Test – Renbo
Vous avez remarqué ? En ce moment les petits jeux de cartes ont le vent en poupe ! Il n’y a pas si longtemps, nous vous parlions avec enthousiasme de Skyjo et de Papageno, catégorie : « je pose cette carte et je prends celle-ci ». C’est donc dans ce contexte que nous avons reçu Renbo, un jeu de cartes haut en couleur (aha), qui nous a été envoyé par un éditeur que nous ne connaissions pas encore : i-jou.
Tout le monde est prêt pour une course sur la rainbow-road ? Alors c’est parti !
Renbo est un jeu d’Adam Niman pour 2 à 5 joueurs, à partir de 5 ans (mais en vrai, non).
Un jeu de Karts ?
C’est vrai, quand on y pense, les jeux de cartes sont vraiment à la mode depuis l’an dernier, tendance que l’on remarque depuis que The Mind a remporté l’As d’Or du meilleur jeu de l’année. Pas besoin d’aller chercher des exemples très loin, des titres comme The Crew, 50 missions, et bien évidemment Skyjo sont régulièrement en tête des ventes, signe que l’envie de taper le carton n’est jamais très loin. Ça tombe bien : marmots et cartes font souvent bon ménage… du moins quand ils ont appris à les tenir correctement.
Dans Renbo, le but du jeu est d’être le premier joueur à réunir les 7 couleurs de l’arc-en-ciel deux fois de suite, et dans l’ordre s’il vous plaît !
De fait, le jeu se compose de cartes colorées, très lisibles à défaut d’être jolies. Il s’agit de cartes numérotées de 1 à 7 avec des grands à-plats de couleurs, et pour un jeu sur les arcs en ciels ça ne met pas vraiment des paillettes dans les yeux. On ne peut pas non plus dire que ce soit vilain, mais c’est juste vraiment très très très (trop ?) simple.
Le jeu se compose donc de cartes colorées et de plusieurs cartes arc-en-ciel, qui représentent les points de victoire. Là encore ce n’est pas foufou graphiquement, mais on va dire que je m’acharne alors j’enchaîne.
La règle est très simple et bien rédigée : vous saurez jouer à la première lecture, chouette. On regrettera simplement que les termes n’aient pas été un peu retravaillés pour évoquer le thème du jeu (les cartes centrales sont baptisées « flop », alors qu’il aurait été plus thématique de les renommer en « rivière », par exemple). Ce n’est qu’un détail, je sais.
Somewhere over the Renbo
Dans Renbo, vous devez donc être le premier joueur à effectuer une série de 7 cartes, classées par ordre croissant de 1 à 7.
Lorsque vous mettez le jeu en place, vous disposez 4 cartes au centre du jeu, face visible, pour former le « flop ». Vous distribuez ensuite 4 cartes à chaque joueur, qu’il conserve face cachée, et vous laissez le reste des cartes à portée de main, en « pioche ». Il suffit de réserver un espace pour la défausse, et vous êtes bons pour partir à la chasse aux couleurs.
Renbo warrior
À votre tour de jeu, vous avez le choix des armes. Et de manière fort intéressante, vous l’avez davantage que dans la plupart des jeux du même type, ce qui est particulièrement agréable à jouer.
En effet, vous pouvez :
- Poser une (ou plusieurs) carte(s) sur votre arc-en-ciel (la règle dit « empiler sur le stack »)
- Échanger des cartes de votre main contre des cartes du flop
- Prendre une carte au sommet de l’arc-en-ciel d’un autre joueur pour la placer sur le vôtre
Et il ne s’agit pas d’un choix : vous pouvez faire toutes ces actions, dans n’importe quel ordre. Vous pouvez échanger des cartes, empiler, rééchanger, bref, faire votre tambouille tranquillou. Une fois qu’elles ont été effectuées, vous pouvez alors défausser tout ou partie de votre main restante, et la reconstituer en piochant.
L’action de piocher met immédiatement fin à votre tour et l’on passe alors au joueur suivant.
