Test – Dodo

Il y a quelques mois de cela, alors que nous déambulions dans les allées du Festival des Jeux de Cannes à la recherche de goodies des futures pépites de jeu de société pour marmots, un nom avait tendance à revenir en boucle dans les allées : « Dodo ». Ceux qui l’avaient découvert, en démonstration chez Loki, ne pouvaient s’empêcher d’inciter toutes les personnes croisées à aller à la rencontre de ce jeu étonnant. Dans la mesure où nous sommes des sales gosses avec un goût légendaire pour la contradiction, nous y étions allés en traînant des pieds, histoire de bien rappeler que l’engouement général n’est pas trop notre tasse de thé. Et puis nous avions joué, du bout des doigts. Et bim, nous fûmes aussitôt conquis. Car oui, il y a bel et bien un « effet » Dodo, qu’on ne saurait bouder. Restait à savoir si, une fois le jeu reçu et mis entre les pattes de nos marmots, le jeu allait fonctionner aussi bien. Alors, ne tournons pas autour du pot : OUI le jeu est un incroyable moment de fun, du genre qui galvanise les joueurs et transcende les âges et OUI Dodo est un jeu qui marque les esprits et que l’on verrait bien sûr la liste des sélectionnés du prochain As d’Or. Donc, accrochez vos ceintures ludiques, car vous allez tous vivre un truc vraiment pas banal.

Frank Bebenroth & Marco Teubner|  Paul Mafayon & Cyril Bouquet| Loki
2 à 4 joueurs| 6 ans | 10 min | Coopération frénétique

Posons le décor !

Pour commencer ce trop long test (mais vous avez déjà sauté à la conclu, alors peu importe), précisons que Dodo est un jeu dans lequel la scénographie est très importante. Il s’agit d’un jeu vertical, donc à effet waouh, qui introduit un étrange objet dans nos vies ludiques sous la forme d’un œuf aussi capricieux que jubilatoire. Aussi, démarrons ce test en plantant le décor comme il se doit, façon haïku :

Imaginez…

Une île paradisiaque.
Une montagne.
Un sommet escarpé.
Un nid d’oiseau.
Un dodo qui couve.
Un œuf en équilibre instable.
Une pente vertigineuse.
L’œuf qui s’échappe… 

Bref : tous les ingrédients réunis pour un monument de stress et de pur fun, qui va immanquablement faire exploser vos tables de jeu, entre rires et invectives. Car oui, l’œuf va dévaler la pente, et oui ça va être rigolo de le regarder faire.

Pour rentrer dans les détails, Dodo est donc un jeu qui joue sur la verticalité en mettant en scène une montagne (en carton) qui surplombe une flopée (70) de jetons, tous placés face cachée. En bas de la montagne, une pirogue est construite en urgence pour venir récupérer le fameux œuf. Ce dernier risque bien de chuter dans le vide, sauf si les joueurs parviennent à coopérer pour construire – en temps réel ! – une série de passerelles serpentant autour de la montagne et permettant à l’œuf de descendre sans mal.  

Rien que ce concept, cette mise en scène à la fois humoristique et dramatique, plonge les joueurs dans un mélange d’émerveillement et d’urgence qui attise immédiatement l’envie de jouer. Il ne s’agit donc pas seulement d’un « oh la la la, regardez comme c’est joli », mais d’une immersion assez rare dans un jeu pour enfants, une plongée ingénieuse dans un drama où les enjeux apparaissent au premier coup d’œil. Pour nous, il n’est donc pas pertinent de décrire froidement un matériel en disant qu’il y a des jetons et un dé, ce dont on se doute un peu, mais bel et bien de vous faire comprendre qu’à la mise en place du jeu, vous serez vous aussi en haut de cette montagne, le cœur battant, à contempler les jetons qui flottent à la surface comme autant de bois flotté.

Est-ce que le matos tient la route ? Oui. Est-ce qu’il y a des choses à y redire ? Oui aussi, mais pour le coup on expliquera ça plus bas, pour que vous compreniez bien la mécanique du jeu au préalable.

Ok, c’est beau, mais il faut faire quoi, du coup ?

Comme vous l’aurez compris, le concept du jeu est finalement très simple et digne d’un épisode de Zig & Sharko : un Dodo, perché au sommet d’une montagne escarpée, laisse par inadvertance son œuf tomber du nid. L’œuf commence alors à rouler inexorablement sur une petite corniche qui s’achève – évidemment – par un précipice vertigineux. Une seule solution pour sauver le dernier représentant de l’espèce : construire en toute hâte une passerelle afin que l’œuf puisse descendre sans dommages. Heureusement pour lui – et pour les joueurs – cet œuf (dissimulant un mécanisme ingénieux) défie quelque peu les lois de la gravité en descendant à son propre rythme, tranquillement et par à-coups. Il s’arrête, repart, s’arrête à nouveau, hésite puis repart. La descente de l’œuf est un spectacle en soi, qui ne manquera pas d’émerveiller tous les joueurs autour de la table, même après de nombreuses parties.

