Test – Patatrap Quest
Quatre intrépides aventuriers se lancent à la découverte du donjon de la tour aux mille miroirs, un tortueux dédale de salles obscures dans lesquelles on trouve des trappes, des trésors, des mécanismes, des monstres… mais aussi un gros Boss bien énervé qui a décidé de squatter les lieux. Chacun d’entre eux a heureusement plusieurs points faibles qui permettront de les chasser. Encore faut-il trouver l’équipement nécessaire… et le sortir au bon moment !
Mémoire et astuce seront donc nécessaires pour partir affronter des monstres aussi coriaces que Smok le dragon, Sheloub l’araignée… ou Michel le Loup Garou !
Patatrap Quest est un jeu de Marie et Wilfried Fort, illustré par Michel Verdu et édité par Space Cow. Il est prévu pour 2 à 4 joueurs, à partir de 6 ans.
Mémoire et courage !
Dissipons d’emblée un malentendu aventuresque : en dépit de son thème très marqué, Patatrap Quest n’est pas un Dungeon Crawler au sens classique du terme, en tout cas pas comme peut l’être le désormais légendaire Karak. Pas de dédales labyrinthiques ici, mais un parcours circulaire à effectuer dans un sens obligatoire qui fera appel à votre mémoire et à votre libre interprétation des dés. Patatrap est un jeu compétitif aux règles très épurées, très accessible. Il se destine donc à un public de 5 – 9 ans, avec des monstres sympathiques et des chausse-trappes pas trop punitives.
Donc même s’il est truffé de petites références sympatoches qui feront sourire les adultes, il est clairement destiné aux plus jeunes joueurs avec une mécanique aussi intuitive que light basée sur le combo déplacement + effet. Mais n’allez pas croire que les choses seront simples : vous allez vite réaliser que les premières stratégies vont tout de même rapidement se mettre en place…
Alors prenez votre torche, et suivez-moi.
Un donjon qui brille de mille feux !
Patatrap Quest a clairement été conçu pour en mettre plein la vue avec cette tour aux miroirs particulièrement mignonne, qui permet de jouer directement dans la boîte. On est rapidement dans l’ambiance de ce château perdu au milieu des neiges, aussi attirant qu’énigmatique.
Outre la tour aux murs de miroirs (que vous devrez coller au préalable), le plateau de jeu se compose de 12 portes qui seront autant de portes à ouvrir vers les secrets des lieux. À vous de mémoriser, à chaque fois, ce qui se cache derrière.
Le jeu propose également 4 aventuriers (et aventurières) en bois, 5 monstres différents et leurs cartes dédiées, une flopée de jetons (trappes, objets, familiers…) et des fiches de Boss qui vous serviront d’aide de jeu pour la résolution des trappes visitées. Le matériel est d’excellente qualité et donne immédiatement envie de se lancer à l’aventure : c’est solide, coloré, et les illustrations sont particulièrement réjouissantes. On notera aussi l’attention portée aux petits détails, comme le fond de boîte à la fois décoré et pratique, ou les fiches de personnages découpées pour accueillir les points de victoire. Comme d’hab avec Space Cow, c’est un sans faute, bravo.
Des donjons identiques… mais des aventures différentes !
Chaque aventure est constituée par les trappes indiquées sur la fiche de boss que vous allez tenter de vaincre. Ce qui signifie, pour présenter les choses simplement, que vous n’aurez pas tout à fait les mêmes périls à affronter en fonction de l’ennemi choisi, car le contenu des trappes sera adapté au monstre qui sévit dans le donjon. Une astuce de gameplay plutôt maligne qui permet de renouveler sensiblement les sensations de jeu sans modifier le plateau. Votre affrontement de Michel le Loup Garou sera donc assez différent de celui de Smok le Dragon, pour une rejouabilité sympatoche.
