Test – Yum Yum Island

Les animaux de l’île de Yum Yum vivaient en paix. Du soleil, des plages de sable fin, une végétation luxuriante, une absence totale de 4G… Et puis est arrivé Ferdinand. Ferdinand n’est pas un mauvais bougre, vous savez. Mais il mange, il mange… Il mange tout ce qu’il trouve. Un peu normal pour un ogre, me direz-vous ? Certes. Mais il mange vraiment toute la nourriture de l’île. Et les animaux qui vivent là, alors ? Ben ils n’ont plus rien à grailler ! Ils ont donc lancé un vibrant SOS à la Space Cow Über Restauration Team, afin de se faire livrer un bon petit plat… et si possible en moins de trente minutes. Une tortue géante a donc été affrétée pour s’approcher de l’île, et des pélicans de ravitaillement vont pouvoir prendre leur envol. Oui, mais voilà, une grosse purée de pois a fait son apparition et la visibilité est nulle sur l’île de Yum Yum. Peut-être sera-t-il possible de guider les pélicans par radio ? Vite ! La situation des animaux devient désespérée !

Yum Yum Island est un jeu de Laurent Escoffier, illustré par Julien Loïs. Prévu pour 2 à 5 pélicans, il est jouable à partir de 6 ans, voire un peu avant.

Space Cow : un nouvel éditeur qu’on aimeuh déjà !

On ne va pas en faire des tartines sur Space Cow, qu’on a longuement présenté ici ou. Pour les nouveaux venus, sachez juste qu’il s’agit d’un studio créé par de grands professionnels du jeu de société pour enfants, à commencer par Benoît Forget et Wilfried Fort. Ce studio est une déclinaison de l’éditeur Space Cowboys connu dans le monde du jeu de « grands » pour des titres comme Unlock ou Time Stories.  

Yum Yum island est le premier jeu de Space Cow, avec bien évidemment de nombreux autres titres en préparation. La création d’un tel studio (comme ce fut le cas pour Loki) montre bien l’intérêt porté par les grands éditeurs à la conception de jeux pour enfants aussi soignés qu’aboutis. Et ça, on ne peut bien évidemment qu’adorer.

On s’amusera d’emblée à noter que Space Cow tente une nouvelle classification pour la toujours délicate question du : « ça se joue à quel âge ? » en proposant une fourchette plutôt qu’un âge simplement avancé sur la boîte. C’est assez bien vu, très graphique, et ça a le mérite d’être original. On sent que l’éditeur fourmille de belles idées.

Yum Yum Island est donc un jeu d’adresse coopératif sur fond de sauvetage miamiaesque. Les marmots vont devoir bosser tous ensemble pour gagner la partie, c’est-à-dire nourrir tous les animaux avant que Ferdinand n’ait le ventre plein.

Alors secouez-vous les plumes… et fermez les yeux !  

Une île très zoulie

La boîte de Yum Yum Island (déjà fort jolie) contient encore plus de jolies choses une fois le jeu mis en place. Le jeu se compose d’animaux en carton TRÈS fort (et double épaisseur) qui ont la gueule grande ouverte. On le devine : c’est à cet endroit qu’il faudra viser pour les nourrir. Vous trouverez également des palmiers (beaucoup moins accessoires qu’il n’y paraît), une tortue de transport géante (elle aussi fort utile lorsqu’on comprend son double intérêt), un dé, plein de mini jetons pour représenter la nourriture, un sac de rangement et 5 masques permettant de masquer la vue des marmots pélicans en approche finale.

Une fois le jeu en place, il attire fatalement les regards tant il est coloré et agréable à regarder. Mention spéciale aux animaux. Non seulement ils sont très jolis, mais ils sont surtout nombreux et variés. À chaque partie, vous jouerez avec 5 ou 6, et il y en a douze au total. Chaque animal étant différent, certains bien plus difficiles que d’autres (et certains avec des effets de jeu, vous aurez tout loisir de varier les parties. Un excellent point !

Pour finir sur le contenu, la règle est un peu bizarre. Oh, elle est assez claire et plutôt agréable à lire, ce n’est pas la question… mais elle pourrait être plus concise sur certains détails… et donner des exemples des variantes qu’elle propose de créer. On y reviendra plus bas.  

