Test – Dali le Renard

Un renard, des poules. Il est coutume, dans le jeu de société pour enfants, que le renard ait envie de boulotter les poules. On ne compte plus les jeux, en effet, où les gallinacées servent de festin rêvé aux goupils rusés. Eh bien ce ne sera PAS le cas ici, puisque notre ami renard est oune artiste, oune vrai,  qui n’a qu’oune envie : réaliser une magnifique toile. Et s’il a besoin des œufs des poules, c’est uniquement pour leurs couleurs vives qui sauront l’inspirer. Un pitch franchement bizarre, je vous l’accorde, mais ne vous y arrêtez pas, car Dali le Renard est un charmant jeu de prise de risques pour les marmots de 5 ans,  particulièrement original sur la forme ! A vos omelettes pinceaux : et sachez vous arrêter à temps !

Dali le Renard est un jeu de Vincent Bonnard, illustré par Cyril Bouquet. Il se destine de 2 à 4 marmots à partir de 5 ans.

Je prends le risque !

Dali le Renard est un jeu de stop ou encore, c’est-à-dire un jeu dans lequel il faut décider de prendre le risque de continuer à jouer alors que le risque est de plus en plus grand de perdre ses gains au fur et à mesure que l’on continue. Et contrairement aux idées reçues, les enfants sont fort doués en jeux de ce type.

Alors oui, évidemment, dans les premières parties, ils veulent toujours faire « le lancer de trop », mais ils comprennent rapidement les risques inhérents à se montrer trop gourmands. Ils partent ensuite dans l’excès inverse de jouer la sécurité à outrance, et il suffit de quelques manches pour qu’ils soient particulièrement à l’aise. On le voit constamment sur des titres tels que Polar Party, Troll & Dragon ou Zombie Dice, les enfants adorent se poser la question du « j’y vais ou pas » et se défier les uns les autres dans l’esprit « t’es pas cap’ de recommencer ». Les jeux de prise de risque sont toujours de grands moments d’interaction, et chez Plateau Marmots on a tendance à les aimer d’amour !

Un poulailler de toute beauté

Posons les choses calmement : Dali le Renard, c’est avant tout un matériel incroyable ! Il est parfois coutume d’apprécier le fait de jouer dans la boîte, mais là on atteint un autre niveau car la boîte constitue littéralement le jeu. Représentant le poulailler, elle est constituée d’un cadre en plastique et d’une série de gouttières, qui permettent de guider les jetons vers des portes à clapet. Ces dernières font tomber un œuf coloré à chaque fois qu’elles sont actionnées. Les œufs tombent alors sur le devant de la boîte, qui se déplie pour former le plateau. Quant à la droite du poulailler, c’est une mini tour à dés déguisée. L’ensemble est aussi ingénieux que flatteur pour les rétines, et c’est vraiment un plaisir que d’ouvrir Dali le Renard pour une mise en place qui ne prend guère plus de 30 secondes.

Le jeu est complété par 3 dés et 36 jetons colorés, représentant les œufs à collecter. Et aussi par la règle du jeu, même si cette dernière est un peu expédiée et manque un peu de clarté pour les novices. On vous rassure : le jeu n’a vraiment rien de compliqué et vous saurez y jouer dès la fin de ce prodigieux test.

10 œufs sinon rien

Pour l’emporter, les joueurs doivent être les premiers à gagner 10 œufs, quelle que soit leur couleur. Lors de son tour, le joueur lance les 3 dés. L’un des dés (celui du fermier) verrouille une couleur qui sera inaccessible pour le tour. Le joueur peut ensuite prendre un (et un seul) œuf correspondant à la couleur de l’un des deux autres dés OU à une couleur qui pourrait être crée AVEC les deux autres dés.

Je vois vos sourcils se froncer, mais en vrai c’est très simple.

Imaginons que je lance les dés et que j’obtienne le résultat suivant :

  • Fermier jaune
  • Œuf jaune
  • Œuf bleu

Le fermier Jaune m’empêche de prendre l’œuf jaune. Donc je peux prendre un œuf bleu, ou un œuf vert, parce que jaune + bleu, ça fait du vert. Ahahaaaa, vous l’aviez pas vue arriver celle là, hein ? C’est aussi ingénieux que plaisant à jouer.