Vos héros, quant à eux, sont totalement interchangeables, puisqu’aucun pouvoir spécifique ne leur est attribué. Cela chafouinera peut-être les plus grands, mais encore une fois ici on veut jouer la carte de l’accessibilité. Chacun dispose d’un petit plateau individuel dans lequel il pourra placer son équipement, mais aussi son petit animal mignon, le Familier. En cours de partie, vous pouvez épuiser la bestiole pour obtenir une relance gratuite, ce qui s’avèrera souvent utile quand les dés capricieux veulent vous expédier au diable vauvert alors que le loot de votre vie est sur la case d’à coté. La bestiole sera réactivable à chaque fois qu’un dé vous donnera le résultat d’une clochette, signe qu’il est l’heure se sortir de la sieste.
Pour gagner la partie, il faut être le premier joueur à infliger 3 blessures à un boss. Les boss, en effet, sont toujours sensibles à différentes attaques ou effets, que l’on pourra effectuer en récoltant l’équipement adapté dans le donjon.
Vous voulez affronter un Vampire ? Partez en quête d’ail et de miroirs. Vous voulez fumer Smok le Dragon ? À vous les coups d’épée, mais aussi l’or pour le soudoyer. L’idée est d’aller de salle en salle en évitant au maximum les pièges afin de trouver et récolter des jetons d’équipement. Il vous faudra probablement plusieurs essais pour trouver dans quelle trappe se trouve le matos dont vous avez besoin, il sera donc important de mémoriser son emplacement pour obtenir plusieurs jetons du même type. Car vous serez toujours obligés d’avancer dans le Donjon (et en suivant le sens de circulation) afin que la partie ne perde jamais son rythme et donne ainsi une chance égale à tous les joueurs. Simple et efficace.
Entrons dans le donjon
Pour jouer, l’aventurier lance les deux dés, et dispose d’une certaine latitude pour exploiter le résultat. Il peut utiliser le chiffre de l’un ou l’autre dé, ou de l’addition des deux. Cela permet donc de viser une case plutôt qu’une autre et d’éviter une trappe que l’on sait négative, pour peu que l’on se souvienne de son contenu.
Une fois que le joueur a déterminé son choix, il avance son pion en bois dans le sens du déplacement. Une fois la case souhaitée atteinte, il insère son pion dans le trou prévu à cet effet. Le personnage appuie alors sur l’extrémité de la tuile et la relève, dévoilant alors son verso dans le miroir placé sur la tour. L’effet est ingénieux et particulièrement amusant pour les marmots. Il permet surtout de pouvoir découvrir le contenu de la trappe, quel que soit son emplacement autour de la table.
L’effet de cette trappe dévoilée s’applique immédiatement, qu’il s’agisse de récolter un objet, d’être téléporté dans l’une des deux tours qui jouxtent le plateau de jeu ou de faire une rencontre, entre autres surprises. Une fois qu’un personnage se sentira assez en confiance (et assez équipé), il pourra tenter d’aller défier le boss, en haut de la tour.
Trouver le point faible !
Le boss est constitué d’un paquet de cartes rondes, mélangées et placées face cachée au sommet de la tour. Lorsqu’un aventurier se présente devant le boss, il regarde secrètement la première carte, qui indique le point faible nécessaire pour l’attaquer. Si l’aventurier dispose de l’équipement adéquat, il le défausse et porte un coup au monstre, bing !
En récompense, il garde la carte de Boss et la place devant lui. Sinon, il se fait chasser de la tour et revient au départ. C’est toujours un peu déprimant, mais au moins, il saura avec quoi attaquer le boss désormais. Il ne lui restera plus qu’à se procurer l’arme nécessaire et retourner au combat.
Sherlock le barbare !
Cet affrontement, ce sera aussi le moment pour vos adversaires de regarder l’équipement que vous avez avec vous et d’en tirer les conclusions nécessaires. Un peu de déduction, donc, au pays des épées à deux mains. Un exemple, pour vous éclairer : Sheloub l’Araignée est sensible soit aux coups d’épée, soit aux tirs de flèche. Si un aventurier équipé d’un arc monte dans le tour… et en repart bredouille, c’est que la première carte du paquet était forcément une épée. Et si vous en avez justement une en main, c’est le moment de foncer.
