Test – Big Monster (monstrueusement vôtre)

Pendant que votre petit dernier dort tranquillement dans sa chambre, vous vous approchez à pas de loup… Une porte qui s’ouvre furtivement, un léger grincement, vous vous glissez dans la chambre… Vous vous plantez à dix centimètres de la tête de Jean-Théodore, lampe de poche sur le visage et poussez un grand cri : « Aaaaaaaahhhhhhhh !!!! »

Ça y est, la fièvre Big Monster vous a gagné ! Vous voilà vous aussi investi de la mission de faire peur aux petits ! Quitte à passer des nuits entières sans sommeil à consoler Jean-Théodore. Parce que des sales têtes de monstres, dans Big Monster, il y en a plein. Alors une de plus ou de moins, autant vous faire plaisir, enfin, par un juste retour des choses.

Mais je m’égare dans mon introduction, alors que j’avais envie de vous parler de ce petit jeu redoutablement efficace, plutôt mignon, qu’est Big Monster.

Revenons donc aux basiques, les infos générales, que le rédac’chef nous oblige par contrat à mentionner à chaque début d’article.

Donné pour 2 à 6 joueurs et d’une durée annoncée de 25 minutes, Big Monster est un jeu de tuiles et de draft (si si, on a déjà expliqué la notion dans des articles précédents comme celui sur Sagrada) édité par la toute jeune maison Explor8.

S’il s’agit ici du premier jeu de Dimitri Perrier, les esprits derrière la conception n’en sont pas pour autant des perdreaux de l’année et on voit souvent monsieur et madame (car c’est une histoire de famille) dans des manifestations ludiques de haute volée, comme la fameuse cérémonie des Diamants d’Or, un prix ludique pour jeux bien velus.

Big Monster a été financé via la fameuse plateforme participative Kickstarter, ce qui fait que les quelques exemplaires disponibles ont été réservés aux souscripteurs. Mais pas de panique, le jeu devrait sortir dans le commerce en septembre, pas besoin d’essayer d’en soutirer une boite à un revendeur à la sauvette.

Bon, mais là, le jeu dont tu parles, il est un peu velu ou quoi ? Parce que ça pourrait presque faire peur !

Ah, je comprends ta confusion, jeune lecteur. Mais si je parle de Big Monster dans ces colonnes, c’est qu’il est accessible aux Marmots. Sinon, l’inévitable hache de la censure du rédac’chef s’abattrait sur mon texte.

La particularité du jeu, c’est que ses règles varient significativement suivant le nombre de joueurs. Quand on est 4, on peut jouer en deux équipes de 2. A 6, 3 équipes de 2. En nombre impair, on joue chacun pour sa pomme, et à 2, chacun pour sa pomme, mais avec des règles encore différentes.

Je vais ici vous décrire un peu le jeu en équipe. Le reste, nous y reviendrons.

Le principe du jeu est de choisir secrètement une tuile de monstre parmi un paquet, de la poser judicieusement pour gagner un maximum de points en fin de partie et de pourrir si possible les petits camarades adverses en leur refilant le paquet qui les avantagera le moins possible ou d’aider au mieux son coéquipier.

Tu nous parles un peu du matériel, s’il te plaît ?

Dans la boîte, qui pèse bien lourd et qui pour une fois est remplie à ras bord (coucou la précédente édition d’Augustus dans laquelle on pouvait caser 6 caleçons et 8 paires de chaussettes), on trouvera beaucoup de carton.

Des tuiles de monstres toutes colorées, des médailles objectifs, un plateau central et des explorateurs. Le tout dans le fameux ‘linen finish’, c’est-à-dire avec une structure un peu tissée, si vous regardez de près.

L’ensemble est de bonne facture, les petits monstres sont mignons tout plein, surtout la ventripotente licorne fille.

Si vous êtes daltonien, par contre, ça risque d’être compliqué de jouer, les terrains sont reconnaissables surtout à leur couleur.

L’iconographie est plutôt lisible, mais pas forcément super visible, il faudra un peu de temps pour bien cerner les capacités des monstres, sans que ce soit non plus des milliers de parties, hein.

Côté résistance à la confiture de myrtilles des doigts des Marmots, on repassera, car je pense que les tuiles ne sont pas forcément hyper lavables.

Enfin, je trouve qu’on en a pour ses sous, et côté matériel pur, vous ne devriez pas vous sentir volé.

Humm, ça a l’air plutôt original, tu nous en dis plus ?

Bien sûr, je suis là pour ça.

Chaque joueur dispose d’un explorateur sélectionné en tout début de partie parmi 2. Cet explorateur comporte soit des avantages à utiliser pendant la partie, soit un bonus de points de victoire en fin de partie pour un certain type de monstres, de terrain, de cristaux, etc.