Préparons la partie !

Une fois la montagne construite (ce qui ne prend que quelques secondes, je vous rassure), le jeu est mis en place en éparpillant les jetons tout autour, de sorte que chaque joueur y ait accès. Les jetons (qui représentent les mêmes éléments que les faces du dé) doivent être tous placés face cachée. Le bateau et les éléments de passerelle sont quant à eux alignés non loin de la montagne. Notez que les éléments de passerelle sont numérotés et qu’il est utile de les empiler du plus petit au plus grand, car c’est dans cet ordre que la passerelle devra être bâtie. Une fois que chacun aura pris une belle inspiration, la partie pourra commencer en soulevant la queue du dodo, ce qui mettra l’œuf en mouvement. 

Les bâtisseurs de l’extrême !

À son tour, le joueur lance le dé. La face obtenue révèle alors un élément de construction : planche, bambou, clous, marteau, etc.

Ce joueur doit alors retourner l’un des jetons placés face cachée autour de l’île et tenter de retrouver un symbole identique à celui du dé, ou bien un habitant de l’île, synonyme de Joker.

S’il n’y parvient pas, il passe alors le dé à son voisin, qui devra lui aussi lancer un dé et trouver l’élément correspondant.  

S’il y parvient, en revanche, il devra alors placer le jeton sur la passerelle qu’il cherche à construire, dans un emplacement prévu à cet effet.  Quand tous les jetons nécessaires sont présents, ils sont alors défaussés et la passerelle peut être construite, permettant à l’œuf (toujours en mouvement) de descendre d’un étage de plus. Les premières passerelles sont très simples à construire, puisqu’un seul élément y est nécessaire, mais les suivantes nécessiteront davantage de matériaux pour pouvoir être bâties.

Tout au long de la partie, il est évidemment possible (voire très très très recommandé) de s’entraider entre joueurs, afin de signaler aux copains où l’on a vu une planche ou des clous quelques tours plus tôt au moment où ils obtiennent le symbole avec le dé. Ce n’est évidemment pas simple de se souvenir de l’emplacement d’un jeton parmi 70, mais alors que ces derniers se vident peu à peu, il sera plus facile de mémoriser avoir aperçu un marteau juste là, au coin de la montagne. Heureusement d’ailleurs, car le bateau (élément final à construire) demande quant à lui 4 éléments de construction au minimum.

Jusqu’au terme de la partie, donc, les joueurs lancent frénétiquement le dé, annoncent le résultat, attendent une indication ou retournent au pif, ratent, réussissent, et se laissent emporter dans un enthousiasmant climat de pure panique.

Si toutes les passerelles et le bateau sont construits, l’œuf atteindra le bateau sans encombre et la partie sera gagnée. Sinon, l’œuf tombera et il faudra se résoudre à contempler cette triste omelette de Dodo et à porter la responsabilité de l’extinction de l’espèce.

Des sensations de jeu intenses !

Il ne vous faudra que quelques secondes de jeu pour réaliser que Dodo est un jeu à part, qui transcende totalement les joueurs… et les spectateurs ! Et cela commence dès que l’on voit cet œuf, un peu magique, presque vivant, qui descend doucement la pente et qui apporte une fausse sensation de tranquillité alors qu’autour de lui chacun crie et panique à la recherche d’un morceau de bambou. Rares sont les jeux qui permettent à ce point de cumuler l’effet « makécecécetruc » tout en maintenant intact leur intérêt au fil des jours, voire des semaines. C’est pourtant le petit exploit que réalise Dodo, auquel on rejoue encore et toujours tant les sensations de jeu sont uniques. Le succès du jeu tient autant au côté aléatoire de la descente qu’à celui de la pioche de jeton, et la capacité des joueurs à mémoriser où peut se trouver un jeton inutile au tour précédent peut réellement faire la différence entre la victoire ou la défaite. Dodo fait partie de ces jeux que l’on commence à jouer assis et où l’on finit tous debout sans bien savoir pourquoi ni comment, dans un déluge de cris et d’applaudissements, qui éclipseraient les tables de craps d’un casino de Vegas. On s’enflamme, on se bouge, on crie… et quelle explosion en fin de partie ! 

Une difficulté paramétrable

Et lorsque vous aurez pris vos marques, pas de souci : le jeu a encore du répondant. Dodo propose en effet plusieurs modes de difficulté différents afin de « durcir » le jeu quand les joueurs auront commencé à prendre le rythme et à gagner un peu trop souvent.

La première possibilité est de prendre en compte tous les symboles de construction des passerelles. Dans le mode normal, en effet, on ne dépose pas de jetons sur les éléments marqués d’une tête de mort. Mais cela devient obligatoire en mode « difficile » afin de ralentir la progression de la construction. 

