Test – Fluffy Valley

[Mise à jour 13/09 – LOKI va proposer une aide de jeu pour aider les joueurs sur les premières parties : on vous informe dès qu’elle sera en ligne.]

Il était une fois une vallée, aux tout derniers jours du printemps. Alors que les insectes zonzonnaient au milieu des champs de marguerites, une joyeuse bande de chiens de prairie s’ébattait paresseusement au pied d’un grand chêne. Certains boulottaient tranquillement des baies juteuses tandis que d’autres se prélassaient tranquillement sur des petits lits de paille, dans la douce brise pleine de farniente du mois de juin. C’est alors que, sans crier gare, le Chien de Prairie en Chef surgit de son terrier, en mode vénère.

« Bah alors les gars, vous vous croyez en vacances ou quoi ? »

La bestiole se met à invectiver sans ménagement les autres membres de sa joyeuse troupe, sur le sinistre thème de la nécessité de faire des provisions pour le prochain hiver, arguant que les chiens de prairie seraient inévitablement fort dépourvus quand la bise serait venue. Et même si le Chef était particulièrement pénible dans ses mises en garde déprimantes, tous convinrent qu’il avait parfaitement raison. Un hiver sans boustifaille ni lit douillet risquait d’être bien long. Aussi, les sympathiques rongeurs (cousins des marmottes) se mirent consciencieusement en quête de vivres pour garnir leur garde-manger, en prévision du mauvais temps.

Et vous savez quoi ? Ben c’est précisément ce à quoi vous allez les aider !

Maxime Rambourg & Théo Rivière Marko Renko | | Loki |
1 à 4 joueurs| 6 ans et plus |
Placement d’ouvriers / Gestion de ressources

[Fluffy Valley est un jeu édité par LOKI, qui nous a fait la gentillesse de nous en envoyer une boîte, ainsi que des baies, de la paille, du miel, ainsi que Trouze Millions d’euros virés discrètement sur un compte de notre banque aux îles Alligator. Du coup, ne tenez évidemment pas compte de tout ce qui va suivre.]

Mon piti chien dans la prairie

Fluffy Valley est donc un jeu coopératif dans lequel de 1 à 4 joueurs doivent collaborer pour récolter des ressources avant la fin d’un nombre de tours de jeu défini. Il fait partie de ces jeux dans lesquels le nombre de pions est identique quel que soit le nombre de joueurs. On y jouera idéalement à 4, chacun ayant une bestiole, mais que vous soyez solo ou que vous jouiez à 15, ce sera pareil.

Un matériel conséquent !

Commençons allègrement cet article en enfonçant la porte ouverte du terrier avec une première constatation : OUI : c’est magnifique ! Un plateau « dans la boîte », des bestioles super adorables, des cartes, des sacs, des jetons… Le matériel est très varié et donne immédiatement envie d’en savoir davantage sur les aventures de ces rongeurs en goguette. Et puis, sérieux, c’est vraiment beau, quoi ! Mettez ça sur une table, et vous allez voir les marmots (et les marmottes, haha) rappliquer pour vouloir jouer.

D’ailleurs, ce n’est pas qu’un régal visuel : le jeu est en effet un petit trésor d’édition et on sent que l’ergonomie a été optimisée au quart de poil de fourrure pour que le plaisir de jeu soit présent. Les éléments de jeu sont très agréables à manipuler, et l’on s’amusera volontiers à inventer des prénoms aux personnages afin de personnaliser davantage encore les parties, en mode : « Bon Soffy, arrête de rêvasser au bord de la rivière et va chercher des baies dans les buissons, tu veux bien ? Et toi, Carine, va voir dans la tanière du renard pour trouver du miel. Mais non ça risque rien, on te dit. ».

La prairie dans toute sa splendeur

Bon, comme vous l’aurez compris, le matériel de jeu est exemplaire, mais on ajoutera évidemment un bémol, dont l’ombre va planer sur l’ensemble du test que vous allez lire avec vos yeux émerveillés. Le livret de règles est en effet assez peu intuitif pour les parents non-joueurs, surtout pour un jeu de cette envergure. À la lecture, on a l’impression que le jeu est bien plus complexe qu’il ne l’est réellement, ce qui est vraiment dommage. Mais ne vous inquiétez pas : vous saurez jouer à la fin de votre lecture de cet article.

Un jeu complexe ?

