Test – Mon Royaume pour un Conte

Oyez, oyez ! Écoutez la belle histoire que nous allons vous conter céans ! Ou que vous allez raconter vous-mêmes, d’ailleurs, parce qu’on a beau être des bardes, on a quand même droit à une pause syndicale. Dans Mon Royaume pour un Conte, vous posez le pied dans une aventure à part, un jeu qui va vous permettre de bâtir votre propre royaume en draftant des cartes et en affrontant des périls… Je vous sens intrigués, messires, alors prenez place et retenez votre souffle : nous allons sans plus attendre vous narrer la fondation du plus beau des royaumes. Le vôtre…

Mon Royaume pour un Conte est un jeu de Lionel Borg et Jérémie Caplanne, illustré par Guillaume Tavernier et David Cochard. Le jeu est édité par Sweet Games et s’adresse à 2 à 4 conteurs à partir de 7 ans.

C’est une bonne situation ça, barde ?

Il était une fois, une histoire qui allait s’écrire sous nos yeux. Mieux encore, c’est nous qui allons la développer. À l’assemblée des bardes, là où naissent les véritables légendes, nous savons tout des royaumes en devenir. Après tout, n’est-ce pas nous qui faisons les histoires ? Alors chers confrères, il est grand temps de peupler notre royaume.

Que va-t-on y trouver ? Oh, du classique. Il y a des héros, des lieux, des monstres et un château. Oui oui, il y a tout ce qu’il faut. Et plus que tout, il y a des tuiles. Des tuiles fort épaisses et très agréables à manipuler. Des tuiles qui représentent tout ce joli monde, ainsi que des bardes, évidemment. La moindre des choses, c’est que nous faisions partie de nos propres créations.

Ah ! Votre œil averti ne vous trompe pas, il y a d’autres choses que les tuiles dans la boîte. Mais faisons comme si ce n’était pas le cas pour le moment. Oui oui, au lieu de nous extasier sur le matériel, entrons sans plus attendre au cœur de notre histoire. En effet, vos premières parties de Mon Royaume pour un Conte n’utiliseront que les tuiles et oublieront volontairement les cartes, les jetons et les feuilles de score. Juste les tuiles, déjà, et vous verrez que vous allez en faire une belle histoire.

Ouvrons la boîte !

Ces fameuses tuiles sont réparties en couleurs et en niveaux. Il y a, par exemple, 5 tuiles de chaque couleur au niveau 1. Il s’agit des personnages qui vont habiter votre royaume. Les héros de votre conte, sans doute. Le niveau 2, c’est celui des terrains de votre royaume. Il y en a quatre. Au niveau 3, il y a des ateliers et autres bâtisses, et le niveau 4 est bien évidemment celui du château, sans lequel un conte ne serait pas un conte. Pour créer un royaume, il vous faudra donc 4 héros, 3 lieux, 2 bâtiments et 1 château. Essayez de rassembler ces éléments et vous aurez un sacré royaume, foi de barde. Mais patience, vous n’y êtes pas encore.

Draftons un royaume !

Pour jouer, toutes les tuiles sont mélangées et chaque joueur en pioche 7. Une fois que les joueurs ont leurs 7 tuiles en main, ils en choisissent une et passent les autres au joueur suivant. La tuile choisie est posée face visible devant soi afin que chacun puisse savoir ce que vous êtes en train de manigancer. Sur les 6 tuiles restantes, chacun en prend une et la place devant lui en passant le reste à son voisin, et ainsi de suite jusqu’à ce que chaque joueur n’en ait plus qu’une en main, qui est alors défaussée. On pioche alors une nouvelle main de 7 tuiles, et c’est reparti pour un nouveau tour de draft, en commençant par son autre voisin et en tournant dans l’autre sens, cette fois-ci. Comme pour la première phase, la dernière tuile en main est défaussée. Et vous voilà donc à la tête de 12 tuiles de toutes les couleurs, réparties en quatre niveaux. Bien. Il est grand temps de bâtir votre royaume.

Bâtissons un conte !

