univers en clair-obscur, sublimé par les illustrations de Johan Troïanowski. Au fil de 16 pages, l’auteur prend d’ailleurs le temps de nous décrire les lieux emblématiques de la ville, de nous présenter toute une galerie de personnages et même de nous proposer tout un tas d’idées pour créer nos propres aventures.

Pourquoi alors résumer en 2 pages tout le reste de la région (“La Silencieuse” qui donne son sous-titre au livre) qui parait ainsi bien fade et bien abstraite ? Pourquoi ne pas avoir centré ce premier tome uniquement sur la ville de « Trouilleville » ?

Ici encore, les parents rôlistes auront à disposition une boîte à outil débordante d’idées pour faire vivre des heures et des heures d’aventures à leurs sombres rejetons. Mais cet univers « Bac à Sable », très vaste, très hétéroclite et sans véritable fil rouge manquera de repères pour les nouveaux venus dans le monde du jeu de rôle.

Une introduction pour conclure

Heureusement, ce premier livre se conclut par un gros scénario d’« introduction » de 15 pages. Mais si on écrit introduction avec de gros guillemets, c’est que ce choix nous paraît moyennement approprié.

Alors que le chapitre précédent a pris le temps de décrire tous les lieux de Trouilleville, l’action du scénario se passe intégralement en dehors de la ville, dans des lieux qui n’apparaissent parfois même pas sur le plan en début d’ouvrage et qui ne seront décrits que dans le second tome.

Pour rassurer les nouveaux venus dans le monde mystérieux et intimidant du jeu de rôle, et leur montrer comment utiliser concrètement les lieux, personnages et graines d’aventures qui ont été longuement développés quelques pages plus tôt, il aurait été préférable de développer un scénario dans le cadre de la ville, et d’y faire se croiser quelques personnages clés qui seront des fils rouges pour de futures aventures.

C’est d’autant plus dommage que la présentation même du scénario a été conçue pour être le plus didactique possible. Des encarts proposent des descriptions de lieux et d’ambiances, à lire où à paraphraser. Des tableaux listent les actions que peuvent entreprendre les Marmots et décrivent ce qu’il se passe en cas d’échec ou de réussite. De même, la structure du scénario est extrêmement linéaire, empêchant toute sortie de route : 3 embranchements vers 3 lieux pour récupérer 3 ingrédients qui aideront Baba Yaga à briser une malédiction.

L’Avis de Plateau Marmots (Vincent)

Un rôliste aguerri sortira de la lecture de ce premier tome avec des idées plein la tête et l’irrépressible envie de faire découvrir l’univers sombre et poétique de « Trouilleville » à ses Marmots.

Pour un parent néophyte qui découvre ce livre dans les rayons d’une grande surface culturelle, le chemin risque par contre d’être semé d’embûches, entre une mise en page pas vraiment engageante, un trop-plein d’informations et de données techniques, et un univers « Bac à Sable » sans réel fil rouge.

Ce premier livre aurait gagné à être bien plus aéré en ne proposant que des personnages prétirés et en se concentrant simplement sur la ville de Trouilleville,  plutôt que sur la vaste région qui l’entoure.

Voilà longtemps en tout cas qu’écrire un test n’avait pas été aussi difficile. « Trouilleville » est en effet un jeu qui me fascine par ses idées et son univers. Un jeu que j’ai plaisir à faire jouer à mes Marmots, un jeu que mes Marmots ont plaisir à arpenter, mais dont chaque défaut est d’autant plus voyant et frustrant.

« Trouilleville » aurait pu devenir LA référence du Jeu de Rôle pour Marmots accessible au grand-public. Il se contente d’être un excellent jeu magnifiquement illustré.

L’avis (complémentaire) d’Olivier

Mon avis sera sans doute plus court que celui de Vincent, et il se limite au premier livre : le seul que j’ai lu à ce jour (et qui m’a coupé l’envie d’en lire un autre). Dans mon esprit, le jeu de rôles pour enfant doit avant tout être accueillant, didactique, chaleureux. Il doit valoriser le joueur confirmé et inciter le néophyte à la découverte. Mais les choix éditoriaux du premier volume laissent songeur quant à la réelle volonté de Makaka de mettre un jeu de rôles entre les mains de parents débutants. Autant les illustrations attirent, autant les pavés de textes assez mal organisés rebutent. D’autres jeux existent, plus clairs, mieux mis en page et mieux réfléchis dans leur approche. Et je me mets à la place de parents qui n’auraient que Trouilleville comme première approche du jeu de rôles enfants : pas sûr qu’ils se lancent dans l’aventure armés de cette seule référence. Vivement une seconde édition du Premier Livre, donc. 

 

On aime :

  • Les illustrations magnifiques
  • L’univers sombre et coloré à la fois
  • Les règles qui vont à l’essentiel

On aime moins :

  • La mise en page brouillonne
  • Un livre intimidant pour des parents non rôlistes
  • Un scénario d’introduction qui ne se déroule pas à Trouilleville

Le trouver:

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