Complexe, non. Mais autant vous prévenir, la première partie de Fluffy Valley risque de vous sembler un peu déroutante, car il s’agit d’un jeu véritablement ambitieux qui vous emmène – mine de rien – dans le savoureux univers de la pose d’ouvriers et de la gestion de ressources. Il n’a rien de « difficile » (nous y avons fait jouer des enfants de 5 ans et ils s’en sortent sans grand mal), mais il déconcerte lors des premières parties, car il offre beaucoup de choix aux joueurs, et il est facile de se sentir perdu devant ce champ des possibles. Et c’est sur ce point que le livret de règles du jeu pêche un peu, car il se contente de lister les possibilités sans vous aiguiller un peu vers les stratégies les plus pertinentes. Bref : il n’en fait pas assez pour vous mettre le pied à l’étrier. Mais encore une fois, ne vous inquiétez pas, c’est ce que nous allons faire ici même, ensemble.  

Salut, moi c’est Soffy !

Bienvenue dans la prairie !

Le plateau de jeu représente donc la prairie, composée de plusieurs emplacements distincts, chacun ayant sa propre fonction dans le jeu. Chaque emplacement est représenté par un trou dans lequel le chien de prairie pourra plonger la tête la première (banzaï !!!) pour indiquer qu’il déclenche l’action correspondante. Le fait qu’il soit tête en bas permettra également de se souvenir que le pion a été activé pour le tour, ce qui est vraiment bien vu.

Le plateau des ressources récoltées

Outre le plateau principal, le jeu comporte également un petit plateau accolé dans lequel seront stockées les ressources récoltées, et un troisième mini plateau qui servira de compte-tour et de pile d’événements. La mise en place est un peu longuette au début, mais elle devient très intuitive dès lors que l’on chope la logique des emplacements.

Ce qu’il faut avoir en tête, finalement, c’est que chaque trou du plateau va déclencher une action qui se passe souvent hors-plateau, et que le matériel va donc permettre de les résoudre.

Le plateau de fin de tour, avec les dangers !

Notez également que la mise en place vous invite à choisir un niveau de difficulté pour votre partie, vous permettant de démarrer votre récolte avec un stock de départ plus ou moins conséquent. Le but du jeu est de collecter des baies, de la paille et du miel avant l‘arrivée de l’hiver, au 9e tour de jeu.

Des sacs, des jetons, des cartes !

Le tour de jeu est lancé !

À votre tour de jeu, donc, vous devrez activer l’un des quatre chiens de prairie en le plongeant – tête la première ! – dans l’un des trous inoccupés du plateau. Chaque personnage ainsi joué devient alors indisponible pour le reste du tour, et bloque également l’emplacement correspondant. Il faut donc réfléchir aux actions que l’on veut mener, mais aussi à l’ordre idéal pour les réaliser. 

Voici les emplacements disponibles :

  • Le buisson (x2)

Si vous envoyez votre bestiole farfouiller dans les buissons, piochez un jeton dans le sac « buisson ». Vous pourrez y cueillir des baies de deux types : normales ou pourries. Ne vous inquiétez pas : même les baies pourries ont leur utilité dans le jeu. Déposez votre butin au centre de la prairie, sur la table des récoltes.

“Viens, on va se cacher dans les buissons”

 

  • La Galerie

Même si ce n’est pas explicité dans la règle, nous avons choisi d’imaginer que la Galerie est en fait le terrier du renard. Comme c’est un chapardeur, on peut donc trouver tout et n’importe quoi dans sa tanière, de précieuses ressources, mais aussi des ennuis. On vous parlera un peu plus loin des Blaireaux et des Belettes que l’on pourra y croiser. Plonger dans la Galerie, c’est évidemment piocher un jeton dans le sac correspondant et prendre le risque de faire une mauvaise rencontre, mais aussi de trouver des ressources rares, comme le miel.

“Qu’est-ce que je vais trouver dans la galerie, du miel ou un piège ?”

 

  • Le Champ

Le champ permet de récolter de la paille et de placer un jeton sur la table des récoltes. La paille est une ressource dont on a besoin pour remporter la partie, mais on peut également l’utiliser avec Hector le castor, pour obtenir des améliorations.

“On se roule dans la paille ?”

