Test – CoraQuest

Alors que les grognements s’intensifiaient dans les couloirs du donjon, le petit groupe d’aventuriers progressait dans la semi-obscurité en échafaudant une impitoyable stratégie.

– Nan mais pourquoi moi, sérieux ?
– Ben t’es la plus costaude.
– Même pas. La fille avec le chat, elle est carrément plus forte !
– Trop pas. Et je suis là pour vous soigner, j’te rappelle.
– Le gars à l’arbalète, alors ?
– Hein ? Mais non ! Je tire à distance. A dis-tance. Vous savez ce que ça veut dire ?
– Qu’on se planque derrière les autres ?
– Exactement ! Enfin… N…non. Mais un peu quand même.
– On met le Halfling devant, alors ?
– Mais dans quel univers on est si on commence à mettre les halflings en première ligne et les chevaliers derrière ?
– Bah chez Tolkien, non ?
– …Ouiiiii, mais non, là spa pareil.
– Bah on a qu’à envoyer le chat alors !
– Ah oui, bonne idée, tiens, mettons le chat devant.
– Meeeeow !!???

Je ne vais pas faire mon hypocrite en affichant une moue surprise alors que je déballe un cadeau que j’ai moi-même emballé. Si Coraquest arrive sous nos latitudes en français pas plus tard qu’aujourd’hui, c’est de mon côté un projet que je suis avec passion depuis début 2021, lors du lancement d’un projet de financement participatif qui semblait alors aussi fou qu’indispensable : un VRAI jeu d’exploration de donjons… pour enfants.

Pour les parents joueurs que nous sommes, c’est une vraie libération. Finies les adaptations mal calibrées de gros jeux, toujours plus amusantes pour nous que pour les enfants : l’heure est venue pour nos marmots de découvrir un univers de jeu aussi palpitant qu’addictif. On vous passe la – véridique – histoire de CoraQuest, créé par un papa et sa fille en période de confinement, car aussi mignonne et attendrissante qu’elle soit, l’heure est tout de même venue de sortir les épées et les cottes de mailles.

Alors en route, mauvaise troupe, et avançons emplis d’espoirs et sans le moindre doute
vers ces sombres coursives qui fleurent bon la gloire et le bon gros loot.

Passage en revue de l’équipement

Si on découvrira rapidement que CoraQuest coche toutes les cases sur le plan des sensations de jeu, le matériel y est évidemment bien plus simple que dans un Descent ou un Heroquest à 150 euros. Pas de figurines plastique ni de décors en 3D, mais de chouettes standees aux bouilles incroyables, justement dessinées par Cora, la jeune co-autrice du jeu, ainsi que par de nombreux backers. Qu’il s’agisse des héros ou des ennemis, tous sont dessinés dans un style purement enfantin qui donne à CoraQuest une ambiance de jeu unique, un univers bien à lui. N’allez pas imaginer pour autant que le jeu soit bébête ou simpliste, loin s’en faut. Mais il a clairement son style, totalement assumé, et c’est un style qui parle incroyablement bien aux marmots, tous âges confondus.

Outre les personnages, le jeu se compose de dés et de jetons, mais surtout de nombreuses cartes représentant :

  • les caractéristiques des héros et des ennemis
  • les armes et les objets (de départ et ramassés en chemin)
  • le donjon, c’est-à-dire les couloirs et les salles que les personnages vont traverser.

C’est peut-être sur ce dernier point que se trouve notre seul regret : nous aurions évidemment préféré des tuiles un peu épaisses au lieu de cartes classiques. Mais ne boudons pas notre plaisir : le matériel, sans faire dans le spectaculaire, est tout à fait réussi et vous permet de vous lancer rapidement dans l’aventure.

Cette dernière commence justement en choisissant l’un des 10 scénarios du livret d’aventure, et l’on va rentrer dans les détails sans plus attendre.

On s’équipe, et on y va

Une partie commence par une mise en place relativement simple – pour un Dungeon Crawler – mais forcément un peu plus complexe que pour mettre en place un jeu de mémory.

Il vous faudra choisir une mission, ce qui déterminera de fait les ennemis que vous allez y rencontrer, et les cartes de donjon nécessaires à insérer dans votre pioche. Certaines cartes donjon, en effet, permettent de découvrir des éléments clé du scénario et de faire progresser l’histoire. A noter : il est possible de contrôler la durée des parties en ajoutant plus ou moins de cartes à votre donjon en fonction de l’âge des marmots, ce qui est toujours bien vu.