L’affaire Pélican

Le tour de jeu commence par une mise en place rapide. L’île est formée en plaçant l’Ogre au centre de l’aire de jeu, avec les 4 palmiers dans le prolongement de ses bras et jambes. Les animaux sélectionnés sont ensuite placés autour de l’Ogre.

Les jetons nourriture sont déposés tels quels sur le dos de la tortue, sans tri préalable. La tortue, quant à elle, est placée devant le premier joueur. Chaque joueur se saisit alors d’un masque qu’il place sur sa tête… mais pas encore sur ses yeux !

Le premier joueur jette le dé… et c’est parti !

Selon le résultat du dé, 3 cas de figure peuvent se produire : mission coop’, mission solo et libération d’animal.

Un raid à planifier

La mission coop’ est celle qui définit le mieux le jeu. L’idée est donc de nourrir un animal que vous allez choisir au préalable. Si vous observez attentivement la gueule ouverte des animaux, vous verrez qu’un certain nombre de jetons d’une couleur précise est indiqué. Ce sont les jetons qu’il va falloir lui expédier afin qu’il soit rassasié. Le rose, signifie que l’animal est carnivore, le vert herbivore.

Certains animaux sont très simples, avec une grande bouche facile à viser. Certains sont bien plus complexes, avec des gueules bien plus complexes à atteindre. Cela fait partie du plaisir de jeu que d’alterner la difficulté des largages.

Obtenir le droit de faire une mission coop a toutefois un coût : vous devrez verser deux jetons nourriture à Ferdinand, gratos, en préambule du décollage. Idéal pour faire monter la tension et se souvenir qu’on est pas là pour rigoler.

Votre mission stricto sensu commence donc par un repérage du trajet à effectuer entre la tortue de ravitaillement et la cible. Il faut vous représenter la direction à suivre, et la distance indicative. Il faut aussi repérer, sur la tortue, où se trouvent les jetons de la couleur nécessaire pour nourrir votre cible.

Ensuite, zou, on met le masque est c’est parti.

Pélican l’appétit va tout va

À l’aveugle, on commence par prendre des jetons sur le dos de la tortue. Il faut, bien évidemment, vous souvenir de l’emplacement des jetons de la couleur que vous souhaitez larguer. Une fois vos jetons empilés entre le pouce et l’index, vous pouvez décoller. Les autres joueurs feront office de guides tout au long du vol : « vers moi, vers la télé, vers papy, descends vers la cible, etc. ». Une fois au-dessus de l’objectif, ils vous donneront le go et vous pourrez larguer votre cargaison. Il faut souhaiter que la majorité de al nourriture atteigne sa cible, car tous les jetons qui auront atterri en dehors de la gueule de l’animal sont automatiquement  mis dans la bouche de Ferdinand. Il faudra donc visiter juste… et éviter les rebonds.

Il y a bien évidemment quelques contraintes à respecter, et la plus importante c’est que vous n’avez pas le droit de toucher la table ou l’animal visé. Cela correspondrait à un crash aérien, et toute la cargaison serait récupérée par Ferdinand. Bing.

Une fois le largage effectué vous pouvez contempler (plus ou moins fièrement) les résultats. Si un animal a obtenu le bon nombre de jetons de nourriture de la bonne couleur, il est hors de danger et placé de côté. Les jetons en excédent sont donnés à Ferdinand.

Une fois libérés, certains animaux déclenchent un pouvoir sympatoche : on en parlera un peu plus bas. 

C’est ensuite au joueur suivant de lancer le dé. Il pourra compléter un animal déjà en cours de gavage nourrissage, ou en choisir un autre.

« Luke, votre ordinateur de visée est coupé »

Si la face du dé indique une mission solo, le joueur devra procéder comme pour un vol coop’, mais il sera seul dans le noir : aucun joueur ne sera autorisé à communiquer avec lui.

À lui de bien mesurer les distances et de s’aider ensuite en prenant appui par exemple sur le palmier le plus proche pour mesurer la hauteur de son vol et éviter le crash. La tortue porte-pélicans comporte également une pointe que l’on peut diriger à loisir vers la cible avant le décollage pour s’assurer être dans la bonne direction.

