Test – Brothers
Brothers est un jeu qui vous invite à cultiver une haine farouche de votre voisin, a fortiori s’il s’agit d’un membre de votre famille. Au lieu de vous laisser exploiter votre prairie tranquillement, voilà votre gros lourdaud de frangin qui réclame sa part du gâteau. A vous, donc, la joie de la mise en place de clôtures pour essayer de faire paître le maximum de vos bêtes… et évidemment le minimum des siennes. Qui sera le plus fourbe des deux ?
Brothers est un jeu de blocage pour 2 ou 4 joueurs, signé Christophe Boelinger et illustré par Xavier Houssin. C’est édité par Ankama, jouable à partir de 8 ans, mais en fait bien avant.
“Toi le frère que j’ai hélas trop eu…”
Brothers est donc un jeu de blocage. Un jeu de blocage, cela signifie qu’il va falloir pourrir la vie de l’adversaire et l’empêcher de jouer jusqu’à ce qu’il ait envie de vous tuer. Cela semble cruel, certes. Mais comme de son côté il v a faire la même chose avec vous, c’est moins horrible que ça en a l’air. Ouf.
L’histoire, donc, c’est que vous partagez une prairie avec votre frère. Le seul truc, c’est qu’il s’est lancé dans l’élevage des Wabbits, créatures moches et ridicules. Comme à vous on ne la fait pas, vous avez opté pour l’élevage des majestueux Bouftous, des magnifiques animaux gracieux, comme chacun le sait. A vous, donc, de parvenir à placer plus d’enclos dans la prairie que votre sale sournois de frangin. Ça lui montrera qui commande, non mais !
A l’ouverture de la boîte, on ne peut qu’apprécier la solidité et la simplicité du matériel embarqué. Pour ne rien vous cacher, au premier regard, on a l’impression que l’on va jouer à un Tétris version carton. Le jeu se compose en effet d’une série d’éléments aux formes tétrissiennes assumées : des croix, des “I”, des “L” et autres rectangles et carrés.
Ces éléments se composent en 3 catégories : la prairie, les enclos de Wabbits (en “I”) et les enclos de Bouftous, en “L”. Chaque enclos est composé de 3 cases. La prairie est elle composée de formes très très variables.
La règle est simple et compréhensible dès la première lecture. Brothers fait partie de ces jeux auxquels on sait jouer dès la première lecture… mais qu’il faudra apprendre à maîtriser au fil des parties.
Brothers in arms
La partie commence par la création de la prairie. Chaque joueur, à son tour, va mettre en jeu l’une des tuiles prairie. La seule contrainte de placement, c’est que chaque pièce soit connectée à une autre par une case. Pour le reste, vous faites la mise en place comme bon vous semble, avec des trous, sans trous, format paysage ou en cauchemar cubiste : c’est totalement openbar.
Une fois que toutes les tuiles auront été placées, la partie commence aussitôt.
Le joueur qui joue les Wabbits joue en premier. Il place un enclos à l’endroit de son choix, sur la prairie. C’est ensuite au tour de son adversaire, qui place à son tour l’un de ses enclos, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’un des joueurs ne puisse plus mettre d’enclos. Son adversaire a alors carte blanche pour placer autant de tuiles que possible. Lorsque lui aussi ne peut plus en placer, on compte le nombre de tuiles restant à chaque joueur. Évidemment, moins il y en a, mieux c’est. Les tuiles Bouftous valent 2 points, les tuiles Wabbits, 1.
Une fois le décompte effectué (et noté !), la partie reprend pour un second round, avec la même prairie. Mais attention : cette fois-ci, le joueurs échangent les enclos ! Celui qui faisait les Wabbits gère désormais les Bouftous, et réciproquement. Les deux joueurs auront donc eu en main les deux types de tuiles.
La seconde manche est jouée de la même manière que la première. Les points décomptés lors de la seconde manche sont ajoutés à ceux de la première. Le joueur qui finit avec le moins de points l’emporte. Et bim, dans la tronche du frangin.