Il faudra également choisir son héros, et là encore on ne pourra que se ravir du choix des personnages proposés, qui illustrent à eux seuls une diversité bienveillante. La fille a l’épée, tank du groupe, est par exemple installée sur un fauteuil roulant (bien stylé) et montre que le handicap peut tout à fait être présenté de manière positive. 

Une fois le donjon formé et les ennemis correspondants regroupés sur un coin de table, il vous restera encore à créer votre équipe, c’est-à-dire choisir vos personnages et leur associer leur équipement.

Ensuite il faudra mettre en place quelques petits éléments de jeu supplémentaires, comme la carte permettant d’activer les pouvoirs des héros, les dés, les points de vie et les jetons de dégâts, et vous pourrez vous embarquer dans le donjon.

Deux actions pour survivre

Une fois dans la partie lancée, les joueurs peuvent effectuer des actions leur permettant d’explorer les lieux. Ils n’ont normalement droit qu’à deux actions pendant leur tour de jeu, mais ils bénéficient en outre d’actions gratuites, qui peuvent se déclencher autant de fois que le joueur le souhaite si les conditions sont réunies.

Parmi les actions le plus fréquemment utilisées, il y a bien évidemment le déplacement (en orthogonal ET en diagonale), jusqu’à hauteur des points de chaque héros. Si un personnage atteint le bord d’une carte donjon, il peut alors déclencher une action gratuite, qui consiste à piocher une nouvelle carte donjon et à l’ajouter dans le prolongement. C’est un peu comme si le personnage arrivait sur une zone sombre et hasardait sa torche pour révéler ce que dissimule ce nouveau couloir. Si la nouvelle carte révèle des coffres ou des ennemis, le joueur place les pions correspondants ET peut achever sa phase de déplacement s’il lui restait des points de mouvement non utilisés. Vous verrez ce sera très pratique pour prendre la fuite quand, au détour d’un couloir, vous verrez que vous arrivez dans une salle truffée d’ennemis.

Il sera d’ailleurs toujours important d’optimiser ces révélations de nouveaux segments du donjon, car les ennemis révélés ne manqueront pas de s’activer à leur tour de jeu, et si le 4e personnage du groupe venait justement à révéler une salle chargée en gobelins, ils ne manqueraient pas de fondre sur des héros pris au dépourvu.

En revanche, si la salle révélée est une salle correspondant au scénario, alors un joueur devra lire le paragraphe correspondant dans le livret de quêtes afin de générer un événement propre à chaque histoire. Ce sera l’occasion de faire des rencontres, heureuses ou funestes, et de faire progresser le récit.

Tu ne le sais pas encore, mais si mon chat enlève sa patte de ton oreille, tu es déjà mort.

La baston étant au cour du concept même de dungeon crawler, les joueurs pourront hardiment combattre tout ennemi adjacent ou à distance (s’ils sont équipés d’armes leur permettant de tirer). Chaque arme indique sa portée, ses dégâts et ses éventuels effets, et on y retrouve évidemment tout le matos classique, de la fronde jusqu’à l’épée lourde, en passant par la masse d’armes et le chat énervé (oui oui !). Les combats sont gérés de manière très simple : le joueur additionne les dés de son personnage à ceux de son arme, et les lance. Chaque face étoile obtenue correspond à un point de dégât infligé à la cible. Si les dégâts suffisent pour atteindre la valeur totale de la cible, elle est supprimée du plateau. Sinon des jetons de dégâts sont empilés sous sa figurine, afin de garder trace de ce qu’elle a déjà subi. En cas d’échec, le joueur peur retourner sa fiche de personnage sur sa face orange, un autre mot pour dire “énervée”, rendant son personnage plus puissant jusqu’à ce qu’il parvienne à toucher à nouveau. 

Les autres actions de jeu disponibles incluent la possibilité de fouiller des coffres (certains sont piégés, mais la plupart vous donneront un chouette équipement), de ranimer un personnage KO sur une case adjacente (« non Conan, ne va pas vers la grande lumière ! ») ou d’échanger des objets entre personnages adjacents, selon leur bon vouloir évidemment. Les règles s’assimilent rapidement et sont très logiques dans leur déroule, vous n’aurez donc aucun souci de ce point de vue et vous pourrez vous concentrer

A grands pouvoirs, grandes responsabilités

En plus de l’équipement qu’ils ne manqueront pas de looter ici ou là, les héros disposent également d’un pouvoir qu’ils peuvent activer ponctuellement, mais qui mettra ensuite un peu de temps à se recharger. Soins, optimisation des dégâts ou déplacement supplémentaire, chaque pouvoir sera bien utile pour aider les personnages à progresser dans l’aventure, et il faudra parfois temporiser pour attendre qu’ils se rechargent, avec le risque inhérent au fait de ne pas se déplacer.