Pour commencer notre royaume, il nous faut des tuiles de niveau 1, c’est-à-dire des personnages. 4 si possible, pour que l’intrigue soit palpitante. Elles seront alignées en une rangée. Vous n’en avez pas quatre ? Peu importe : retournez une autre tuile sur sa face barde : elle vous dépannera volontiers. Les bardes sont très forts pour remplir les blancs, vous verrez. Un personnage absent, un lieu impossible à placer ? Zou, envoyez le barde, il saura quoi faire, tranquille.

Une fois que vos personnages sont en place, il est temps d’installer les lieux… avec 3 tuiles de niveau 2. Mais attention, messires ! Ce n’est pas si simple ! Pour placer un lieu, il faut qu’il soit de la même couleur que l’un des personnages situés juste en dessous. Bah oui, pour installer une forêt, il faut déjà avoir placé un bûcheron. Et pour avoir une scierie, il faut avoir une forêt. Vous n’aviez pas pensé à en drafter une ? Quel dommage ! Et pourtant c’est la règle : les tuiles que vous posez en pyramide doivent être de la même couleur que l’une des deux tuiles en dessous. Eh oui, sinon l’histoire n’aurait ni queue ni tête, vous en conviendrez ! Mais là encore, les bardes peuvent venir à votre secours. Vous ne pouvez pas placer une tuile ? Alors, retournez-la et remplacez-la par un barde. Ils savent tout faire, ces gars-là.

Vous poursuivrez ensuite votre narration avec deux tuiles de niveau 3, c’est-à-dire les bâtiments, et vous achèverez votre glorieux royaume avec une tuile de niveau 4 : votre magnifique château.

Votre Royaume est-il le plus beau ? Assurément ! Mais encore faut-il compter les points !

Les bons contes…

La valeur de votre Royaume correspond au nombre de points représentés sur les tuiles. Pas de surprise : chaque tuile de niveau 1 vaut 1 point, chaque tuile de niveau 2, 2 points etc. Les bardes, bien que fort sympathiques, ne rapportent rien. Ils sont bien gentils de dépanner, mais pour le prestige, vous repasserez. Et en plus, vous en serez quittes pour leur payer un repas chaud, à ce qu’on raconte.

Ah, et puisque l’on parle de prestige, vous avez sans doute vu quelques tuiles avec des monstres, et un château maléfique. Ce dernier peut tout à fait orner votre Royaume et se placer sur n’importe quelle autre couleur. Pratique, n’est-ce pas ? Oui, mais voilà, il suppose que vous aurez au moins un monstre parmi vos tuiles de niveau 1. Parce qu’un château maléfique sans monstre, c’est pas un château.

Le vainqueur de cette première partie est le conteur qui aura su créer le royaume qui lui rapporte le plus de points. C’est tout simple, n’est-ce pas ? Simple, mais génial. Tellement génial que l’on s’amuse à enchaîner les parties en faisant découvrir les subtilités du draft aux marmots de 6 ou 7 ans. Comme vous vous en doutez, il s’agit là d’une mini règle d’initiation, à peine 3 pages, mais déjà les enfants en redemandent. Car c’est aussi élégant que malin, et surtout très prenant. À la première partie, on ne sait absolument pas ce que l’on fait. On comprend le jeu au moment de bâtir sa pyramide, quand on réalise que l’on a bêtement laissé filer un « 2 » rouge qui nous aurait sauvé la mise. Alors on fait bien plus attention, et on se surprend à regarder un peu ce que prennent les autres. Pour essayer de leur prendre cette tuile dont ils auraient tellement besoin, par exemple.

Une histoire ?

Comme les marmots sont des marmots, ils ne vont pas s’arrêter au décompte de points. Ils vont créer une histoire avec les personnages, les monstres et les lieux qu’ils ont sous les yeux. Et cela va vous embarquer vers de la narration pure, totalement déconnectée du jeu, mais tellement grisante.

Et le jeu pourrait s’arrêter là, et on aurait déjà crié au génie tant c’est simple, accessible et évident. Un draft de conte, comment rêver d’un jeu plus universel pour faire jouer nos marmots ?

Mais le jeu, mes amis, ne fait que commencer.

« Quand il chanta pour les funérailles du Roi Loth mort dans son lit »

Une fois que vous aurez fait quelques parties de cette première approche des règles, sobrement intitulée « je bâtis mon royaume », vous allez avoir envie de pousser l’expérience plus loin. Et cette fois-ci, vous allez ajouter au jeu de nouveaux éléments : les cartes conte et les tuiles barde.