Cette stratégie a toutefois ses limites : si les premiers boss n’ont que deux points faibles, d’autres en ont trois, ce qui augmente les possibilités de se tromper si l’on ne se présente pas avec un barda complet. Patatrap Quest induit une part de prise de risque vraiment amusante, car on ne sait jamais quand précipiter son assaut. Faut-il y aller en kamikaze, se casser les dents, mais avoir des infos sur la carte du dessus du paquet, ou cheminer calmement pour amasser du matériel, au risque d’être pris de vitesse par un adversaire chanceux ?
Mémorisation et stratégie
Pour éviter les ennuis, cela dit, il faudra savoir user de sa mémoire, car notre capacité à nous souvenir des emplacements des cases équipements va déterminer notre rapidité à remplir notre sac et à partir sereinement dézinguer le boss. Plus vous aurez de matériel, plus vous aurez de chance de plier l’affrontement en un seul assaut. Oui, mais voilà : comme dans tout jeu de mémoire, les trappes auront tendance à changer de place au fil des rencontres. Le Bouffon s’amusera à échanger les deux trappes qui lui sont adjacentes, et le sorcier vous permettra d’échanger les emplacements de deux trappes de votre choix, histoire de rapprocher un objet utile de votre position. Autant dire que vos neurones d’adultes auront grillé depuis belle lurette, mais les marmots attentifs auront une lecture plus fine du donjon et sauront mieux gérer leurs choix de déplacement.
Car il ne suffit pas de ramasser des items, encore faut-il les conserver. Entre la trappe du voleur (qui vous déleste de votre butin) et celle du corbeau (qui vous chourre un objet pour le ramener dans sa tour), votre précieuse épée risque de changer de main avant de couper sa première patte d’araignée.
On notera même, au hasard de parties, des combos rigolos. Dans une quête féroce contre le vampire, et au hasard des déplacements de tuiles, je suis tombé sur le fantôme qui m’a fait fuir jusqu’à la prochaine trappe éclairée par une torche. Sous cette dernière, schtoïngue, une catapulte qui m’expédie sur la trappe en vis-à-vis de l’autre côté de la Tour. Je dévoile la trappe, et hop, me voilà réexpédié jusqu’à la Tour du Corbeau. Bref, un donjon sillonné en long, large et travers sur un seul tour de jeu. Toute trappe dévoilée comporte donc un risque, à vous de repérer les plus dangereux pour éviter de vous faire avoir deux fois de suite.
Sensations de jeu
Du côté des marmots, le plaisir est énorme. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut empoigner son épée à 5 ou 6 ans pour aller défier les monstres fantasy. Patatrap Quest reprend de très nombreux codes du jeu de société enfants (parcours circulaire, mémoire…), mais dans une relecture particulièrement astucieuse qui lui permet de devenir un premier jeu de donjon particulièrement accrocheur.
La stratégie simple des possibilités de déplacement est vite maîtrisée et la mécanique de combat contre les boss est particulièrement satisfaisante. Quant aux donjons, ils sont suffisamment diversifiés pour avoir l’impression de ne pas refaire systématiquement la même aventure à chaque partie. On notera même, pour les plus hardis, un mode campagne qui vous invite à faire plusieurs boss à la suite et de déterminer un vainqueur final en comptant vos coups portés aux Méchants, mais aussi des trésors ramassés en cours de chemin.
Le jeu est d’ailleurs suffisamment ouvert et bac à sable pour que l’on puisse imaginer des méchants fanmade… ou une extension en bonne et due forme !
Et pour les parents alors ?
Pour les parents, les sensations seront peut-être plus mitigées, surtout chez les ludistes convaincus. Patatrap Quest tient en effet parfois plus du carrousel fantasy que du jeu d’exploration. On va toujours dans la même direction, et notre mémoire défaillante de “grand” nous place souvent en face de portes désespérément identiques. On aurait sans doute aimé que les miroirs fassent davantage partie du gameplay, comme dans Princess Jing, mais c’est clairement quelque chose de compliqué à implémenter dans un jeu destiné à ces âges.