On a l’impression de marcher sur des gâteaux secs !

L’une des mécaniques les plus astucieuses de Coraquest consiste en effet à inciter les héros à être en déplacement le plus souvent possible. Dans les faits, une petite torche est placée au-dessus du deck Donjon. Si aucune carte du Deck n’est piochée pendant le tour, un jeton de danger est activé de la même manière que les pouvoirs des personnages se rechargent. Et si le jeton est activé un certain nombre de fois, bim, le donjon est alors envahi par un raid d’araignées énervées qu’il faudra combattre. Les vaincre permettra de remettre la position du jeton à zéro, mais il ne manquera pas de revenir à la charge en cas d’immobilisme (ce qui est souvent le cas en fin de partie, lors de l’affrontement contre un boss) : il faudra donc progresser dans le donjon aussi souvent que possible, même avec des personnages à bout de souffle.

Les méchants attaquent !

Une fois que les héros auront chacun effectué leurs deux actions, la phase des ennemis se déclenche à son tour. Chaque ennemi activé dispose lui aussi de deux actions : se déplacer et attaquer. De manière très pragmatique, ils se dirigeront toujours vers le héros le plus proche : à vous de gérer vos emplacements en conséquence pour les forcer à se déplacer et éviter de vous prendre deux attaques dans la tronche.

Le but du jeu est de remplir toutes les conditions de victoire listées par les scénarios, et d’éviter que tous les personnages ne se retrouvent KO, ce qui serait synonyme de gameover immédiat.

Il a vraiment tout d’un grand

Si vous avez déjà joué à un jeu d’exploration de donjons, vous aurez remarqué au terme de ce descriptif que toutes les bases du genre sont présentes : révéler un donjon de tuile en tuile, affronter des monstres, looter des trésors et vaincre des boss. Et pour les nouveaux venus, vous verrez qu’en dépit de quelques raccourcis – salutaires ! -, Coraquest est un vrai DungeonCrawler à ceci près que la durée des parties est vraiment maîtrisée et que l’armature des règles le rend accessible à des enfants de 6 – 7 ans en toute autonomie. On se déplace, on révèle une portion de donjon, on découvre des ennemis, on s’enfuit à toutes jambes pour tenter de se regrouper, on se fighte, on ramasse des trésors que l’on se refile entre joueurs, et on rigole bien.

The Ministry of silly dungeons

On rigole d’autant plus que les scénarios sont pleins d’un humour so-british qui sent bon les Monty-Pythons. Loin de tenter d’aller chercher dans le sérieux des Descent et autres Heroquests, CoraQuest prend le contrepied des titres emblématiques en affichant ici ou là une touche décalée et décomplexée, renvoyant un peu les cadors du genre au rang de gros prétentieux. Les personnages rencontrés sont souvent nigauds, maladroits, voire totalement azimutés. Pour vous donner une idée sans trop vous spoiler l’affaire, le premier scénario vous envoie à la recherche des deux apprentis du mage local, partis dans le Donjon pour adopter un animal de compagnie. Au fil du Donjon vous comprenez peu à peu que leur « animal de compagnie » n’est rien d’autre qu’un Serpent Géant qui risque fort de n’en faire qu’une bouchée. Alors que vous atteignez la dernière salle, vous trouvez le dernier apprenti manquant, prisonnier du Serpent Géant endormi. Un sauvetage facile ? Peut-être. Enfin il le serait probablement si l’Apprenti ne se mettait pas soudain à hurler « SUPER, VOUS ÊTES VENUS ME SAUVER ! », réveillant illico la bestiole.

Bref : le ton est léger, rafraichissant et c’est avec bonheur qu’on le retrouve tout au long de l’aventure, pour un effet feelgood à chaque nouvelle découverte.

Ajoutez vos scénarios, vos héros, vos monstres !

Si vous vous inquiétez de la durée de vie du jeu une fois les scénarios achevés, dites vous que c’est un sentiment qui n’a pas trop lieu d’être. Tout simplement parce que l’éditeur a pris grand soin de proposer des outils de personnalisation sur son site Internet, vous permettant de créer vos propres scénarios, mais aussi d’implémenter simplement les dessins de vos enfants dans le jeu, aussi bien en tant que nouveaux héros qu’ennemis. Vous n’aurez aucun souci à scanner un gribouillage de vos marmots et en faire les nouveaux héros de vos propres quêtes. Aucun souci non plus pour scénariser vos propres aventures et transformer les petits tracas du quotidien (qu’il s’agisse de la petite souris qui a oublié de venir récupérer une dent ou du monstre de Versailles qui laisse toujours les lumières allumées) en aventures épiques à vivre tous ensemble.