Pour sélectionner un œuf, le joueur doit appuyer sur la porte correspondante. La porte se ferme et l’œuf est alors bloqué. Pourquoi ? Tout simplement parce que chaque œuf ne sera récupéré qu’à la fin du tour, lorsque le joueur décidera qui arrête. 

 Le joueur a donc le choix : soit il en reste là, et récupère son œuf bloqué. Soit il relance les dés.

S’il choisit de relancer les dés, le fermier bloquera alors une nouvelle couleur et libèrera celle qui était bloquée au tour précédent. Le twist, c’est qu’il ne sera plus possible de sélectionner un œuf « bloqué » à un round précédent (vu que la porte est fermée). Votre choix de couleurs se réduit donc de phase en phase, jusqu’à ce que vous décidiez de ramasser la mise… ou de tout perdre en allant trop loin.

À la fin de chaque round, en effet, vous avez le choix : ramasser vos œufs placés derrière les portes, ou continuer. Mais attention : si par malheur vous ne pouviez pas ramasser un œuf au cours d’un round, vous perdriez alors tous les œufs bloqués au cours de votre phase de jeu. Il faut donc, comme dans tout jeu de ce type, essayer de gérer sa progression en prenant un peu de risques (mais pas trop), et de ne pas céder aux sirènes du « allez j’en tente un petit dernier » soufflé par vos adversaires.

Parce que cela peut aller très vite : si vous faites un triplé, vous perdez immédiatement votre tour ! Bah oui : si le fermier bloque la couleur jaune et que vous faites deux œufs jaunes, cela signifie que vous ne pouvez rien prendre et que vous devez renoncer à tous vos œufs. Sploutch, c’est l’omelette.

La partie se prolonge ainsi jusqu’à ce qu’un joueur obtienne 10 œufs au total, il est alors déclaré vainqueur.

Des sensations de jeu vraiment sympathiques

Tout jeu de stop ou encore a un effet galvanisant sur les marmots. De ce point de vue, Dali ne fait pas exception en instaurant toujours la notion de doute au joueur. Continuer ? Arrêter ? Faut il se contenter de 2 œufs ou tenter d’en obtenir 3, voire 4 ? évidemment, chaque joueur a pour passion de conseiller ses adversaires, ce qui fait partie intégrante du plaisir de jeu. « Allez-vas-y, ça risque rien ».  Tout le monde passe un bon moment, petits comme grands. On se chambre, on se défie, et on essaye surtout de garder la tête froide tout en pourrissant ses adversaires trop prudents, ce qui est toujours sympathique.

Renard chenapan !

Pour autant, le jeu n’est pas exempt de défauts, qui l’empêchent sans doute d’atteindre son plein potentiel. Des choses parfois simples à corriger, parfois moins.

Les règles du jeu, d’emblée, posent souci. Elles tentent de faire simple et synthétique, mais manquent de clarté pour des joueurs non habitués à la prise de risque. Mais le plus dommage, c’est que la règle s’arrête au strict minimum : des aménagements auraient été intéressants à envisager afin profiter d’une bonne expérience de jeu.

A commencer par le fait que tout le monde joue le même nombre de tours de jeu, par exemple. La règle initiale prévoit en effet que le joueur qui atteint 10 œufs gagne automatiquement, ce qui donne un très gros avantage au premier joueur. La solution (empruntée à Zombie Dice) : dès qu’un joueur atteint 10 œufs ou plus, il signe le début du dernier tour. Tous les joueurs dans le même tour ont droit de jouer pour tenter d’égaler ou battre son score. C’est une règle égalitaire bien mieux acceptée par les marmots.

Je comprends que l’auteur du jeu se soit dit « avec des enfants de 4 ou 5 ans il faut faire simple », mais la plupart des enfants de ces âges comprennent rapidement l’intérêt de jouer le même nombre de tours, fut-ce à titre optionnel.

Autre règle qu’il serait sympa d’apporter : le droit à la relance d’un dé en cas de triplé (avec obligation d’accepter le second résultat, évidemment). Rien n’est plus frustrant pour un enfant que de ne pas pouvoir jouer parce qu’il a eu la malchance de réaliser un triplé avec les dés. Et cet échec critique ne rend pas le jeu plus intéressant ni plus tactique, car il est juste synonyme de gameover immédiat, sans possibilité de réagir. De notre côté nous avons décidé de laisser aux enfants la possibilité de relancer le fermier une fois en cas de triplé, et cette solution fonctionne vraiment bien.