 

  • Hector le Castor

Rendre visite à Hector permet de dépenser un jeton paille présent sur la table des récoltes pour piocher une carte Castor. C’est une opération très intéressante à mener en début de partie, car les cartes Castor permettent d’obtenir des bonus significatifs pour le reste de la partie. Plus tôt vous en aurez, plus vous pourrez adapter votre stratégie ! Il est donc conseillé de consacrer très rapidement de la paille à l’obtention de bonus (deux ou trois) et ensuite de vous lancer dans la récolte en exploitant au mieux les bonus obtenus. Les bonus du Castor vous permettront d’obtenir davantage de ressources ou d’esquiver plus facilement les dangers de la Prairie.

Une carte vous permet, par exemple, de piocher deux jetons au lieu d’un dans les buissons, une autre baisse le coût des marchandises chez Léon le Hérisson, une autre encore vous permet de stocker vos ressources plus facilement, etc.  

Castor McGyver

 

  • Léon le Hérisson

Léon le hérisson est un marchand avec lequel vous pouvez échanger les baies pourries collectées dans les buissons contre des ressources que vous pouvez stocker, par exemple des baies PAS pourries, de la Paille ou du Miel. Ce sera l’endroit dans lequel il sera le plus simple d’avoir du miel, en échange de trois baies pourries.

“Du miel contre 3 baies pourries, c’est une affaire !”

 

  • Esther la Vipère

Entre autres méchancetés que le jeu ne manquera pas de vous envoyer (on y reviendra) vous serez parfois confrontés à des belettes. Une belette, c’est un jeton très enquiquinant qui se place par-dessus l’un des trous du plateau, le rendant alors inaccessible. Vos chiens de prairie ne pourront donc plus y sauter pour accomplir l’action correspondante, ce qui sera parfois très handicapant. Heureusement, aller voir Esther la Vipère vous débarrassera de la belette de votre choix.

“Aie confiansssss”

 

  • Le terrier

En cours de jeu, lorsque vous récoltez une ressource, elle est placée sur la table qui se trouve sur le plateau, au milieu de la prairie. Autrement dit : la ressource n’est pas encore sécurisée et se trouve vulnérable aux convoitises de chapardeurs. Le seul moyen de stocker définitivement les ressources récoltées dans votre terrier, c’est d’envoyer un chien de prairie les y déposer, pour sécuriser les baies, paille et miel qui auront été récoltés. Mais attention : un chien de prairie ne peut faire entrer dans le terrier qu’un seul type de ressources à chaque fois, il faudra donc choisir la plus stratégique pour le tour, la plus rare ou bien celle que vous avez en plus grand nombre.

Le truc chouette, c’est qu’une petite fente sur le plateau permet d’insérer les ressources dans le plateau afin qu’elles atterrissent directement dans le plateau terrier, façon tirelire : une petite trouvaille d’édition particulièrement bien vue qui ne peut que séduire les marmots.

“je banque !”

 

  • La rivière

La rivière est une action spéciale qui permet de dupliquer une action précédemment effectuée dans le tour. Concrètement, aller dans la rivière vous permet de choisir l’une des marmottes qui sont tête en bas et de répéter l’action qu’elle avait menée, ce qui sera très intéressant pour stocker deux types de ressources dans un même tour, ou pour se débarrasser de plusieurs belettes enquiquinantes.

“Allez, on la refait !”

Si on fait le bilan, donc, les joueurs vont pouvoir : récolter des baies, tenter leur chance dans une galerie mystère, récolter de la paille, obtenir des améliorations, échanger des baies pourries contre d’autres denrées, stocker des ressources et kicker des belettes. Rien que ça !

Euh… Vous trouvez pas qu’il fait plus frais, les copains ?

Une fois que les quatre chiens de prairie auront été activés, le tour de jeu s’achève par une dernière phase, qui vous fera souvent trembler.

La première étape, plutôt bienvenue, consiste à redresser tous les chiens de prairie en jeu, afin de les rendre disponibles pour le prochain tour. Ce sera aussi l’occasion de récupérer des chiens de prairie qui se seraient retrouvés en dehors du plateau en cours de jeu.

La seconde étape consiste à piocher une carte danger. La vie n’est pas si paisible qu’on ne le pense, dans la prairie, et il n’est pas rare de tomber sur des problèmes. Il existe 4 dangers possibles :

“Miam je vais te voler tes ressources !”
  • Le blaireau (qui vous chipe une 1 baie que vous aviez pourtant stockée dans le terrier)
  • L’aigle (qui kidnappe un chien de prairie pour le prochain tour)
  • Le renard (qui rafle TOUTES les ressources encore présentes sur la table des ressources, au centre du plateau)
  • La belette, qui couvre un trou – et donc réduit les possibilités d’action.