En fait, la vraie frustration, pour les adultes, tient dans le caractère parfois un peu trop aléatoire du jeu. Il n’est pas rare, surtout avec les boss qui n’ont que deux points faibles, de se présenter au petit bonheur la chance et de réussir le holdup parfait en quelques tours de jeu. C’est jubilatoire pour un enfant, mais frustrant pour un adulte qui aime l’idée de montée en puissance progressive et de « mériter » sa victoire au terme d’un affrontement épique.
Cet argument, toutefois, est quelque peu inutile. Patatrap Quest, en effet, nous invite à nous interroger sur ce que nous voulons pour nos enfants. Souhaitons-nous un jeu adulte avec des mécaniques simplifiées (comme Karak) ou un vrai jeu totalement imaginé pour les enfants dans lequel ils peuvent jouer en toute indépendance et en pleine maîtrise des mécaniques de jeu ? Ici les parents pourront s’amuser en toute simplicité, sans jamais avoir à jouer le rôle de leader. Peut-être s’amuseront-ils juste à mettre l’accent sur une ambiance un peu roleplay, en faisant volontiers le bruit des portes qui grincent et des sorcières qui ricanent. Un beau moment de lâcher-prise, vous verrez.
L’avis de Plateau Marmots
Avec Patatrap Quest, Marie et Wilfried Fort parviennent à faire souffler un vent d’épique et de fantasy dans un jeu aux mécaniques totalement adaptées aux enfants. Le jeu, en effet, ne demande pas à vos marmots de s’adapter à des mécaniques adultes, mais fait au contraire l’effort de venir leur rappeler qu’ils sont avant tout des enfants et qu’ils doivent exploiter leurs propres armes, c’est-à-dire mémoire et aléatoire. Fort d’une réalisation exemplaire et d’un fun de chaque instant, Patatrap Quest nous rappelle avec intelligence qu’un jeu pour enfant réussi n’est pas un jeu adulte qui simplifie ses mécaniques, mais un vrai jeu conçu pour que les enfants s’amusent, sans rechercher l’imitation simplifiée des jeux de grands.
Et si on peut s’enthousiasmer, en tant qu’adulte, de voir nos marmots devenir des partenaires de jeux sur des mécaniques tels que le Dungeon Crawling ou le Tower Defense, c’est aussi les faire vieillir prématurément et les installer dans nos univers ludiques plutôt que de les laisser explorer les leurs. Et Patatrap Quest est là très juste incarnation de cette réflexion portée sur ce qu’est le jeu enfant, sur sa portée et sa profonde ambition. C’est un jeu où les enfants s’amusent, seuls, indépendamment d’un adulte pressé qui leur dit quoi faire ou quoi jouer. Alors oui, le jeu est basé sur la mémoire et sur la chance, bien plus que sur le RPG ou le craft. Et vous savez quoi ? Bah c’est génial ! C’est génial de voir les marmots s’amuser, se défier et exploser de rire parce qu’un boss les amuse ou parce qu’ils résolvent un combat de la manière la plus improbable. Space Cow nous donne ici une jolie leçon de simplicité et de fun, et crée le jeu idéal pour se réunir en famille devant un jeu court et explosif, qui appelle déjà de nombreuses extensions pour multiplier les aventures. Un des tout meilleurs jeux de 2020, tout simplement.
On aime
- Un souffle épique dans un jeu de mémoire / placement !
- Un plateau de jeu resplendissant
- Des méchants sympathiques
- Des combos qui combotent à la perfection
- Des parties courtes et rythmées
- Le petit effet Wahouuu des miroirs…
On aime moins
- Les miroirs qui ne sont “que” cosmétiques
- La chance qui boucle parfois les parties en express
- Les parties parfois expéditives
Le trouver
Fiche Technique
Un jeu de Marie et Wilfried Fort
Illustré par Michel Verdu
Edité par Space Cow
Pour 2 à 4 joueurs
A partir de 6 ans