Test – Attrape Renard

Les renards font indéniablement partie du monde ludique des marmots. Chapardeurs et rusés, ils apparaissent souvent quand le jeu demande un peu de fourberie, d’adresse et d’astuce. Eh bien vous savez quoi ? C’est exactement le cas ici. Dans Attrape Renard, les joueurs doivent démasquer un renard qui a semé la panique dans le poulailler. Mais, sagement blottis dans leur tanière, les renards ont tous l’air innocent ! Confondre le coupable ne sera pas chose aisée, d’autant plus que les vils goupils se sont enfermés à clef chez eux. Fort heureusement, quatre animaux ont assisté au vol et peuvent donner des informations sur le voleur. Qui saura confondre le coupable ?

Attrape Renard est un jeu de Markus Brand et Inka Brand et édité par Matagot. Il est destiné aux marmots de 5 ans et plus, et peut se jouer de deux à quatre joueurs.

Comme un goût de déjà vu ?

Je sais ce que vous allez me dire. Je le sais parce que je me suis dit la même chose. Un renard voleur à identifier façon « Nom d’un renard », des animaux témoins qui évoquent « Qui l’a vu ? », un mélange plateau/adresse comme Farmy Up, des lancers de dés frénétiques comme ceux de « Troll & Dragon » ? Difficile de ne pas penser à d’autres jeux récents lorsqu’on lit le pitch d’Attrape Renard. Mais je vous rassure tout de suite : ces sensations s’estompent à la lecture des règles et plus encore lorsque l’on monte le jeu pour la première fois. Et autant vous le dire tout de suite : une fois que le jeu est en place, on a tout de suite envie de l’essayer.

Une tanière bien jolie…

Une fois monté, en effet, le jeu est fort agréable à l’oeil. La boîte de jeu se transforme en tanière de renard, en l’occurrence un petit immeuble à 16 fenêtres. Chaque fenêtre est fermée par une porte en bois qui abrite un renard, différent de ses voisins. Tous les renards sont placés aléatoirement, de même que les portes des tanières. Il ne faut pas, en effet, que l’on puisse déterminer ce que dissimulent les portes fermées. Ces dernières sont en effet recto-verso et dissimulent bien des secrets.

Le matériel comprend également une petite clé métallique attachée à une chaîne et deux anneaux métalliques, un (gros) jeton représentant une poule, une piste cartonnée recto/verso huit plaquettes animaux, et un dé en bois. .

Le jeu est magnifique une fois monté, et présente l’avantage rare de pouvoir être jouable dès l’ouverture, si vous mettez convenablement les éléments en place à la fin de chaque partie. Ça, c’est vraiment malin !

Le principe d’Attrape Renard

Le but du jeu consiste à identifier le renard coupable au moyen des indices fournis par les quatre animaux (cochon, chien, chat, souris). Mais encore faut-il les retrouver, car eux aussi se cachent derrière les 16 portes de la tanière. Chaque porte dissimule en effet quelque chose, un malus pour les joueurs ou bien l’un des quatre animaux.

Pour ouvrir les portes, les joueurs vont devoir manipuler une clé suspendue à une chaîne, faire entrer la clé dans la serrure et délicatement tirer la porte hors du plateau de jeu. Chaque porte est en effet percée d’une petite fente qui permet d’y insérer la clé, au moyen d’un petit jeu d’adresse.

Mais cela n’est pas si simple, loin de là. De leur côté, les autres joueurs vont tout faire pour vous mettre la pression et vous empêcher d’ouvrir la porte.

Les joueurs doivent donc essayer de sortir renards et animaux de la tanière, tout en essayant d’identifier le coupable du vol. Cela vous semble compliqué ? N’ayez crainte, cela va aller tout seul.

“Rends-toi Renard, t’es cerné par les poulets !”

Attrape-Renard est un jeu qui peut sembler complexe lors des explications tant il est varié, mais il est dans les faits très simple à jouer si on prend bien le temps de se représenter chaque phase de jeu.