Notez même – horreur suprême – que si une belette devait recouvrir un trou dans lequel un chien de prairie est présent, ce dernier prendrait la fuite et quitterait lui aussi le plateau pour le tour.

C’est l’automne, les gars !

La dernière étape consiste à avancer l’aiguille des saisons d’un cran, la faisant progressivement avancer de l’été vers l’hiver. Le jeu se joue en un nombre limité de tours, et il faudra bien gérer la progression du temps pour maximiser sa récolte de ressources.

La partie s’achève au 9e tour, quand l’aiguille est au plus fort de l’hiver. On fera alors le compte des ressources récupérées afin d’évaluer notre performance. Est-ce que les chiens de prairie auront de quoi faire un bon gueuleton, ou iront-ils crier faaaaaaaaamine chez leurs voisins lapins ?

Le jeton qui tombe sur le plateau : magique !

Un jeu étonnamment fluide et très étonnamment intuitif

D’accord d’accord d’accord… je vous vois venir. Après une telle déferlante de possibilités, de ressources à récolter, de galeries à fouiller et d’aigles kidnappeurs, vous avez le tournis. Vous me regardez avec un début de migraine et vous me dites : « t’es gentil coco, mais jamais mon marmot de 6 ans ne va réussi à ingurgiter tout cela ».

Eh bien, pour être tout à fait honnêtes, c’est ce que nous pensions aussi, jusqu’à notre première partie. Le livret de règles indigeste, la masse de possibilités… on se disait « bah c’est pas un 6+ ça, c’est le futur nommé catégorie Initiés à l’As d’Or 2024 ». Mais pour vous dire les choses comme elles sont, nous nous trompions lourdement.

Pourquoi ? Parce que dans les faits, le jeu est finalement très fluide, et surtout : toutes les actions s’enchainent de manière logique.

On commence par récolter des baies dans les buissons pour faire le tri entre les baies mûres et les baies pourries, on récolte ensuite de la paille pour obtenir des améliorations du Castor. Les bonus ainsi obtenus permettront ensuite de définir le gameplay que l’on pourra tenter pour le reste de la partie. Certains bonus vous offrent des jetons supplémentaires lorsque vous piochez des baies dans les buissons, de la paille ou des jetons dans la galerie, ce qui vous permettra de privilégier naturellement ces emplacements pour développer plus rapidement votre collecte de ressources.

les améliorations du Castor

Ensuite vient la question des ressources, justement. Quand on les pioche, elles ne sont pas encore sécurisées et demeurent au centre du plateau. Sachant que l’on ne peut sécuriser qu’un seul type de ressource par tour (deux si on active la rivière), il faudra privilégier celle qui est la plus importante au vu de nos stocks actuels. Il est toujours rageant de se faire dérober des ressources par le renard, donc à nous d’évaluer quelles sont celles qui seront les plus simples à récupérer si on devait hélas les perdre.

La table des ressources

Après quelques tours de jeu, on peut se focaliser sur les ressources qui nous manquent encore. Soit on tente les baies pourries pour obtenir du miel chez le marchand, soit on joue la chance dans la Galerie du Renard. Arrive un point où il ne sera plus pertinent d’obtenir des améliorations et où il faudra se concentrer sur l’utilisation de celles obtenues pour finaliser sa récolte. Comme il y a plusieurs moyens d’obtenir les mêmes ressources, à vous de choisir votre voie la plus évidente. Vous avez un bonus sur les baies ? Piochez des baies, et échangez les pourries avec le hérisson ! Vous avez un bonus sur la vipère ? N’hésitez pas à piocher dans la galerie du renard, car les belettes ne seront plus vraiment un problème pour gérer vos déplacements…

on pioche dans les sacs !

L’important est de réaliser que le tour de jeu est finalement très court (4 actions, matérialisées par des bestioles super mimi), et des emplacements clairement identifiés qui rendent l’ensemble évident au bout de quelques tours de jeu. Les enfants apprennent et comprennent rapidement, car tout est logique et plein de sens. Oui, si on laisse des choses trainer sur la table, un renard peut nous les piquer, oui, si on se concentre sur l’éradication de belettes qui ne gênent personne, on va manquer de main-d’œuvre pour la cueillette.