J’ai passé l’âge de ces conneries ?

Au vu des deux derniers paragraphes, vos sourcils se sont un peu froncés. Vous vous dites peut-être que le jeu est trop simple pour vous, adultes ? N’en croyez rien. D’une part il est relativement difficile et en fonction de l’ordre de sortie des monstres, il peut parfois virer au casse tête. Il y a aura assurémengt des défaites, ce qui ne rendra les victoires que plus flamboyantes. Mais surtout, quel bonheur en tant que parents de pouvoir rejouer (ou découvrir) cet univers ludique auquel nous avons souvent renoncé à la naissance de nos enfants, faute de temps ou d’énergie pour une mise en place. Quel plaisir que de subir des revers cuisants et de repartir à l’aventure, instruits des erreurs précédentes. Vraiment, ce CoraQuest a largement de quoi séduire petits et grands.

Quelques défauts, quand même ?

En me creusant la tête, j’arrive à en isoler deux, quand même. Le premier, inhérent à la taille de la boîte : comme je le disais plus haut, les tuiles donjon sont en fait des cartes, ce qui les rend plus fragiles et moins agréables à manipuler que des grosses tuiles de jeu de ce type. Cela aurait évidemment gonflé le prix du jeu, donc ce n’est pas un mal en soi, mais la taille des cartes est relativement bâtarde et ne correspond pas aux sleeves les plus courantes, ce qui est un peu pénible si on veut prendre soin de son donjon.

Le second point à noter concerne la configuration de jeu obligatoire de 4 héros. Indépendamment du nombre de joueurs, il doit obligatoirement y avoir 4 héros dans le donjon, ce qui est toujours un petit souci quand on joue à 3 et que les marmots se chamaillent pour voir le droit de faire le personnage en plus ». Chose très facile à trancher ce pendant en instaurant un contrôle « tournant » ou en décrétant que l’adulte (moi !!!) assumera héroiquement le double rôle. Pour aider, évidemment.

L’avis de Plateau marmots (Olivier).

Depyuis que je suis devenu Papa et que j’ai délaissé mes jeux de grands, faute de temps, CoraQuest est le jeu que je rêvais de voir débouler un jour. Alors que mes Descent et autres Tainted Grails demeurent sous cello, CoraQuest sort encore et toujours, semaine après semaine. Bien plus ambitieux que Karak, CoraQuest est un vrai jeu d’exploration de donjons à part entière, totalement imaginé pour que les enfants s’y amusent en coopération et progressent au travers de scénarions truffés de bonnes idées. CoraQuest est accessible, tactique, amusant, et s’offre même le luxe de proposer une rejouabilité infinie avec ses scénarios personnalisables et d’un large panel dispo en ligne. Forts de personnages attachants et d’une ambiance très réussie, le jeu permet aux adultes de jouer à un jeu « pour enfants » en venant enfin au bout de leurs parties, et apprend aux enfants les rudiments de leurs premières stratégies de déplacement et de baston. C’est amusant, c’est malin, c’est intense et c’est coopératif, et pour moi c’est clairement le jeu qui aura le plus marqué cette année ludique tant il permet d’ouvrir des perspectives sur le jeu de société pour enfants. Merci à PhiliBarbu Inc de l’avoir proposé en français, et espérons que le succès soit au rendez-vous pour permettre à la première extension de suivre le même chemin.

On aime

  • Un vrai dungeoncrawler pour jouer avec les enfants !!!!
  • Fluide et fun
  • Tactique et musclé
  • Des ennemis choupis et des héros emblématiques
  • Une direction artistique cohérente et réussie
  • L’incroyable plaisir de jouer avec ses enfants

On aime moins

  • On aurait aimé des tuiles de donjons
  • Quand on joue à 3, le douloureux partage du 4e personnage

Le trouver  

2 thoughts on “Test – CoraQuest

  • 26 novembre 2022 à 14 h 29 min
    Permalink

    Merci pour cette belle critique. Nous sommes très heureux que vous ayez apprécié le jeu!

    Répondre
    • 26 novembre 2022 à 15 h 46 min
      Permalink

      Oh ! Merci pour le commentaire ! On l’aime d’amour… et on attend la suite !

      Répondre

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