Test – Isidore School of Magic
Isidore, je vous arrête de suite : ce n’est pas le nom du héros, mais de l’université de magie (plutôt visible, celle-ci), qui va départager nos vaillants prétendants au diplôme ultime de sorcier.
Chez les apprentis sorciers, des fois, ça ne rigole pas. Pour obtenir son BEPC Magie, il faut obtenir une larme de sirène, un oeil de Golem et une dent de dragon ! Rien que ça ! Et comment obtenir tout cela ? En affrontant chaque boss au moyen de puissants sortilèges. Et comment obtenir les sortilèges ? En collectant des ingrédients en forêt, ou en les achetant au marché. Et comment trouver les sous pour acheter sur le marché ? En allant fouiller la vieille mine.
Pfffiouuuuu quel travail ! Je savais que j’aurais dû écouter ma mère et faire médecine plutôt que Sorcellerie…
Isidore est un jeu de Hidde van Dijk, édité par Jumbo. Il invite de 2 à 4 apprentis magiciens à partir de 6 ans (mais en fait, il vaudrait mieux commencer avant).
Un matériel exceptionnel !
Autant vous dire que dès l’ouverture de la boîte on en prend plein les yeux tant le matériel est magnifique. Le plateau de jeu, petit mais très coloré, ouvre le bal avec des détails bien sympatoches. Quant au reste, c’est une véritable merveille. Les dents de dragon et larmes de sirène ressemblent bel et bien à des dents de dragon et des larmes de sirène, les cartes de sortilège sont assez cartonnées pour assommer un adversaire si vous les lui envoyez dans la tronche, et l’ensemble des pions et plateaux individuels sont aussi magnifiques que solides.
Bref, un sans faute pour le contenu de la boite, qui propose des versions féminines ou masculines de chaque personnage, afin que chacun puisse s’amuser à faire le sorcier ou la sorcière : c’est vraiment parfait.
La règle pourrait être un peu plus illustrée, mais on comprend parfaitement le déroulement de la partie à la première lecture. Notez toutefois qu’il est conseillé d’aller chercher la règle du jeu en ligne, car elle diffère quelque peu de la version présente dans la boîte. Vous pourrez la télécharger en bas de ce test.
Le délicat monde des sortilèges
Dans le monde d’Isidore, il existe 3 sortilèges élémentaires à maîtriser : le feu, la roche et l’eau. Et il sera nécessaire de maîtriser chacun des trois afin d’obtenir les objets nécessaires à la victoire, car les Boss à affronter les maîtrisent déjà depuis belle lurette.
Pour obtenir un sortilège, il faut en premier lieu collecter les ingrédients nécessaires à sa composition. Il en existe trois différents : les baies, les champignons ou les herbes : le « coût » de chaque sortilège est indiqué sur sa carte.
Pour récolter les ingrédients, on peut soit se rendre dans la forêt (qui contient en permanence 3 ingrédients face cachée) ou dans l’un des deux marchés du royaume. Ici, les ingrédients seront disponibles face visible, mais il faudra s’acquitter d’un coût en or ou en argent. Heureusement, une mine située non loin de là permet de récupérer des métaux précieux à chaque visite.
Il vous faudra donc collecter les ingrédients pour créer vos sortilèges, et ensuite défier le dragon, la sirène et le golem pour des combats aussi épiques que spectaculaires.
Et là, je vous sens hypés.
Le tour de jeu
Le joueur dont c’est le tour lance le dé et se déplace à hauteur du score obtenu. Le déplacement sur le plateau ne peut s’effectuer que dans un sens précis, un circuit obligatoire un peu curieux, mais qui prend du sens quand on constate que les destinations sont au final assez restreintes : l’université, la forêt, deux marchés, une mine et trois boss. Peu importe le score que vous allez faire, donc, vous ne serez jamais très loin de l’objectif.
Le but du jeu est donc de réunir les 3 cartes sortilèges (une de chaque élément), afin de pouvoir affronter chaque boss. Une fois les ressources nécessaires récoltées, bim, on se rend à l’université et on les transforme en sortilège.