Les cartes conte, ce sont de charmantes petites histoires qui vont scénariser votre draft à venir. Chaque joueur en reçoit trois, distribuées au hasard. Concrètement, ces contes sont des objectifs à accomplir lors de la phase de construction du royaume, en vous permettant de marquer des points si vous parvenez à les réaliser.

Ces contes (très sympathiques à lire, au demeurant) vous indiquent en effet l’emplacement de 5 ou 6 tuiles précises qu’il faudra placer à l’endroit indiqué en construisant votre royaume.

Prenons par exemple le début du conte « La pierre et le feu ».

Étrange destinée que celle de ces deux frères.
Ils avaient été adoptés par un vieux forgeron.
Qui leur apprit son métier d’artisan du métal.

Eh bien cela signifie tout bêtement que vous devez essayer de placer deux forgerons (c’est-à-dire les personnages bleus) sur votre première ligne de pyramide.

Donc évidemment, au moment du draft, il vous faudra vous battre comme un lion pour obtenir les tuiles vous permettant de réaliser vos objectifs. Mais sans trop le montrer. C’est d’ailleurs pour cela que vous démarrez la partie avec 3 cartes contes, pour qu’on ne sache pas trop vers quoi vous vous dirigez. Après chaque phase de draft vous devrez vous défausser d’une carte conte jusqu’à ce qu’il ne vous en reste plus qu’une sous la main : celle que vous devrez réaliser au plus près.

Évidemment, toutes les règles précédentes pour construire le royaume s’appliquent, et il sera parfois préférable de ne pas s’acharner sur un objectif inatteignable, car il serait fort dommage que vous ne puissiez l’achever qu’avec des bardes.

Une fois le royaume achevé, il vous rapporte le même nombre de points que sa valeur totale, mais vous y ajoutez des jetons bardes pour chaque objectif accompli, ainsi qu’un jeton barde pour chaque monstre placé au niveau 1 du royaume, car ces derniers sont plus rares (il n’y en a qu’un par couleur). Chaque jeton barde vous rapporte deux points supplémentaires, et vous permet donc de scorer une grosse dizaine de points supplémentaires, ce qui peut totalement inverser le cours des parties. Des choix devront être opérés au moment du draft : privilégier les objectifs ou la cohérence du royaume, ce qui ne sera jamais évident.

La règle, malicieuse, précise même que les adultes qui jouent contre des enfants PERDENT un jeton barde pour chaque élément du conte absent de leur royaume. C’est un petit équilibrage fort cruel, mais particulièrement motivant pour les parents.

« Un dernier et j’prends mon repas chaud »

Les sensations de jeu, une fois que l’on intègre ces règles, deviennent tout simplement incroyables. Car si les règles d’initiation tournent vite en rond une fois que le principe du draft est acté, ici le jeu prend une toute autre dimension. Le draft n’est plus une fin en soi, il devient une mécanique qui permet de gérer des objectifs de réalisation. C’est très, très fun à jouer, et cela passionnera l’ensemble des marmots stratèges de 8 ou 9 ans, soudain captivés par la possibilité de réaliser un conte… ou de fracasser celui de leurs parents en les privant de tuiles qui leur seraient essentielles. C’est machiavélique tout en restant fluide, et quel bonheur quand on parvient (par miracle) à réaliser complètement un objectif de victoire.

Et nous n’en sommes, pourtant, qu’à la moitié des possibilités offertes par le jeu.

C’est la luth finale !

Les règles complètes de Mon Royaume pour un Conte sont en effet à réserver aux plus grands des marmots, à partir de 10 ans, et seulement après avoir maîtrisé les deux règles précédentes.

Nous n’allons pas rentrer dans les détails ici, mais l’idée générale est de déployer là encore de nouveaux éléments de jeu. Les cartes péripéties viennent perturber la phase de draft en installant des modificateurs de scores et des nouvelles contraintes. Il peut s’agir de cartes offrant un bonus au joueur qui a la majorité de tuiles d’un certain type, de bonus en cas de jeu d’une carte monstre, etc.