Revoyons cette scène au ralenti
Alors on se calme deux minutes et on met les choses en perspective pour bien comprendre toute la malice, mais aussi toute la difficulté de Renbo. Vous lancez votre tour avec quatre cartes en main, que vous devez en fait exploiter du mieux possible pour construire votre arc-en-ciel, bloquer vos adversaires ou tenter d’avoir une main utile pour la suite de la partie. Mine de rien, cela fait pas mal de possibilités, à part le vol de cartes à un adversaire, limité à un par tour (heureusement !).
Admettons que vous ayez les cartes 1, 5, 4, 7 en main. Et que le flop propose les cartes 2, 5, 1, 6.
Vous pouvez donc :
- poser un 1 de votre main sur votre arc-en-ciel
- puis échanger un 7 contre un 2 présent dans le flop
- poser le 2 sur votre arc-en-ciel,
- aviser qu’un adversaire a un 3 sur son arc-en-ciel, donc lui prendre et le poser sur le vôtre
- poser un 4 de votre main
Il ne vous reste qu’un 5 en main. Vous pouvez alors le jouer sur votre arc-en-ciel (qui est actuellement à 4), mais il serait peut être encore plus malin d’échanger votre 5 contre le 1 du Flop, ce qui empêchera un adversaire d’obtenir un précieux « 1 » de cette manière. Il ne vous restera plus qu’à défausser le 1 (qui ne vous sert à rien) et de repiocher 4 cartes. À vous de voir 😊
Renbo 2
Puisqu’enquiquiner les adversaires fait partie du sel du jeu, précisons un point de règle supplémentaire : si les quatre cartes du flop sont identiques à n’importe quel moment de la partie, elles sont alors défaussées toutes les quatre, et le tour de jeu change de sens. Bref, si vous sentez que votre voisin de droite a toutes les armes en main pour boucler la partie, il serait particulièrement avisé d’essayer de faire repartir le jeu dans l’autre sens en obtenant 4 cartes identiques. Pas toujours facile à réaliser, mais jouissif quand on y parvient. Tenter de repérer les cartes dont vos adversaires risquent d’avoir besoin et les en priver sauvagement est clairement l’un des moments les plus fun du jeu.
Deux arcs à ma corde
Rapide à jouer, Renbo vous permet de faire des crasses directes à vos adversaires et d’enchaîner les parties, ce qui est toujours réjouissant. Dès que vous parvenez à empiler la 7e carte de votre arc-en-ciel, vous récupérez une carte Renbo. Une deuxième carte est synonyme de victoire. Il s’agit donc d’une course à l’accomplissement, et les parties sont toujours nerveuses et disputées. On s’approche de la victoire, on se fait piller son arc-en-ciel, on repart… Il y a une tension proche des jeux de tir à la corde, quand la victoire semble osciller sans cesse d’un joueur à l’autre. Le jeu est réussi, plus malin qu’on ne le pense lors de la première partie, et la gestion de sa main impose des choix stratégiques toujours très intéressants en milieu de partie. De ce point le vue, Renbo est une jolie réussite.
Une réussite intelligente qui plus est, car le jeu s’apparente parfois à une gestion de ressources assez sympatoche. Je m’explique : on commence chaque tour avec 4 cartes en main, utilisables pour leur valeur immédiate ou transformables en autre chose, ce qui est toujours intéressant. Et votre tour dure tant que vous n’avez pas fini d’exploiter ces 4 cartes initiales (plus celle que vous allez voler à un autre joueur. L’effet twist est d’ailleurs là pour permettre de renouveler les cartes dispo en cours de tour, ce qui est très pratique. Bref, pas mal de possibilités sur un jeu tout simple, ce qui est vraiment appréciable.
Oui, mais. Et avec les marmots ?
Avec les marmots, vous l’avez compris, c’est plus compliqué. Pour plusieurs raisons, d’ailleurs.
Le jeu dit être accessible à partir de 5 ans. Oubliez d’emblée cette idée : la grande majorité des marmots de 5 ans sera totalement perdue dans ce jeu qui leur propose de nombreux choix tactiques. Certains marmots de cet âge sont encore à la bataille et découvrent tout juste le Uno, alors leur balancer des cartes empilées, un flop et des effets de cartes identiques, comment vous dire, c’est juste no way.