Avec ses jolis sortilèges sous le bras, notre apprenti sorcier va donc pouvoir se rendre dans la tanière du boss et le défier dans un combat épique et spectaculaire…
… au chifoumi.
Pierre, eau, feu
Hmmm ? Ça vous fait bizarre ? Alors, attendez.
Concrètement, l’un des adversaires prend le rôle du boss et se saisit des 3 cartes correspondantes. En fait ce sont les mêmes que celle des sorciers (eau/feu/pierre), mais avec un fond noir.
Dans une tension presque palpable, chacun choisit une carte et l’abat dramatiquement sur la table en criant « I – SI – DORE ». C’est dire si le combat est épique !
Comme à « pierre-papier-ciseaux », chaque élément l’emporte sur un autre : l’eau éteint le feu, le feu fait fondre la roche, la roche… absorbe l’eau (?). Enfin peu importe, elle gagne.
Les combats se jouent au meilleur des trois manches. Si le joueur gagne, il prend son trésor au boss (dent de dragon, larme de sirène, joyau de golem). S’il perd, il ne se passe rien, sauf si vous jouez avec les règles avancées, que l’on verra plus loin. Il faudra juste reprendre le combat au tour suivant.
C’est ensuite au joueur suivant, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’un joueur remporte les 3 trésors et qu’il se couvre de gloire.
Le jeu est donc une course de vitesse entre les joueurs, qui doivent collecter les ingrédients nécessaires aux sortilèges le plus vite possible afin d’affronter les boss avant les adversaires.
Isidore s’ennuie sans Clémentine
En jeu, autant vous annoncer la couleur, on s’ennuie. On s’ennuie moins dans le mode « de base », que dans le mode avancé, mais c’est quand même pas la joie. Pourquoi ? Parce que le jeu n’a pas beaucoup de sens. On parcourt le plateau très rapidement, on collecte les ingrédients nécessaires aux sortilèges, on fait quelques parties de chifoumi, et c’est fini.
Vous avez donc deux couches d’aléatoire (dé + chifoumi) pour un jeu où l’on se contente, mollement de choisir entre la pioche d’ingrédients inconnus ou la collecte de ressources inconnues (or ou argent) pour acheter les ingrédients sur le marché. Et ensuite, badaboum, c’est un festival de pierre-papier-ciseau jusqu’à l’écoeurement.
Le jeu se termine heureusement assez vite : comptez une dizaine de minutes à deux, une quinzaine à quatre.
C’est d’ailleurs avec le maximum de joueurs que l’on s’ennuie le moins, car la collecte est (vaguement) plus complexe. La carte que vous vouliez acheter ne sera peut-être plus dispo au moment où vous voudrez jouer, et il faudra revoir vos plans. Mais bon, chaque carte sortilège s’achète toujours au moyen d’une combinaison d’un ou deux ingrédients, et il n’y en a que trois différents dans le jeu. Ça n’ira donc jamais chercher très loin.
Mais force est de constater qu’à 4 joueurs, le jeu « passe » un peu moins mal, ce qui sera à prendre en compte si vous comptez lancer une partie.
Le mode “expert”
Alarmés par cet ennui violent, on se tourne alors vers le mode expert… qui réussit à faire pire que le mode « simple ». Si si, vraiment ! Le mode expert invite en effet les joueurs à se fighter entre eux ou à perdre une carte sortilège en cas de défaite contre un boss.
Quand les joueurs se battent entre eux, c’est pour récupérer une ressource durement gagnée par l’adversaire. Honnêtement, vu qu’elles pullulent sur le plateau, ça n’a pas grand intérêt. Ça rajoute juste du Chifoumi au Chifoumi. Et vu qu’il va y avoir BEAUCOUP de chifoumi dans le jeu, est-ce pertinent d’en rajouter ?