L’autre possibilité, c’est de limiter le nombre de jetons Jokers présents autour de l’île. Le fait d’en supprimer tout ou partie rend la partie considérablement plus compliquée, car il faudra à chaque fois trouver l’élément précisément indiqué par le dé. Il est évidemment possible de choisir combien de jokers éliminer en fonction de la difficulté souhaitée.

Un œuf capricieux ?

À ce stade de la lecture, vous vous dites que Dodo est un jeu exceptionnel et vous aurez bien raison. Mais il y a toutefois un point qui – sans être dramatique – « accroche » un peu et vient freiner un tout petit peu notre bel enthousiasme. Et comme vous l’aurez compris : il s’agit de l’œuf de dodo, celui-là même qui descend de la montagne à cheval avec son incomparable allure. Le livret de règles précise qu’il peut arriver à l’œuf de se bloquer contre des éléments de jeu lors de sa descente, et que dans ce cas il doit être relancé d’une simple pichenette. Cette précision est loin d’être inutile, car oui, l’œuf se bloque. Sur une table parfaitement à l’équilibre, j’ai pu constater que – loin de la fièvre du jeu – l’œuf pouvait en effet se bloquer au moment d’un changement de passerelle pour ne plus jamais repartir. C’est assez difficile à expliquer : parfois cela marche très bien, d’autres fois non, comme si le positionnement de la structure empêchait de temps en temps de laisser l’œuf circuler librement. Sa technologie, bien que spectaculaire, n’est donc pas exempte de défaut et il est toujours un peu rageant de devoir le surveiller du coin de l’œil pour vérifier qu’il poursuit bien son cheminement.

Cela est-il gênant en cours de partie ? Eh bien, dans les faits, pas tellement. Car si l’œuf peine à accomplir sa traversée dans un environnement monastique, il n’a aucun mal à dévaler la pente au cours d’une frénésie de joueurs qui donnent malgré eux des coups de pied dans la table et qui font bouger la structure au moment où ils installent des passerelles. En cours de « vraie » partie, donc, il est assez rare que l’œuf se retrouve bloqué. Mais cela arrive, et c’est toujours un peu dommage et frustrant de se dire que le jeu aurait pu être encore mieux sans ce petit défaut de conception.

Si cela vous arrive trop souvent, essayez d’orienter la montagne différemment ou glissez une petite cale sous un coin de plateau, de sorte à trouver l’équilibre idéal dont l’œuf a besoin pour trouver son rythme de croisière, sans plus se retrouver tristement bloqué contre un mur.

Mais encore une fois, ne vous inquiétez pas : en cours de partie la montagne bougera largement assez pour que l’œuf descende normalement… souvent même plus vite que vous ne le souhaiteriez.

Le détail qui tue ?

Depuis le début je parle de scénographie, mais j’avais omis de mentionner un détail amusant : les jetons défaussés lors de la construction des passerelles ne sont pas juste mis sur le côté, mais insérés dans la montagne en mode « tirelire », ce qui les rend pratiques à récupérer en fin de partie. C’est vraiment malin, et cela participe à l’immersion. Rien que pour ce genre de détails insignifiants, le jeu devrait faire école.

L’avis de Plateau Marmots (Olivier)

Fort d’une scénographie magistrale et d’un concept accrocheur, Dodo tient toutes ses promesses, catégorie « jeu coopératif à la fois malin et survolté ». Un peu de mémoire, un peu de chance, un peu de waouhhh : le cocktail paraît simple et pourtant les émotions vécues en cours de partie par l’ensemble des joueurs (et même ceux qui ne jouent pas, d’ailleurs) sont intenses, la victoire ou la défaite ne se jouant souvent qu’à quelques secondes. On ne joue pas vraiment à Dodo, on « vit » Dodo, et il n’y a qu’à contempler les visages des enfants autour de la table pour réaliser à quel point la tension est présente, pour une délivrance explosive et réjouissante. Dodo est un jeu qui marque les esprits et nous rappelle à quel point il est plaisant de s’abandonner à des jeux simples dans le principe, mais au plaisir de jeu vif, intense, addictif et hautement contagieux. En résumé : en dépit de son œuf parfois capricieux, Dodo est clairement l’un des grands jeux de cette année. 

On aime

  • Un concept simple et fun
  • Un jeu de toute beauté
  • L’œuf, bizarrerie ludique incontournable
  • L’énorme intensité des parties
  • Le souci du détail
  • Les différents niveaux de difficulté
  • Fun à tout âge

On aime moins

  • Ce satané œuf qui se coince parfois (et qu’il faut surveiller du coin de l’œil)

Le trouver

Vous aimerez si :

  • Vous aimez les jeux à forte intensité, avec des marmots qui crient et qui s’amusent

Vous n’aimerez pas si :

  • Vous ne jouez qu’à des jeux abstraits dans l’arrière salle d’une bibliothèque

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