La première étape, donc, consiste à sortir l’un des renards de sa tanière. Le joueur dont c’est le tour se saisit de la clé en mettant son doigt dans l’anneau argenté attaché à mi-hauteur de la chaîne. Au même moment, un adversaire place le Coq Roméo sur la première case de son parcours, se saisit du dé et commence à le lancer frénétiquement.

Le joueur qui tente d’ouvrir la porte doit alors parvenir à insérer la clé dans une fente de la porte (sans toucher ni la clé ni la porte, évidemment), et tirer délicatement sur la chaîne pour que la porte reste accrochée à la clé.

Les autres joueurs, eux, doivent lancer le dé et tenter d’obtenir le résultat « coq » (3 faces sur 6). À chaque fois qu’ils l’obtiennent, ils déplacent Roméo d’une case sur le parcours. Ce dernier peut être plus ou moins long en fonction de la face choisie. Plus le parcours est court, plus il faut évidemment aller vite avec la clé. Si le coq atteint la dernière case du parcours avant que la porte de la tanière ne soit ouverte, le tour est terminé et le joueur suivant prend la clé.

En revanche, si le joueur parvient à ouvrir la porte, il s’empare du renard qui est caché derrière, et découvre ce qui est au verso de la porte.

Derrière la porte verte marron

En effet, outre le renard, chaque porte dissimule un élément caché, que l’on ne découvre qu’au verso. Il peut s’agir de l’un des quatre animaux « témoins », ou de défis que le joueur devra relever lors de sa prochaine tentative, comme :

  • Ouvrir la porte de l’autre main
  • Ouvrir la porte en fermant un oeil
  • Ouvrir la porte en se tenant sur une jambe
  • Ouvrir la porte en tenant la chaîne par l’anneau rouge (qui double la longueur de la chaîne).

Le renard et la porte « gagnée » sont placés devant le joueur, afin qu’il se souvienne de son défi pour le prochain tour. Plus un joueur découvre de renards, plus il a de chances de remporter la victoire. C’est là d’ailleurs l’unique but de la phase avec Roméo le Coq : empêcher un adversaire de collecter un renard qui pourrait fort bien se révéler être le coupable.

C’est – encore – Max le coupable !

La partie s’arrête dès que les joueurs ont découvert les quatre animaux dissimulés derrière les portes. Les joueurs doivent alors passer à l’étape d’identification des suspects, même s’il reste encore des renards dans la tanière (ce qui sera probablement le cas).

Chaque joueur qui a découvert un animal peut alors piocher l’une des cartes correspondantes (il y en a deux par animal). Une fois les quatre cartes piochées, elles sont retournées afin de recueillir l’indice fourni. .

Chaque animal, en effet, donne une indication sur la tenue vestimentaire du coupable. Porte-t-il des lunettes, un chapeau, un noeud papillon, etc. En croisant les quatre indications fournies, on peut donc éliminer un à un tous les innocents, façon « Qui est-ce », jusqu’à ce qu’il ne reste plus que le coupable… à moins qu’il ne soit resté dans la tanière. En effet, plus vous trouvez les quatre animaux tôt dans la partie, plus vous laisserez des suspects dans la tanière. Si, au terme des quatre indices, aucun joueur n’a le coupable, alors c’est la défaite collective qu’il faudra assumer.

Je vous rassure, dans la plupart des parties que nous avons faites, l’un des joueurs avait bel et bien le coupable devant lui et a ainsi pu remporter la partie.

Action et déduction ?

Attrape Renard est donc un jeu en deux phases : action et déduction. Comme on l’aura compris, c’est la dextérité et le hasard qui seront déterminants. Être habile avec la clé vous permet de rassembler un maximum de suspects, et donc d’augmenter les chances d’avoir le coupable parmi eux. Les parties sont plaisantes, en particulier les séances d’ouverture de portes sous la pression du lanceur de dés, et le moment de la révélation du coupable avec les indices dévoilés. Chaque joueur « espère » forcément posséder le renard coupable, sans avoir la moindre garantie sur la question.

