Test – Fish’n shark

Papa requin embarque ses petits dans une leçon de pêche. Qui sera le meilleur ? À chaque tour de jeu, les jeunes squales attrapent 4 poissons, mais tous ne pourront pas (…) être conservés. À chacun (…) de bien choisir (…) afin de compléter un max (…) imum de cases (…) de (…) ZZZzzzzz Zzzzzzz.

– Ben alors chef ? On s’endort sur sa machine à écrire ?
– Désolé Soffy, mais ce pitch de jeu m’agace et me démotive.
– Ah bon ? Que se passe-t-il Chef ?
– Asseyez-vous, je vous explique. Voyez-vous Soffy, Fish’n shark est un excellent jeu. Mais je suis un peu fatigué de cette nécessité de trouver une histoire à raconter sur des jeux qui n’en ont pas besoin. Regardez Abalone, par exemple, est-ce qu’on vous prend la tête avec une maman ourse qui doit cueillir des fruits noirs et des fruits blancs pour empêcher la fin du monde ? Bah non. Le jeu assume son abstraction. Fish’n shark aurait aussi bien pu se nommer Stars’n space ou Magnets’n fridge ou Gold’n dragon ou Vampires’n castle, sans que cela ne change quoi que ce soit au jeu, et c’est un peu saoulant de se dire que l’habillage ne sert à rien.
– Bah oui, mais c’est pas la première fois que vous voyez un jeu au thème plaqué, si ?
– Non, évidemment. Mais pour celui-là, j’ai l’intime conviction que le thème dessert le jeu plutôt qu’il ne l’aide à trouver son public. Et c’est enquiquinant pour moi de voir un bon jeu risquer de passer sous les radars à cause de cela. Parfois, je pense qu’il serait plus pertinent d’embrasser son abstraction, plutôt que de la camoufler.
– Embrasser son abstraction ? Comme vous y allez-chef !

Flavien Dauphin| Christian Montenegro | Djeco |
2 à 4 joueurs| 7 ans et plus | 20 min environ |
Tactique

[Avertissement : cette boîte nous a été fournie par Djeco. Merci à eux.]

[Second avertissement : sur les photos de cet article, nous avons placé les jetons de contrainte face cachée. La règle n’indique pas forcément de procéder ainsi, car ça nuit un peu à la planification des actions à venir, mais on est du genre à aimer le suspense. ^^]

Sous l’océan, façon kubenbois

Maintenant que cette prodigieuse introduction nous aura mis dans le bain (haha), il est temps de nous attaquer au jeu à proprement parler. Dans Fish’n shark, le but du jeu est de récolter un maximum de points en pêchant des poissons colorés. Le jeu se compose de 4 plateaux individuels sur lesquels sont représentés des poissons colorés, d’une poignée de jetons, d’un mini plateau requin, d’un dé et d’un sac de cubes en bois colorés. L’ensemble est très quali, très Djeco, et donne immédiatement envie de jouer, ce qui est toujours un excellent signe.

La mise en place est plutôt rapide : chaque joueur mélange les jetons de sa couleur et les dispose au hasard sur les emplacements prévus (double punch) de son plateau individuel. Le sac avec les cubes en bois est placé au centre de l’aire de jeu, de même que la tuile de papa requin (tudududududududu).

La partie peut commencer !

Un matériel qui donne envie

Et je pêche pêche pêche ce poisson qui me plait

Le tour de jeu débute en piochant 4 cubes dans le sac : il s’agit de poissons que l’on veut attraper pour le tour. Ces poissons peuvent être placés dans la zone de pêche prévue pour le tour, c’est-à-dire la ligne ou la colonne correspondante au tour de jeu en cours. Pour le premier tour de jeu, par exemple, vous pourrez placer vos cubes sur les poissons de la colonne 1 : les 3 cases le plus à gauche du plateau. Au tour de jeu 5, vous pourrez placer vos cubes sur les poissons situés dans la ligne centrale. À l’écrit ça semble complexe, mais ne vous inquiétez pas : les plateaux sont très clairs et vous saurez toujours quelle est la bonne zone de pêche pour le tour en cours, d’autant que votre pion se déplace sur le tableau individuel en guise de pense-bête.

Avec cette contrainte, le joueur doit donner tous les cubes jaunes ou bleus qu’il a pêchés ce tour !

Vous prenez 4 cubes, donc, et avant de pouvoir les placer dans la zone de pêche, vous devrez appliquer la contrainte qui est le vôtre pour le tour en cours. Cette contrainte est représentée par le jeton que vous avez placé à côté du numéro du tour, et va impacter votre manière de disposer de vos jetons. Si un X vous libère de toute contrainte pour le tour, il vous sera la plupart du temps demandé de faire don d’un ou de plusieurs cubes que vous venez de piocher au papa requin, la tuile placée au milieu des joueurs. La contrainte pourra ainsi vous demander de céder tous vos cubes de telle ou telle couleur, ou de distribuer des cubes à vos adversaires. Mais ne criez pas à l’injustice : TOUS les joueurs ont les mêmes jetons de contraintes sur leurs plateaux, qui se déclencheront à des moments différents de la partie.

Une fois que vous aurez géré la contrainte du tour, vous pouvez placer vos cubes colorés correspondants situés dans la zone de pêche. Vous ne pouvez placer qu’un cube par poisson, et les poissons que vous n’aurez pu mettre sur le plateau seront ensuite donnés au papa requin.

C’est ensuite au tour du joueur suivant.

Pêche à la ligne = bonus !

