Test – Des souvenirs plein le ciel
Après avoir créé plus de 500 jeux, Reiner Knizia se pose enfin et prend le temps de regarder derrière lui. Ce qui n’est pas une mauvaise idée puisque le monsieur a plutôt tendance à ressasser les mêmes jeux depuis quelques années. Il a donc inventé une machine à naviguer à travers les souvenirs. Une machine en forme de bateau en papier.
Si le voyage vous intéresse, le Space Cow Laboratory décline toute responsabilité en cas de mauvais fonctionnement de la Machine à Souvenirs. Vous voilà prévenus.
Reiner Knizia| Seppyo
| Space Cow |
2 à 4 joueurs| 5 ans et plus | 20 min environ |
Mémoire/Parcours
Seppyo, c’est beau
S’il est une illustratrice qui a marqué 2023, c’est bien Seppyo. Encore inconnue au bataillon ludique il y a 2 ans, elle a illustré l’année dernière la quasi-totalité des productions de Space Cow (Gardiens des Saisons, Chou y es-tu ?, Des Souvenirs plein le ciel…), mais aussi un « Ma Première Aventure » de chez Gameflow.
Autant vous dire que son style tout en douceur et en couleurs pastel étaient une évidence pour ce jeu qui parle de souvenirs et de nostalgie. D’autant que du matériel à illustrer, la boîte en est remplie :
- un grand plateau en 4 pièces à assembler façon Puzzle,
- 49 tuiles Nuages rondes et embellies de nombreuses illustrations,
- 4 pions Bateaux en Papier aux couleurs des joueurs,
- 24 cartes Souvenirs servant à reconstituer 4 images, elles aussi aux couleurs des joueurs.
Le bateau dans le ciel
On place les tuiles Nuages sur le plateau et chaque joueur choisit une couleur. Il place son pion Bateau au centre du plateau et les 6 cartes Souvenir à sa couleur, devant lui, faces cachées. Elles sont numérotées de 1 à 6.
À votre tour, vous avancez votre jeton Bateau de tuiles Nuages en tuiles Nuages adjacentes. Votre but : atteindre les cases Souvenirs numérotées, à votre couleur, qui bordent le plateau. D’abord la case 1, puis la case 2… jusqu’à la 6ème et dernière. Dès que vous atteignez l’une de ces cases, votre tour s’arrête et vous retournez devant vous la carte Souvenir correspondante.
Mais votre tour a pas mal de chance de se terminer prématurément. 16 tuiles Nuages sur les 48 sont en effet aimantées. Dès que votre pion Bateau passe par l’une de ces tuiles, il est bloqué. C’est le trou de mémoire et le tour passe au joueur suivant.
Le premier joueur à retourner sa sixième carte Souvenir gagne immédiatement la partie.
Un rythme d’aimants Ciel
Il y a quelque chose de magique à chaque partie des « Souvenirs plein le Ciel ». Lors des premiers tours, on tâtonne, on joue de malchance. Et notre bateau en papier peine à avancer de plus de 2-3 nuages avant de tomber sur un aimant. Mais bien rapidement, on mémorise certains chemins, comme un labyrinthe invisible qui se dessinerait peu à peu. On commence à prendre des détours pour aller plus vite (le comble). On rejoint de plus en plus vite la prochaine case Souvenir. Et en fin de partie, il n’est pas rare de pouvoir traverser le plateau sans même croiser un aimant.
Labyrinthite aigüe
« Mais tu ne trouves pas que ça fait beaucoup penser à Labyrinthe Magique ? Le chemin à mémoriser, les cases à atteindre, tout ça, tout ça… » C’est Olivier, notre rédac’chef vénéré, qui refroidit mes ardeurs lorsque je lui parle du jeu avec passion. Un peu honteux, je lui réponds que je ne connais « Labyrinthe Magique » que de nom et que je suis bien incapable de lui répondre.
Avec mes Marmots, on a donc fait des pieds et des mains pour récupérer ce classique de chez Drei Magier, et on a organisé une grande battle pour faire se confronter les deux jeux.