“C’est mon frère, ma bataille, j’voulais trop qu’il s’en aille oh oh oh”
On l’aura compris, Brothers est un jeu aux mécanismes aussi simples qu’efficace. Tout tient dans l’occupation de l’espace disponible et dans la forme des tuiles qui vous sont assignées en début de manche. Les tuiles “L” devront chercher assez de coins pour se nicher, les tuiles en “I” devront essayer de se ménager des lignes continues pour tenter de faire des points. Sur un carré de 3 * 3 cases, par exemple, une tuile en I placée au milieu garantit au joueur d’empêcher son adversaire d’y placer quoi que ce soit, et réserve deux places pour la fin de partie.
Car la stratégie consiste à jouer simultanément sur deux tableaux :
- bloquer les espaces nécessaires à l’adversaire
- se ménager des espaces pour la fin de partie.
Il faut donc essayer de se ménager des zones protégées, vers lesquelles vous pourrez revenir en fin de partie, une fois votre adversaire dans l’incapacité de jouer. Le jeu est donc résolument perfide, car il faut savoir gérer l’immédiat et le “plus tard si tout va bien”.
Chaque partie est pliée en 10 minutes chrono en main pour une mise en place de quelques secondes. Il est donc facile d’en enchaîner plusieurs et de découvrir que la marge de progression est importante… pour les petits comme pour les grands.
Grands et petits marmots
C’est sur ce point de la stratégie à moyen-terme, et uniquement sur ce point, que les adultes emporteront le plus souvent les parties (mais pas toutes, attention), car le jeu en lui même ne présente aucune difficulté de compréhension pour un enfant de 5 – 6 ans. Deux marmots de cet âge peuvent d’ailleurs s’y affronter sans le moindre souci.
On conseillera donc aux adultes un peu de bienveillance préventive sur les premières parties, en indiquant aux marmots à quels endroits il s’exposent inutilement. En général ils sont trop pressés de pouvoir occuper un espace que vous ne pouvez de toute manière plus leur prendre. Mais il suffira de quelques parties pour qu’un enfant de 7 ans devienne un farouche adversaire, et qu’il mette facilement la misère à l’adulte qui ne se méfie pas.
Faites-gaffe : ils sont forts, les sagouins.
L’avis de Plateau Marmots
Sous une apparence un peu simple, voire austère, se dissimule un petit trésor de stratégie. Certes on est loin du faste de Boufbowl ou de Touché Poulet, mais c’est au profit de tuiles très lisibles qui permettent de se livrer totalement à la bataille tétrissienne qui fait rage. Et la bataille sera violente, je vous le garantis, tant les espaces jouables vont rapidement se réduire comme peau de chagrin là où la prairie semblait immense en début de partie. Et il y a un vrai plaisir jubilatoire à condamner le dernière espace jouable de l’adversaire, alors qu’il vous en reste plein de disponible.
Brothers est un jeu parfait pour initier enfants et adultes à l’univers retors du blocage. Tout est question de géométrie et de place disponible, et c’est ici traité avec brio et simplicité. Les parties s’enchaînent avec plaisir, dès 6 ans, et soyez assurés que la moindre faute d’inattention vous sera fatale. Les victoires se jouent souvent au point près, ce qui ne manquera pas de vous agacer lorsque vous vous ferez mettre minable par votre bout de chou et ses stupides Wabbits.
Avec sa rejouabilité infinie et son mode de jeu en 2 contre 2, vous êtes sûrs de le voir traîner sur vos tables de jeux pendant très, très longtemps.
On aime
- Un premier jeu de blocage très réussi
- Simple, accessible, mais avec une grosse marge de progression
- Matériel très correct
- Pas cher ! (moins de 15 euros)
On regrette
- Graphiquement pauvre
- La surcouche Dofus très artificielle
Le trouver
Fiche technique
Un jeu de Christophe Boelinger
Illustré par Xavier Houssin
Edité par Ankama
Pour 2 ou 4 joueurs
A partir de 8 ans (mais bien avant, en fait, on y joue facile à 5 – 6 ans)
Le trouver chez Philibert
Pour aller plus loin