Pourquoi placer des cubes sur des poissons, allez-vous me demander ? Pour marquer des points en fin de partie, évidemment, mais aussi pour récupérer des poissons donnés au papa requin. Je m’explique : à chaque fois que vous complétez une ligne de poissons (horizontale ou verticale) vous pouvez tenter de récupérer des cubes placés sur le papa requin. Il suffira alors de lancer le dé et d’appliquer son effet (très semblable aux contraintes) : récupérer tous les cubes d’une couleur, récupérer 1 ou 2 cubes au choix, ne rien récupérer du tout, etc.

Une ligne de 5 poissons complétée : 1 bonus !

Chaque cube ainsi récupéré peut alors être placé À N’IMPORTE QUEL ENDROIT du plateau, sans tenir compte de la zone de pêche. Mais attention : toute ligne à nouveau complétée de la sorte ne déclenchera pas un combo : il n’est possible d’aller voler des cubes au papa requin qu’une fois par tour.

Une fin de jeu qui met le turbot

Lorsqu’arrive le 7e et dernier tour, le joueur décide où placer son jeton afin de définir sa propre zone de pêche sur le plateau. Il place alors les derniers cubes récoltés, vole une dernière fois des cubes à papa requin s’il complète une ligne et compte alors ses points.

Chaque « case » du plateau complétée rapporte 1 point, chaque ligne ou colonne complétée rapporte 2 points supplémentaires. Le vainqueur est évidemment celui qui remporte le plus de points.

Ici, aucune case n’est complétée pour le moment

Des sensations de bon thon

Une fois évacuée la frustration liée au thème, Fish’n shark est un excellent jeu qui associe tactique et hasard de la meilleure manière. Il faut en effet composer avec le résultat de sa pioche et de la contrainte du tour, pour essayer d’occuper les espaces les plus susceptibles de former des lignes ou de scorer des points en fin de partie. Il faut donc « remplir les cases » en fonction des couleurs disponibles, tout en jetant un œil sur le contenu du requin. La liberté totale offerte quant au placement des cubes récupérés dans le requin est l’un des points les plus stratégiques du jeu et permet de compléter des zones de pêche à posteriori, ce qui est finalement très puissant.

Et ne boudons pas notre plaisir : c’est vraiment très plaisant de se gratter le ciboulot pour trouver les meilleurs emplacements possibles aux cubes que l’on a en main. Il y a de l’observation, de l’anticipation voire de la planification à prévoir. De ce point de vue, les enfants les plus jeunes seront un peu désavantagés face aux plus grands, même s’il faut bien prendre quelques roustes ludiques un jour ou l’autre pour que le métier de joueur finisse par rentrer.

Au final les scores sont toujours très serrés, se jouant le plus souvent à deux ou trois points, avec une courbe d’apprentissage très rapide et un furieux goût de reviens-y.

Une critique, tout de même !

Oh oui, évidemment ! Pour un jeu aussi tactique, la part d’aléatoire est parfois importante, voire décourageante. Concrètement, le hasard intervient sur l’emplacement des contraintes, la pioche des cubes et la récupération des cubes dans le requin. Et c’est sur ce dernier point qu’un problème se pose parfois, pouvant totalement renverser le cours du jeu. Si vous obtenez un résultat au dé vous interdisant de récupérer des cubes placés dans le requin, et que le joueur suivant rafle par exemple tous les cubes rouges qu’il contient, cela peut créer un gros déséquilibre soudain dans la partie. Certes il n’y a qu’une chance sur six de se voir ainsi désavantagé, mais on sait ô combien les enfants défient les stats et s’énervent en conséquence : de mon côté j’ai fait deux fois ce résultat de suite et du haut de mes 49 ans je n’étais pas si loin du ragequit. Parce que se donner du mal pour compléter une ligne qui ne donne rien, c’est pénible, et cela va même à l’encontre, parfois, d’une stratégie de scoring. On place en effet parfois son cube pour former une ligne alors qu’il aurait été finalement bien plus judicieux de le mettre ailleurs pour « finir » une case. Il est toujours décourageant de subir un dé qui nous refuse une récompense, quelle qu’elle soit.

À titre perso, nous avons remplacé le résultat « Rien » par un résultat « possibilité de relocaliser un cube de son plateau sur un autre poisson ». De quoi obtenir tout de même un mini bonus, sans piocher de nouveau cube et sans aller contre le cours du jeu. Une règle maison qui marche bien avec les marmots, en tout cas.

L’avis de Plateau Marmots (Olivier)

Si l’on extrait Fish’n shark de son inutile lore subaquatique, on se retrouve au final avec un excellent jeu de stratégie abstrait. On pioche ses cubes et on essaye de maximiser l’impact de leur placement en vue d’un scoring final, ce qui est somme toute le fondement de 90% de la production de jeux Expert 2023. L’accessibilité du jeu est pourtant exemplaire, avec une très belle phase d’apprentissage et le déploiement de ses premières tactiques de jeu, en mode : « ai-je vraiment besoin du contenu du requin alors que je pourrais assurer un point en finissant cette case ? ». Avec un matériel au top et des parties qui n’excèdent pas le quart d’heure/vingt minutes à quatre joueurs, il est très agréable d’aller nager avec les requins. Une bonne pêche pour Djeco, qui signe ici un très bon jeu tactique.

On aime

  • Tactique, malin, amusant
  • Epuré (même si pas assez)
  • Le difficile choix du meilleur emplacement
  • Les contraintes de pioche, différentes pour chaque tour

On aime moins

  • La surcouche thématique inutile
  • Le lancer de dé pour le bonus de ligne

On le trouve où ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.