Un paquet de 10 tuiles est distribué à chaque joueur qui devra ensuite faire son choix secrètement parmi elles.

On y retrouve donc des monstres. Les tuiles monstres présentent toutes ou presque un petit monstre facétieux, sur un terrain d’une certaine couleur, entouré de quelques éléments de décor comme des gemmes sur les côtés ou les coins.

Une fois que le joueur a sélectionné sa tuile, il la pose face cachée à côté de lui et s’empresse de donner son paquet au joueur de son choix. Ça peut être son partenaire ou un adversaire, suivant ce qui est le plus opportun.

Au joueur de son choix ?

Oui ! C’est là ce qui fait d’ailleurs l’originalité du jeu et qui brise les codes du genre. À ma connaissance, les jeux de draft sont ainsi faits qu’on passe invariablement le paquet à son voisin, ce qui rend les choses très prévisibles. Ici, il faut être le plus rapide pour pouvoir choisir la personne à qui on va donner son paquet. Cela rend le jeu très fun et dynamique. Et on peut même se passer le paquet restant à soi-même, si personne n’a voulu de nous et qu’on est le dernier. Oui, ça arrive. Pas à moi, mais ça arrive.

Tout le monde révèle ensuite sa tuile, la place judicieusement à côté d’une tuile déjà posée ou à côté de son explorateur et c’est reparti.

En cours de partie, on peut être amené à remporter des médailles. Les médailles, qui varient d’une partie à l’autre, sont attribuées lorsqu’un joueur ou une équipe remplit certains critères soit en nombre de monstres d’un certain type, soit en terrains, cristaux, etc. Ces médailles rapportent des points en fin de partie.

Ça se passe comment, les parties ?

De 3 à 6 joueurs, on joue 2 manches puis on compte les points. Par équipe, c’est l’équipier qui a le moins de points qui fixe le score de l’équipe. On a donc tout intérêt, encore plus, à ne pas laisser son partenaire sur le carreau. En individuel, bien évidemment, c’est le joueur qui a le plus de points qui gagne la partie.

À 2 joueurs, on drafte différemment : on dispose de 2 rangées de 4 tuiles chacune, et on choisit parmi une de ces rangées une tuile à garder et une tuile à jeter. Pas de notion de rapidité ici, mais une dimension de stratégie et de blocage qui reste parfaitement intéressante.

Pour les points, on additionne ceux des monstres, des médailles et les objectifs des explorateurs puis on regarde pour chaque équipe ou en individuel le meilleur score.

D’accord, ça a l’air sympa… Et le bestiaire alors ?

Ahhh, ami lecteur, tu aimes les bestioles ? Tu vas être servi. Côté monstres, on retrouve une belle brouette de diversité :

  •  les monstres mutagènes, qui se transforment en monstres qui valent plus de points s’ils sont irradiés par des espèces de cafards radioactifs
  • les crapauds qui valent d’autant plus de points qu’ils sont nombreux
  • les monstres de lave, qui valent un petit peu de points, mais amènent des bouts de cristaux avec eux, cristaux qui, complétés, valent plein de points
  • les vers de sable, aucun point, mais si vous n’en avez pas, vous serez pénalisés et ils permettent aussi de remporter des médailles qui valent plein de points
  • les « nouilles » violettes et bleues, pareilles que les vers des sables, mais avec des cristaux en plus
  • les Big Monsters, mes préférés, qui valent 1 point si on n’a qu’un seul côté, mais 11 si on les complète
  • et pour finir, les monstres des prairies, qui rapportent des points en fin de partie en fonction du nombre de terrains ou de monstres qu’on possède sur son plateau.

 

Ok, mais pour les marmots, alors ?

Eh bien, je dirais que pour une fois, les indications de la boite ne sont pas trop mal fichues. 9/10 ans, oui, c’est le bon âge pour pouvoir apprécier le jeu. Avant, le Marmot prendra une tuile un peu au pif (« Moâ, je vais faire toutes les violettes »), sans vraiment calculer ce qui est le mieux pour lui ou son partenaire. Et s’il est dans votre équipe, malgré les trésors de patience dont vous disposerez comme parent modèle, vous aurez peut-être envie d’abandonner votre Marmot sur une aire d’autoroute, accroché à un arbre.

À partir de 9/10 ans, l’enfant devient un partenaire intéressant à Big Monster, capable d’anticiper un peu, de comprendre les bonnes combinaisons, de vous servir les bonnes tuiles. Vous serez donc particulièrement fier s’il vous permet de gagner, surtout en équipe contre tata Janine et votre vilain cousin Gaulthier (« Jean-Théodore, ce soir, c’est macdo pour toi, c’est cadeau, maman est fière de toi »).