Le matériel, quant à lui, fait énormément pour le plaisir de jeu. Le terrain d’enquête est absolument magnifique et donne immédiatement envie de jouer. C’est beau, coloré, et de ce point de vue la réussite est totale. On se surprend d’emblée à vouloir l’utiliser pour d’autres jeux, voire pour en faire un calendrier de l’avent, car l’idée de de l’ouverture des portes avec une clé est franchement sympatoche.

Dommage, donc, que le jeu présente plusieurs soucis.

Un équilibre à revoir ?

Remettons les choses en perspective : vous vous amuserez avec Attrape-Renard, il n’y a pas à revenir sur ce point. Mais, de notre point de vue, le jeu loupe tout de même le coche sur un certain nombre de points, qui nous amènent à ce bilan quelque peu mitigé.

On va débuter notre sinistre réquisitoire avec la partie « jeu d’adresse ». Honnêtement, aller soulever une porte avec la clé est trop facile, quel que soit l’âge des marmots. Mon fils de 3 ans et demi (loin d’être un champion de motricité fine) y arrive systématiquement avant que je ne parvienne à le bloquer avec les lancers de dés.

Vous allez me dire que les défis sont là pour enrayer la facilité, mais dans les faits c’est très peu le cas. Les handicaps de « fermer un oeil » ou de « changer de main » n’ajoutent quasiment aucune difficulté à l’épreuve. Quant à « se tenir sur une jambe », c’est un bonus impossible à appliquer sauf si l’on joue au jeu sur table basse. Lorsque l’on joue par terre ou sur une table haute, où les marmots de cinq ans sont le plus souvent à genoux sur les chaises, il est très compliqué de se tenir sur une jambe, vraiment.

Cela signifie que la plupart des marmots parviendront à révéler un renard pendant leur tour, rendant le trajet du coq quelque peu obsolète. L’idée est bonne de créer de la tension avec des lancers de dés, mais en fait ça ne fonctionne tout simplement pas.

Et le coupable est… am stram gram

Ensuite (et surtout !) difficile de s’impliquer réellement dans cette traque tant le résultat est au final aléatoire. Puisque la dextérité est au final accessoire, seule la chance va déterminer votre capacité à trouver le coupable… ou à le laisser dans la boîte. Tout dépend des portes que vous choisissez d’ouvrir, et des cartes « indices » que vous allez piocher. Bref, vous jouez totalement à l’aveuglette et c’est un mécanisme aléatoire qui va décider du vainqueur… s’il y en a un.

C’est là — du point de vue d’un adulte —, l’aspect le plus frustrant d’Attrape Renard. Évidemment, les petits de 5 ans seront heureux d’avoir gagné, ou tristes d’avoir perdu, sans forcément aller chercher plus loin. Mais lorsque l’on joue avec eux, il est toujours agréable de pouvoir leur dire que c’est leur flair, leur capacité de déduction ou d’optimisation des déplacements qui leur vaut la victoire. Ici non. Ils auront gagné parce qu’ils auront eu la chance d’ouvrir la porte qui cache le renard qui sera désigné aléatoirement coupable a posteriori. Une telle qualité de matériel appelait clairement à un jeu plus abouti, faisant appel à plus de dextérité et plus de déduction. Dommage.

Une variante coop’ ?

Critiquer est une chose facile, proposer des améliorations est tout de même plus constructif. Je n’ai pas eu le temps de tester des variantes, mais voici quelques pistes de réflexion qui me semblent intéressantes.

Je pense, par exemple, qu’il faut contrer l’aléatoire par de la mémoire. Il serait intéressant de faire en sorte que les joueurs puissent mémoriser les renards avant de fermer les portes, et de piocher immédiatement trois cartes animaux, afin d’obtenir immédiatement des indices. Les joueurs, en effectuant un relais, auraient alors une ou deux minutes pour ouvrir les portes afin de localiser les renards qui leur semblent correspondre au portrait-robot du coupable… s’ils se souviennent de leurs emplacements. Une fois le temps écoulé, le dernier indice serait alors retourné. Si le voleur fait partie des renards récupérés, les joueurs ont gagné.