La matérialisation du plateau et des ouvriers disponibles et indisponibles est un pur modèle du genre, de ceux qui incitent à se gratter la tête en disant à voix haute « ah oui, mais si je ne bouge pas celui-là en premier, le trou va rester bouché et je ne pourrai pas faire l’action après ». Des beaux moments de fierté pour les parents que nous sommes.

Des sensations de jeu très réussies

Fluffy Valley impressionne sur le fond comme sur la forme. Sur cette dernière, on ne pourra que noter le plaisir d’activer ses chiens de prairie en les déplaçant de zone en zone, tête la première. C’est clairement la partie la plus « enfantine » du jeu, de même que celle de stocker les ressources par la fente du plateau ou de piocher des jetons dans les sacs.

Mais ne nous y trompons pas :  il s’agit ici d’un véritable jeu de gestion de ressources, particulièrement ambitieux, et la première partie est en effet déroutante. Beaucoup de possibilités de jeu, 4 possibilités d’action maximum à chaque tour, il ne sera pas rare de se sentir un peu perdu devant les choses à faire. Cueillir des baies ? Voir le Castor ? Gérer une belette ? Mais dans les faits il suffit d’une partie avec un adulte à la barre pour que le jeu prenne tout son sens et devienne finalement très intuitif, même à 6 ans.

Il faudra d’ailleurs encourager les marmots à expérimenter, à faire des erreurs, pour les inciter à aller plus loin par eux-mêmes sans essayer de prendre le contrôle de la partie à tout prix. Lors d’une partie, par exemple, l’un d’entre eux tenait absolument à aller voir le Castor en fin de partie pour échanger un jeton paille contre une carte bonus. Je l’ai évidemment laissé faire, mais je lui ai fait remarquer – une fois la partie finie – que le bonus n’avait pas eu le temps de servir, et qu’il nous manquait de la paille dans les réserves. Il a compris que la paille aurait été plus utile dans les réserves à ce moment précis de la partie. Et c’est la grande force de ce jeu : dans la mesure où il force l’enfant à faire des choix, il lui apprend aussi, en douceur, à reconnaître progressivement ceux qui sont pertinents. C’est effrayant lors des premières parties, oui, mais tellement satisfaisant ensuite, lorsque l’on constate que l’enfant parvient peu à peu à définir des priorités dans ses actions. Le plus dur, finalement, ce sera pour les parents, qui devront parfois se mordre les lèvres pour laisser les enfants s’embarquer dans une action inutile sans intervenir autrement que par une simple suggestion, histoire de transformer les petites défaites relatives en véritables victoires d’apprentissage.

On roule des mécaniques ?

Le truc intéressant avec Fluffy Valley, c’est qu’il s’inscrit très directement dans le feeling d’autres jeux LOKI, notamment Kraken Attack ou SOS Dino. L’idée ici est clairement d’emprunter des mécaniques de « jeux de grands » et de les rendre accessibles aux plus jeunes. Car Fluffy Valley, c’est quoi ? C’est un jeu de pose d’ouvriers, évidemment, puisque chaque pion posé active sa case et ses effets.

C’est un jeu de prise de risques, aussi, puisqu’il faudra trouver le bon timing pour sécuriser ses ressources en dépit de la menace d’un renard qui viendrait tout chaparder. Mais le jeu pousse même jusqu’à la construction de moteur, puisque les bonus octroyés par le Castor ne manqueront pas de modifier votre manière de poursuivre la partie et d’optimiser. Du placement, de la pioche, de la gestion… Fluffy Valley est un jeu qui amuse les enfants et les tire vers le haut en leur donnant les moyens d’analyser leurs succès comme leurs échecs, un jeu qui donne envie d’aller plus loin, vers des jeux qui permettent d’ouvrir de nouveaux horizons ludiques.

Des défauts, quand même ?