Évidemment, ne comptez pas forcément sur une superbe première partie, que ce soit pour vous ou votre marmot. Si les abords du jeu sont simples, s’adapter aux circonstances de ce que sa main propose, savoir bien pourrir les copains ou jauger de la meilleure tuile, le tout assez vite, ce n’est pas simple. Il y aura donc un petit peu de parties avant que vous soyez super à l’aise, notamment parce qu’il y a plein de monstres donc de manières de scorer, mais on s’amuse dès la première, rassurez-vous. Et on a envie d’y revenir, ce qui est vraiment un signe de la qualité du jeu.

En tout cas, le jeu a plu à ma progéniture, de 11 et 13 ans, Marmottes qui me tanneront probablement pendant les vacances pour que je sorte la boîte.

Bon, mais toi tu as aimé ?

Ouiiiiii ! Et ça a été un genre de coup de foudre immédiat, dès notre première rencontre, aux Big Monsters et moi.

J’ai eu la chance de jouer, par le plus grand des hasards, sur l’un des prototypes qui tournaient au Beau Jeu, un café-boutique à jeux à Lille. Comme les éditeurs sont des voisins, ils squattaient régulièrement les lieux. J’ai donc pu essayer le jeu avec eux et Dimitri et moi avons gagné ma première partie. Et depuis lors, je n’ai eu de cesse de vouloir y rejouer.

J’avais donc particulièrement hâte que le jeu sorte enfin, et je suis ravie, et tout aussi surprise que les autres souscripteurs que le jeu ait même été livré en avance.

La qualité du jeu fait environ 90% du coup de cœur, mais les 10% restant, ce sont le dynamisme, l’entrain passionné et les sourires des éditeurs, le côté aventure humaine, quoi. Car on sent qu’ils aiment leur jeu, qu’ils se sont donné les moyens de le faire connaître, sans relâche, à grands coups de tournois, de salons, d’ambassadeurs, de photos de monstres sur les rézosocios.

Et ça marche. Même si la campagne de financement s’est plutôt bien passée, le résultat des ventes n’est pas fou-fou. Et pourtant le jeu plait si fort aujourd’hui que je parierais un de mes Big Monsters à 11 points que la vie en boutique du jeu sera parfaitement honorable. Il le mérite fort en tout cas.

Ce qui me plait en outre, ce sont les multiples façons de scorer, l’originalité mécanique, le côté fun mais pas superficiel, et les clins d’œil au monde ludique que l’on retrouve sur les tuiles. Je parle ici de la tuile Diamant d’Or, des illustrations de Môssieur Martin Vidberg (si c’est pas la classe, ça !), des guests de renom comme l’inénarrable Monsieur Phal ou monsieur Ludovic Maublanc, justement croqués par le précédent, etc.

L’avis de Plateau Marmots

Sous des dehors de petit jeu rapide, Big Monster a tout d’un grand : une belle originalité, des parties fun, rapides, mais intenses en réflexion, une grande accessibilité et une excellente rejouabilité.

On appréciera ou non la charte graphique, mais, même si on n’aime pas, elle n’ôte en rien le plaisir de jeu, même aux plus aguerris d’entre nous. On aime particulièrement la configuration en équipes, le temps de jeu court et le fait qu’à 2, on joue à un jeu très différent, mais tout aussi intéressant.

Big Monster a un côté très frais, rempli de l’amour de ses éditeurs et de clins d’œil au monde ludique, et rien que pour ça, et les évidentes qualités du jeu, il faut se jeter dessus comme un Marmot de 7 ans sur une glace par les temps qui courent.

On aime :

  •  l’originalité du système de draft
  • les petits monstres et surtout la licorne fille
  • les multiples stratégies pour gagner
  • la durée des parties
  • l’accessibilité du jeu
  • l’enthousiasme des éditeurs

On aime moins :

  • l’iconographie pas toujours super claire
  • il n’y a pas de licorne fille nounours dans la boîte

Fiche Technique

Un jeu de
Edité par Explor8
Pour 2 à 6 joueurs
Un jeu de Dimitri Perrier
Voir le jeu chez Philibert

Pour aller plus loin

Je ne connais pas vraiment de jeu dont les mécanismes se rapprochent de celui de Big Monster. Il y a bien sûr l’immensissime classique 7 Wonders qui pose les jalons du genre du draft, mais un draft comme Big Monster, non, je ne vois pas.

Le jeu étant tout aussi mutagène que ses monstres, on a, je pense, le temps avant de voir se figer une stratégie, tant la configuration du début entraine une adaptation de la façon de choisir ses tuiles.

Mais on espère en tout cas que Dimitri trouvera dans son esprit créatif de quoi produire quelques petites extensions avec des nouveaux monstres, par exemple. Soyez sûrs qu’à Plateau Marmots, on est sur la brèche.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.