Quant à perdre une carte sortilège en cas de défaite contre un boss, cela rajoute juste de la durée de jeu (donc de l’ennui). Vous affrontez un Boss, vous perdez la carte de votre choix… et vous avez envie de pleurer. Pourquoi ? Parce qu’il faut à nouveau refaire le tour du plateau, il faut à nouveau collecter des ressources, il faut à nouveau acheter le sortilège, il faut à nouveau aller voir le boss, il faut à nouveau l’affronter, il faut à nouveau perdre, il faut à nouveau refaire le tour du plateau, collecter des ressources, aller voir le boss, le défier, jouer à chifoumi, etc. Le jeu étant franchement aléatoire, cela peut aller très vite comme prendre un très très long moment.
Ce n’est tout simplement pas amusant.
Procès en sorcellerie ?
Cela arrive rarement sur Plateau marmots, mais cela arrive : nous trouvons qu’Isidore n’est pas un jeu intéressant. En fait, c’est surtout qu’il ne présente plus aucun intérêt à l’âge indiqué, 6 ans et plus.
Par acquit de conscience, après des parties avec des grands, je l’ai fait jouer à mon fils de 4 ans. Lui, il s’y est nettement amusé, car il ne connaît pas les jeux de collecte. Le thème et la qualité du matériel ont joué pour beaucoup dans son plaisir de jeu. Il aurait donc été sans doute plus intéressant pour Isidore de jouer la carte des petits marmots de 4 – 5 ans, qui se vaccineront ainsi du Chifoumi pour de longues années à venir.
Après tout, l’âge de Pierre Junior est accessible dès 5 ans, et il est bien plus intéressant. Donc ramener Isidore à 4 ans et plus serait peut-être un moyen de faire oublier sa légèreté ludique. Mais pas sûr.
L’avis de Plateau marmots
Inutile d’épiloguer : Isidore n’est pas un jeu que nous avons apprécié. S’il permet (à la rigueur) d’appréhender le principe de collecte et d’échanges d’ingrédients (vers 4 – 5 ans), il est totalement plombé par sa mécanique de déplacement répétitive, aléatoire et sans saveur, et bien plus encore par la décision de résoudre l’intégralité des actions par des pierre-papier-ciseaux aussi longuets qu’ennuyeux.
Il y a pourtant des choses à faire avec ce jeu tant le matériel est sublime. Il faudrait totalement repenser les combats avec les boss, laisser les marchés vides pour que les joueurs les tiennent eux-mêmes, ajouter des ingrédients… Les plus bricoleurs des ludistes se régaleront à le réinventer pour lui accorder la splendeur et le fun qu’il mérite… Car en l’état, c’est poussif, déséquilibré, soporifique… Quel dommage !
On aime
- Un matériel coloré et magnifique
- Des cartes très solides
- De jolies illustrations
On aime moins
- Pas amusant
- Très répétitif
- Totalement aléatoire
- La quinzaine promotionnelle du chifoumi
- Le mode expert interminable
La dernière version des règles
La règle dans la boîte indique que le joueur qui perd un combat contre un boss perd immédiatement une carte sortilège. Cet effet a été finalement déplacé dans le mode “expert”, pour rendre les parties moins longues.
Le trouver
Fiche Technique
Isidore est un jeu de Hidde van Dijk
Illustré par Roland Mac Donald
Edité par Jumbo.
Pour 2 à 4 joueurs
A partir de 6 ans (mais en fait, il vaudrait mieux commencer avant, vers 4 – 5 ans).
Ben ça fait du bien de lire un commentaire franchement mauvais, ça change sur ce site 😉 Et c’est encore une fois que l’esthétique ne fait pas tout.
C’est un choix éditorial. C’est insatisfaisant, mais je n’ai aps d’autre solution à ce stade. Il y a évidemment beaucoup, beaucoup de jeux qui nous laissent dubitatifs. Les gens ne seront pas volés s’ils les achètent, mais il existe sans doute mieux dans la même catégorie. Mais le trucn c’est qu’on a du mal à trouver le temps de traiter les “bons jeux”, donc les “moyens” passent facilement à la trappe, oui. En revanche, quand on tombe sur un jeu qui propose un véritable déficit de fun, et qui génère plus d’ennui qu’autre chose, il faut se prendre par la main et faire le test, même si c’est au détriment de bons jeux pour lesquels on a moins le temps de parler, pour le coup.