Hélas oui, et un gros. Enfin, pas un très gros, mais un bien enquiquinant quand même. Le jeu est abouti, amusant, ambitieux, okay. Alors qu’est-ce qui pourrait mal tourner, allez-vous me demander ? Eh bien, pour ce type de jeu, qui demande un investissement particulier de la part des parents et des marmots, le livret de règles n’est hélas pas à la hauteur. Ça ne tient pas à grand-chose, hein ? Une ou deux pages en plus, probablement. Mais c’est vraiment dommage que le livret de règles se borne à être aussi laconique et descriptif pour un jeu qui demande de facto un accompagnement bien plus conséquent. Il faut prendre les parents par la main, leur donner une vision d’ensemble, prendre le temps de créer un fil conducteur pour naviguer dans le jeu. Mais non, le livret de règle se borne à lister les possibilités, à décrire les emplacements, les jetons, les cartes et leurs effets. L’information est présente, oui… Mais un parent qui découvre uniquement le jeu par ce biais risque fort d’être perdu devant le nombre de possibilités ouvertes. Deux sachets de pioches, 8 emplacements de jeu avec effets différents, 8 types de jetons galerie, 8 cartes castor différentes, 4 types de dangers… Le jeu est riche, très riche, ce qui demande un fil rouge pour naviguer dans le livret de règles, une main tendue qui ferait ce que j’ai essayé de faire tout au long de cet article, dans l’esprit de « Bienvenue dans la prairie : retroussez-vous les manches, car on a du pain sur la planche, les amis ! Allez, venez avec moi, nous allons visiter la prairie tous ensemble et découvrir ses secrets. On va commencer la journée. Allez Soffy, va chercher des baies ! ». 

Autre point à signaler, pas forcément négatif, mais à prendre en compte : le jeu étant généreux, sa mise en place est plus laborieuse que pour d’autres jeux. Il y a deux petits sacs de jetons distincts, deux decks de cartes, des petits jetons paille, belette et ressources de hérissons qui gravitent autour du plateau… Bref, cela demande un petit moment. Notez également que le rangement prendra lui aussi un peu de temps, car il ne sera pas rare que des ressources provenant de diverses sources finissent dans le sac galerie, ce qui supposera – en fin de partie – de le vider complètement pour retourner chaque jeton à sa destination initiale, des jetons qui ne diffèrent parfois que par leur verso. Bref, prévoyez quelques minutes de tri en fin de partie, pour ne pas perdre de temps sur votre prochaine session !

L’avis de Plateau Marmots (Olivier)

Fluffy Valley fait partie de ces jeux « étapes » qui invitent les joueurs à découvrir de nouvelles possibilités de jeu, loin des standards auxquels ils étaient souvent habitués. À l’instar de Zombie Kids pour le legacy, de Kraken Attack pour le Tower Defense, ou du Grand Prix de Belcastel pour le bag building, Fluffy Valley est un jeu qui aborde des mécaniques nouvelles et qui le fait avec le talent d’auteurs parfaitement rompus à l’exercice. Avec son matériel foisonnant et ses tours de jeu fluides et intuitifs, il se paye même le luxe d’être finalement très accessible et très riche en sensations. Son tour de force réside de rester très enfantin sur la forme, avec des bestioles trop mignonnes à manipuler, et de ne dévoiler la richesse de sa mécanique de jeu qu’au fil des premiers tours et des premiers échecs, quand apparaissent les premiers soucis de placement : « je voudrais faire cela, mais la case est prise, j’aurais dû bouger l’autre marmotte avant », les premières problématiques de priorité « dois-je sécuriser en premier 1 miel galère à obtenir ou 4 baies ? », et les premiers réflexes stratégiques de type : « le castor m’a donné un bonus, comment en tirer le meilleur avantage ? ». Des réflexions parfois complexes et souvent inhabituelles pour des enfants de 6 ans, mais loin de leur être hors de portée, comme l’expérience l’a parfaitement démontré chez nous. Le jeu souffre uniquement d’un livret de règles un peu trop laconique et de l’absence d’une aide de jeu qui viendrait en renfort. Pour le reste, Fluffy Valley s’impose assurément comme l’un des tout meilleurs jeux LOKI, et également comme l’un des meilleurs jeux de l’année. Tout simplement.  

Un avis différent ?