Le jeu se termine avec le spectacle du barde, qui vous permet d’activer les points supplémentaires que vous aviez gagnés auparavant ou non. C’est perfide, mais grisant. Comme on l’a vu  dans le mode précédent : à chaque fois que vous accomplissez des objectifs, vous piochez des tuiles bardes. Mais ces tuiles ont des versos de couleurs différentes ! Et les points qu’elles POURRAIENT vous rapporter ne pourront, dans ce mode de jeu, être activés que si vous présentez une carte de la même couleur au cours du spectacle.

Ajoutez à cela le fait que les contes peuvent également vous apporter des bonus si vous les accomplissez, et vous comprendrez alors la présence d’un bloc de marque pour ne rien rater de votre score. Attention, même avec toutes les règles activées, le jeu n’a rien de complexe, loin s’en faut. Mais pour des marmots, les paramètres sont tout de même un peu trop nombreux pour que les parties soient fluides.

Un jeu vraiment étonnant !

Il y a énormément de choses qui sont marquantes, dans Mon royaume pour un Conte. Plein de petits détails, qui donnent la sensation d’un jeu soigneusement testé, équilibré, très soigné. Les contes sont plaisamment rédigés, les illustrations sont réussies… et l’immersion est excellente, pour un jeu de draft et de collection à la découverte progressive. Mais le plus étonnant est la fusion assez impressionnante de la mécanique et du thème. Certes on pourrait remplacer personnages et lieux par de simples couleurs, mais le soin porté à la rédaction des contes, des périls, des bonus de contes, donne clairement vie à un jeu aussi fluide qu’exceptionnel. Les plus gros joueurs pourront déplorer que l’interaction entre joueurs est limitée, il n’en demeure pas moins que chacun de vos choix de draft impactera directement vos adversaires, et qu’une petite péripétie aura vite fait de vous envoyer un monstre malus dans la tronche. On pourra aussi chichiter sur le manque de rangement dans la boîte et sur le côté « en vrac » un peu 1980’s. C’est clairement pour avoir le plaisir de râler, et pour chercher vainement des failles à ce jeu formidable.

L’avis de Plateau Marmots

Vous l’aurez compris, Mon Royaume pour un Conte est un grand jeu, que l’on peut sortir dès 5-6 ans et enrichir au fil des ans avec des mécaniques de plus en plus complexes. Si lors des premières parties la mécanique de draft occupe l’ensemble du gameplay, elle s’efface ensuite peu à peu pour devenir une salade de points sauce fantasy, avec un mélange de draft, de course à l’objectif et de collection. Un joli combo, particulièrement remarquable pour son évolution en pente douce. Quel plaisir d’intégrer peu à peu de nouveaux éléments de jeu et de voir les marmots se les accaparer pour décupler l’intérêt du jeu. Mais on apprécie aussi le mode le plus simple, celui dans lequel les enfants utiliseront le draft pour inventer leurs propres histoires et développer leur royaume. Mon Royaume pour un Conte est clairement l’un des meilleurs jeux de l’année, aussi original que prenant, un coup de cœur immédiat pour un jeu à la fois original et redoutablement fun. On n’oublie pas non plus la qualité d’écriture des contes, la beauté des illustrations et la qualité du matériel, autant de petits détails qui renforcent l’impression de soin porté à la réalisation. Mon Royaume pour un Conte est donc un jeu pleinement abouti qui respecte les petits joueurs et développe leur imaginaire en même temps que leur roublardise. Une grande réussite.

On aime

  • Original et malin
  • Très progressif
  • Deux livrets de règles
  • Draft, collection et majorité
  • Franchement joli
  • Matériel au top
  • Le souci du détail
  • Le thème biene xploité
  • La richesse des contes
  • Une salade de points fantasy

On aime moins

  • Un peu de rangement aurait été pratique

Votre marmot risque d’aimer si…

  • Il aime des mécaniques originales et narratives dans un univers fantasy

Le trouver

Fiche technique

Un jeu de Lionel Borg et Jérémie Caplanne
Illustré par Guillaume Tavernier et David Cochard
Edité par Sweet Games / Sweet November
Pour 2 à 4 joueurs
A partir de 7 ans

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