Il faudrait qu’on soit plus nombreux…
Intéressant comme réponse 🙂
Il est vrai que c’est motivant de s’enthousiasmer sur un jeu qu’on a aimé que de construire un argumentaire pour un jeu “mauvais”. C’est comme un vendeur dans un boutique, il ne va présenter au client des jeux qu’il considère comme foncièrement mauvais (même dans les catégories qui ne lui parlent pas, il présentera au minimum des incontournables).
Maintenant, je trouve que pour un média internet, faire de temps en temps des critiques négatives argumentées – ou des critiques mitigées (je pense à Monsieur Caroussel) – cela renforce votre crédibilité et prouve que vous ne nous conseillez pas tout et n’importe quoi. Après, il est évident que c’est au lecteur de faire la part des choses selon ses propres goûts… et son cercle de joueurs disponibles 😉
Au plaisir de vous lire !
Pour aller plus loin dans la réponse, quitte à glisser doucement mais sûrement vers le hors sujet, il n’y a en fait rien de plus satisfaisant que d’écrire un article négatif. C’est très agréable à écrire, c’est excellent pour les nerfs, ça défoule et ça fait du clic. Le risque, c’est de contrarier l’éditeur et de ne plus recevoir de jeux de sa part, mais d’une part l’indépendance est à ce prix, et dans le cas de Plateau Marmots le risque est moindre car on achète ou on emprunte la plupart des jeux que nous testons. Donc bon 🙂
En revanche, on part toujours du principe qu’il n’y a pas vraiment de “mauvais jeux” (car éditer un jeu demande du travail et coûte du pognon, mine de rien), mais surtout des jeux pas assez aboutis et pas dirigés vers la bonne cible. Pour revenir sur Isidore, il ferait un jeu acceptable pour des enfants de 4 ans, en le travaillant un peu. Il est en revanche totalement insuffisant pour des enfants plus âgés.
Dans la plupart de nos tests, vous l’aurez remarqué, on essaye souvent d’analyser ce qui nous a déplu et de proposer des solutions alternatives. C’est le cas pour Animo Dice, par exemple, avec sa règle absurde.
Notre démarche est donc plutôt d’être dans le constructif (plus chronophage et plus gnangnan à lire, mais plus mature sur le fond). Flinguer un jeu, ça défoule, c’est cool, mais ça blesse des auteurs qui n’y sont parfois pour rien (car il arrive que l’éditeur flingue le boulot derrière), et ça ne fait pas grandement avancer les choses.
Alors oui, okay, on y gagne peut-être en crédibilité, je vous l’accorde. Mais encore une fois, nous ne sommes personne. Juste un petit blog amateur qui ramène sa fraise en donnant son avis sur les jeux, sans légitimité ni expérience. Donc la crédibilité, on s’en souciera quand on sera devenus TricTrac Kids ^^. Pour l’instant, on essaye juste d’avertir les consommateurs du risque à acheter certains jeux quand vraiment ça coince, ce qui est le cas ici.
Et oui, on en passe d’autres sous silence quand ils nous laissent totalement indifférents, tout simplement parce qu’on a pas le temps de traiter tout ce que l’on reçoit et tout ce que l’on achète. Quand on gère un site à deux ou trois, et qu’il y a des dizaines de jeux qui arrivent, il y a un moment où il faut faire des choix. Les bons ? Les mauvais ? Les autres ? Pour l’instant on essaie de se focaliser sur le bon et le très mauvais. On verra le reste quand l’équipe sera plus importante…
Ou alors vous venez écrire avec nous ! 😀
Un article que je trouve très intéressant car il y a des arguments. Merci pour cet avis.