À l’ouverture de la boîte, le constat est sans appel : le matériel de « Labyrinthe Magique » met K.O. celui des « Souvenirs plein le Ciel ». Le labyrinthe en bois caché sous le plateau où se déplacent des figurines aimantées. Chaque figurine aimantée qui emmène avec elle une bille à travers le labyrinthe invisible. Et la bille qui tombe dès qu’elle croise une cloison. Il y a quelque chose de particulièrement magique, graphique, et ultra thématisé dans ce jeu que l’on retrouve moins dans l’abstraction des tuiles Nuages des « Souvenirs plein le Ciel ».
Pourtant, dès les premiers tours de jeu, « Labyrinthe magique » commence à révéler des faiblesses face à son rival.
Dans « Des Souvenirs plein la tête », chaque joueur se déplace librement d’une tuile Nuage à une autre, jusqu’à atteindre un obstacle aimanté ou un objectif. « Labyrinthe Magique » utilise, lui, un dé. Et de tour en tour, on se déplace péniblement de 2 ou 3 cases, parfois d’une seule pour les plus malchanceux. Et là où faire une erreur à cause d’une tuile Nuage aimantée ne fait que laisser la figurine en place jusqu’au prochain tour, rencontrer une cloison invisible du labyrinthe nous oblige à repartir sur la case départ.
Le rythme de « Labyrinthe magique » s’en trouve saccadé et les parties peuvent s’éterniser, là où « Des Souvenirs plein le Ciel » se fait beaucoup plus dynamique et ne dépasse jamais les 15 minutes de jeu.
Mais c’est aussi au niveau de l’équilibre que « Labyrinthe magique » pêche par excès de hasard. On a déjà parlé du dé qui peut amener bien des frustrations. Il faut ajouter à celà les objectifs qui sont eux aussi complètement dépendants du hasard. On pioche en effet les symboles des cases à atteindre dans un sac en tissus. Piochez un symbole situé à 2 ou 3 cases de votre figurine et vous n’aurez besoin que d’un seul tour pour le rejoindre. Piochez-en un situé à l’autre bout du plateau et vos chances de gagner risquent de s’envoler.
Dans « Des Souvenirs plein le Ciel », Reiner Knizia a, au contraire, conçu un plateau où les chemins menant d’une case Souvenir à une autre sont équidistants. Ce n’est pas pour rien que le monsieur est mathématicien et qu’il aime l’équilibre des chances.
Dessine-moi un souvenir
Difficile de conclure ce test sans vous parler d’un élément qui peut sembler de l’ordre du gadget, mais qui donne au jeu un relief particulier. En plus du matériel dont on vous a déjà parlé, Space Cow a en effet inclus dans la boîte des cartes Souvenirs à personnaliser ; 4 planches de 6 cartes vierges prédécoupées (une pour chaque couleur).
Plutôt que de jouer avec les cartes Souvenirs dessinées par Seppyo, vos Marmots vont ainsi pouvoir jouer avec leurs propres souvenirs, qu’ils vont reconstituer au fil des parties. Chaque boîte devient ainsi unique et vos Marmots seront très fiers de jouer avec des éléments qu’ils ont conçus eux-mêmes.
L’Avis de Plateau Marmots (Vincent)
Malgré son manque d’originalité mécanique, « Des Souvenirs pleins le ciel » est un jeu poétique, dynamique, très équilibré et sublimé par les illustrations de Seppyo. Reiner Knizia signe ici un titre à la rythmique impeccable. En une quinzaine de minutes, il nous fait passer des tâtonnements initiaux, à une course de vitesse où chaque erreur (chaque trou de mémoire) peut nous être fatale. Une belle réussite.
On aime:
- Les illustrations de Seppyo
- Le crescendo rythmique que propose chaque partie
- Les cartes Souvenirs à personnaliser
- Un prix vraiment correct au vu du matériel
On aime moins:
- Une mécanique déjà vue