Ensuite, reconnaissons-le, l’extrême simplicité graphique du jeu n’est pas super incitative pour les enfants, habitués à un minimum d’habillage pour plonger dans un univers. Ici l’univers n’est absolument pas exploité ni même effleuré, on ne pourrait même pas dire que le thème est plaqué tant il ne colle pas au support. Il est posé à côté du jeu sans jamais le croiser, ce qui est vraiment dommage, car les possibilités de faire rentrer les enfants dans cet univers seraient juste énormes si l’éditeur revoyait un peu sa copie. Pas de stack mais un chaudron d’or, pas de flop mais une rivière magique, pas de twist mais un tourbillon… quelques jetons translucides pour symboliser les points de victoire et zou, vous embarquez les enfants avec vous. Mettez des cartes un tout petit peu jolies -pas besoin de licornes, mais au moins un semblant d’habillage à la Skyjo-, et vous avez tout doucement invité votre thème à rencontrer votre mécanique. Là, les cartes ont beau être de bonne qualité, leur rendu visuel est tellement simple que les enfants ne s’y connectent pas. Dommage…
Enfin, et surtout, la règle permettant de voler la carte supérieure empilée des arcs-en-ciel adverses est souvent très très mal vécue, surtout lors des premières parties. Jusqu’à 7 ou 8 ans, les enfants comprennent très mal qu’on les dépossède d’éléments qu’ils ont galéré à obtenir. Donc si vous obtenez votre victoire en alignant 3 4 5 6 7 en un round avec un 6 pris à un enfant, vous allez en entendre parler un moment. Cela va le dégoûter du jeu, tout simplement.
Pour toutes ces raisons, Renbo se joue à 8 ans, allez, 7 ans si votre enfant est un grand habitué des jeux de cartes et s’il se moque totalement de se faire dépouiller par ses parents alors qu’il était en route vers la victoire.
Il faudrait sans doute assouplir cette règle d’une manière ou d’une autre pour la rendre viable avec des marmots. Il pourrait par exemple s’agir d’un pouvoir spécial, utilisable une ou deux fois par partie ? Cela leur permettrait de jouer sans stress et de se concentrer sur le combo main + flop, pas si simple à gérer, finalement.
L’avis de Plateau Marmots
En dépit de sa simplicité graphique que l’on qualifiera pudiquement d’épure absolue, Renbo parvient à en mettre plein les mirettes grâce à une mécanique particulièrement astucieuse qui permet des parties aussi serrées que sournoises. C’est un jeu de cartes rythmé, nerveux parfois délicieusement frustrant, qui permet d’enchainer de nombreuses parties de fun et de crasses. En revanche, oubliez immédiatement l’idée d’y jouer avec des enfants de 5 ans, le jeu se découvre à 8 ans, quand il est acquis que le vol de cartes n’est pas une infâme punition injuste et cruelle. Tant que vos enfants n’auront pas passé ce cap, jouez entre grands, car la mécanique de Renbo tend tout de même à favoriser le blocage gratuit et les ricanements sournois. Jubilatoire mais graphiquement trop pauvre, il ne lui manque qu’un habillage un peu plus catchy, une disposition plus axée sur le storytelling et des variantes « kids-friendly » pour devenir une valeur sure du jeu de cartes enfants.
On aime :
- Une mécanique très intéressante de gestion de main
- Les possibilités offertes au joueur dans l’ordre de son choix
- Voler des cartes à l’adversaire, always a success
- Blocage et fourberie
On aime moins
- Très pauvre graphiquement
- Les marmots les plus jeunes trouveront cela rude
Vous risquez d’aimer ce jeu si :
- Vous aimez faire pleurer vos enfants
- Seule la beauté intérieure compte
- Vous pensez qu’un thème n’engage que ceux qui y croient.
Le trouver
Pour le moment, Renbo n’est dispo en ligne sur le site de l’éditeur et sur Amazon
Fiche technique
Un jeu d’Adamn Niman
Illustré par Powerpoint
Pour 2 à 5 joueurs
A partir de 8 ans (même si la boîte dit 5, oubliez)
https://www.i-jou.com/