Nous avons également adapté la limite d’oeufs à gagner en fonction du nombre de joueurs, pour créer davantage de suspense. Nous recommandons 13 pour deux joueurs, 11 pour 3, 10 pour 4.

Un autre point (plus anecdotique) qui nous laisse perplexes, c’est le thème du jeu, qui semble vraiment très tiré par les cheveux. Un peintre qui doit récupérer des gouttes de couleur de l’atelier des couleurs aurait sans doute été possible, et tout aussi féérique, sans se lancer dans l’équilibre instable d’un renard qui doit récolter des œufs colorés. D’autant plus que le thème du renard et des poules est quand même largement vu et revu.

Un poulailler un peu creux ? 

Nous sommes également mitigés sur l’objet du jeu lui-même. Sur le principe, l’idée est absolument excellente et attire les petits joueurs comme un aimant. Dans les faits, la réalisation est un ton en deçà et amène aussi sa petite part de frustrations. Nous ne pouvons également parler que de notre exemplaire : il est fort possible que les autres soient totalement exempts des défauts relevés ici.

  • Deux gouttières sont un peu trop serrées et empêchent parfois le glissement des jetons. En cours de jeu, on pense parfois que la gouttière est vide, alors que ce sont juste les jetons qui ont du mal à descendre. Il faut relever le cache pour les aider un peu.
  • La trappe qui permet de lancer les dés manque un peu de pente, et les dés peinent à en descendre totalement, ce qui invite les joueurs à aller chercher le dé resté à l’intérieur (et d’en changer la face par inadvertance).
  • Deux de nos portes de poulailler ferment mal et empêchent l’oeuf bloqué de rester à l’intérieur. Il faut fermer la porte très vite (en la claquant) pour s’assurer que l’oeuf ne glissera pas, ce qui est toujours un peu compliqué pour des enfants de 5 ans.

Bref, si l’objet est magnifique, on aurait aimé un peu plus de finition pour un plaisir de jeu plus complet. Les enfants ont tendance assez vite à lancer les dés à côté de la boîte, lassés d’aller les chercher dans le poulailler. Dommage.

L’avis de Plateau Marmots

Que l’on ne s’y trompe pas : les enfants s’amusent beaucoup avec Dali le Renard. Le jeu est malin, et la mécanique est très bien vue. On ne peut que se réjouir de l’idée du mélange des couleurs qui en crée une troisième, un thème trop peu abordé dans les jeux pour enfants. Et le stop ou encore, on le sait, ça fonctionne toujours à 200% avec les enfants. Mais on ne peut également que râlouiller au vu de ce que le jeu aurait pu être avec un peu plus de finitions. De fait, nous avons ici affaire à un jeu sympathique, mais dans doute aurait-il été possible d’explorer la mécanique un peu plus avant, et fignoler l’objet un peu plus, afin de proposer un jeu totalement incontournable. L’un des signes qui ne trompent pas, c’est que les marmots ont rapidement rajouté leurs propres règles (importées de Zombie Dice ou de Polar Party), afin d’agrémenter les parties. Le jeu permet heureusement plein d’adaptations pour le rendre plus accrocheur, dommage qu’il faille les inventer soi-même. Un bilan positif, mais perfectible, donc, pour des sessions de stop ou encore autour d’un objet ludique qui attire tous les regards.

On aime

  • Un objet ludique de toute beauté
  • L’apprentissage des couleurs
  • La fièvre du stop ou encore
  • Un excellent premier jeu de prise de risques

On aime moins

  • Un petit manque de finition
  • Des règles un peu expéditives
  • Le thème superflu
  • Il était possible d’aller bien plus loin ! 

Ce jeu favorise

  • La communication
  • La gestion du risque
  • L’apprentissage des couleurs

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Fiche technique

Un jeu de Vincent Bonnard
Illustré par Cyril Bouquet
Pour 2 à 4 marmots
A partir de 5 ans
Edité chez Tikids

 

 

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