Lorsque Soffy et Vincent ont découvert (ensemble, ce qui n’est PAS du tout suspect) le jeu à PEL, ils n’ont pas forcément été convaincus par le jeu, dans un post que je vous invite à lire ici. A voir si une partie complète changerait leur vision des choses : on va faire tourner le jeu entre nous et revenir vous raconter tout cela. (et juste pour l’anecdote : ici tous les marmots avec lesquels on a joué se battaient presque pour utiliser la fente tirelire, même à plus de 10 ans… comme quoi :D)

On aime

  • Un jeu complet, complexe, captivant
  • Un matériel sublime
  • Des tours de jeu intuitifs une fois que l’on a pris la mesure du plateau
  • Le petit côté casse-tête du “qui doit bouger en premier pour libérer un espace”
  • Les améliorations du Castor, qui induisent la stratégie à suivre
  • De l’optimisation à gogo avec des améliorations à faire comboter
  • La prise de risques du “on laisse quoi sur la table ?”
  • Les ennemis, pénibles sans être trop punitifs
  • La difficulté, réelle et essentielle pour un coop’
  • Les Chiens de Prairie, c’est rare dans un jeu ! 

On aime moins

  • Un livret de règles qui survole son sujet
  • Une phase d’apprentissage nécessaire qui découragera les plus impatients
  • La mise en place un peu longue
  • La nécessité de trier les jetons en fin de partie

Le trouver

Quatre petits-fous dans la prairie

Pour illustrer un tour de jeu typique, voici quatre ravissants chiens de prairie : Carine, Soffy, Olivier et Vincent, au début de l’été.

Olivier : Bon les amis, faut qu’on se remue la couenne, sinon y’aura rien à bequeter pour noël !

Carine : Okay, mais rappelle-moi qui t’a nommé Chef, déjà ?

Vincent : C’est vrai ça. Pourquoi ce serait pas Carine le Chef ?

Olivier : Ok, Carine est le Chef, on fait quoi, Carine le Chef ?

Carine : Ah mais j’ai pas dit que je voulais être Chef, hein ! Y’aka dire que c’est Soffy !

Soffy : Qu…quiquoi ? Non, je dormais pas, Chef.

Olivier : Bon, faites ce que vous voulez, moi je vais dans les buissons, chercher des baies. Ah regardez, en voilà une, je la mets sur la table…

Carine : Ok ok, moi je vais chercher de la Paille, ça fera un lit sympa. Hop, la voici sur la table.

Vincent : On donnerait pas ta paille au Castor ? Il parait qu’il fait des trucs de ouf, avec.

Carine : T’es pas fou ? Donner MA Paille ?! Mais c’est mon lit !!

Vincent : Allez, on en chopera d’autre. De toute manière tu ne vas pas pouvoir rentrer la Baie ET la Paille. Donc autant qu’elle serve !

Carine : Je.. je… Bon d’accord.

Vincent : Regardez, le Castor m’a refilé un truc cool ! Un bon de réduc pour le stand du hérisson ! Tout coûtera moins cher, et les baies sont gratuites !

Carine : Purée, il nous faut des baies pourries, alors ! Soffy !!!

Soffy : Qu… Que.. Quoi ? Je dormais pas, promis, mais vous me saoulez à me réveiller.

Carine : Va chercher des baies avec Olivier. On a besoin de baies pourries !

Soffy : Et la Baie sur la table ? On la laisse trainer ? Si le renard se pointe il va la bouffer…

Olivier : En même temps y’en a qu’une, hein !

Carine : Oui mais Soffy a raison, il faut sécuriser la récolte.

Olivier : Mais on s’en fiche d’une seule baie, il nous faut des baies pourries !

Carine : Je te dis qu’il faut sé-cu-ri-ser

Olivier : …Soffy, fais comme tu veux.  

Soffy : Allez, vous battez pas, j’irai chercher des baies tout à l’heure. Pour le moment, on range la baie dans le garde-manger, zou !

Un petit vent frais se lève. Les chiens de prairie se sentent à nouveau plein d’énergie et prêts à effectuer un nouveau tour de jeu. Mais une ombre survole la prairie… c’est un aigle ! Il attrape Olivier et l’emporte dans sa tanière.

Carine : Ah, Olivier s’est fait choper. On va faire sans lui un moment.

Soffy : D’façon j’l’aimais pas trop.

Carine : Bon, on y retourne les copains. Je prends les choses en main. Vincent, tu veux faire quoi ? Ce serait bien de trouver des baies pourries. J’dis ça j’dis rien. 

Vincent : Donc c’est bien toi le Chef, du coup.

Carine : Ca a toujours été moi. Toujours. Bon venez les marmottes de prairie, on va se trouver à grailler. 

(et ça continue…)  

 

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