Le défaut de cette variante, c’est qu’elle zappe une grosse partie du matériel, à savoir le verso des cartes et le parcours de Roméo le coq avec son dé. Je vais étudier la question, et poster une variante définitive ici si je vois qu’elle fonctionne.

J’ai aussi eu une autre idée, sans bien savoir où elle mène encore. L’idée, c’est que chacun reçoive un nombre équivalent de portes en début de partie (4, 5 ou 8), dont au moins une qui cache un animal. Les joueurs sont ensuite libres de placer leurs portes face cachée sur le plateau de jeu. Ils débutent donc la partie avec une certaine lisibilité du jeu, puisqu’ils savent où aller piocher un animal quand bon leur semble.

En cours de jeu, les portes sont révélées normalement (avec handicap et jets de dés), mais le renard découvert est laissé dans la tanière. À son tour de jeu, un joueur alors peut décider d’ouvrir une porte OU de prendre un renard dévoilé.

Les indices des animaux sont déclenchés immédiatement dès qu’un joueur trouve une porte animal. Mais celui qui l’aura trouvé aura droit à un tour « gratuit » pour prendre le renard de son choix avant de révéler l’indice aux autres joueurs.

Le jeu s’arrête quand les quatre portes « animaux » auront été prises et les quatre indices révélés. Le joueur qui aura le coupable devant lui emporte la partie. Sur le papier, cette idée me plaît bien, il faut que je la mette en pratique pour voir si elle tourne bien.

Encore une fois, le jeu original n’est pas désagréable en soi. Mais avec un matériel pareil, il faut aller bien plus loin.

L’avis de Plateau Marmots

Il est toujours un peu frustrant de ne pas s’enthousiasmer à 100 % pour un jeu qui propose un plateau de jeu aussi réussi. Car oui, n’ayons pas peur de me dire, Attrape-Renard est un jeu magnifique qui donne immédiatement envie de mener l’enquête. Sur la forme, l’idée d’ouvrir les portes pour débusquer le voleur est plutôt bonne, même s’il est au final bien rare de se faire attraper par le coq tant la manoeuvre est facile et les handicaps symboliques. Et cette recherche du coupable par indices croisés n’est pas désagréable, loin s’en faut. Mais même les marmots de 5 ans savent assez vite repérer quand seule la chance décide de leur sort. Soit ils l’acceptent avec enthousiasme (ils jouent volontiers à « La Bataille », hein !), soit ils renâclent et se braquent contre l’injustice de la chance. Difficile de leur donner tort avec Attrape Renard, qui repose essentiellement sur des principes totalement aléatoires : placement des portes, placement des renards, lancers de dés, pioche des indices. Même si cela a statistiquement peu de chances d’arriver, il est théoriquement possible de plier la partie en quatre tours… et de gagner. Ou de la faire durer 15 tours et que le coupable reste dans la boîte. Trop de hasard tue le hasard. Il aurait donc fallu que la partie « dextérité » soit bien plus aboutie pour contrer cette sensation d’impuissance qui nous accompagne tout au long du jeu. Vous l’aurez compris, Attrape Renard est donc un jeu qui, sans être mauvais, nous laisse quelque peu sur notre faim. À réserver, donc, aux marmots qui n’auront pas peur des coups du sort.

On aime

  • C’est beau et agréable à manipuler
  • On joue dans la boîte !
  • Ouvrir les portes avec la clé
  • Jeter les dés comme un taré (mais en vain)
  • Trouver le coupable

On aime moins

  • La chance décide de tout
  • La partie dextérité est trop facile, même pour 5 ans

Fiche technique

Un jeu de Markus Brand et Inka Brand
Illustré par Anne Pätzke,
Edité par Matagot.
Pour 2 à 4 joueurs
A partir de 5 ans
Dispo chez Philibert

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