Après le décollage il faudra faire appel à votre intuition pour expédier la torpille dans le réacteur vos jetons dans la gueule d’un animal… à supposer que vous ayez réussi à prendre ceux de la bonne couleur au moment du décollage. 

Grossbouff’ a pu faim

La dernière face du dé a pour effet de sauver directement un animal en cours de nourrissage. Il vous faudra sélectionner un animal qui a déjà reçu des jetons (mais pas assez pour qu’il soit complètement nourri) et de le considérer comme sauvé, mais vous serez obligé d’embrayer sur une mission solo dans la foulée.

On voit tout de suite une stratégie se dessiner consistant à nourrir un petit peu chaque cible sur la table, en espérant que cette face de dé (1/6) ne vienne vous aider dans votre dur labeur.

La partie s’achève lorsque le dernier animal aura été nourri, ou lorsque Ferdinand sera tellement plein de nourriture que vous ne pourrez plus en enquiller dans son système digestif, signe de défaite collective.

Dans tous les cas, vous pourrez tout de même vous féliciter chaleureusement pour cette mission de haut vol.

C’est pour une livraison !

Yum Yum Island est très sympathique à jouer et appelle naturellement à la partie une fois mis en place. C’est beau, la qualité du matériel est remarquable, et on a envie de s’y coller tout de suite.

Pour tout vous dire, Yum Yum Island nous évoque une très intéressante fusion entre Flooping (Blue Orange) et Spooky Castle (Queen Games), c’est-à-dire du guidage coop’ et une évaluation des distances à l’aveugle. Ceux qui connaissent ces deux jeux seront donc en terrain connu avec Yum Yum. Les sensations de jeu sont bien évidemment excellentes, que l’on soit en mode « guidage » ou en mode « pilotage dans le noir ». Les deux sensations sont très différentes, et aussi agréables l’une que l’autre. C’est un régal de voir qu’un équipier parvient à lancer la nourriture sur la cible suite à nos indications, comme c’est un vrai plaisir d’y parvenir en solo, après une juste évaluation des distances. Car vous allez en foutre beaucoup à côté, autant vous prévenir. Tout est conçu pour que les jetons rebondissent et s’éparpillent un peu partout autour de la cible afin de précipiter la fin de partie. Ce qui pose d’ailleurs une question stratégie à prendre en début de mission : combien de jetons embarquer ? Un, pour limiter la casse, ou beaucoup, pour tenter de nourrir la bestiole en une fois, à supposer que vous ayez les bons jetons évidemment. Les marmots s’éclatent, les adultes aussi, et même si Yum Yum n’est clairement pas le jeu auquel on jouera des heures durant, il faut partie de ceux qu’on a plaisir à ressortir pour des petites parties de temps en temps : la rapidité de la mise en place est clairement un atout.

Lâchés dans la nature ?

Le jeu est plein de possibilités et la règle nous incite volontiers à prendre la main sur le jeu pour en faire un peu ce que l’on veut. On aurait toutefois apprécié que la règle du jeu prenne les parents débutant davantage par la main en étant plus précise et plus riche en idées de jeu.

En effet, les joueurs ont en effet toute latitude pour placer les animaux comme ils le souhaitent en début de partie. Pourquoi ne pas proposer 3 configurations d’île (facile, moyenne, difficile) pour mettre le pied à l’étrier et donner des idées ?

Peut-être pas sur la règle papier, d’accord, mais au moins sur le site Internet de l’éditeur ?

Il est également très facile de mettre en place des modes de jeux chronométrés, en scoring, etc., mais il aurait été cool d’avoir un coup de pouce de Space Cow sur ce point.

Alors les variantes ne sont pas indispensables au jeu, c’est bien certain, mais dans le cas de Yum Yum Island, on sent que le jeu est clairement calibré pour être adapté (je pense que je vais créer une agence de conseil en création ludique tant je fourmille d’idées, d’ailleurs 😉).

La règle est aussi un peu light sur certains petits détails, qui mériteraient d’être écrits noir sur blanc. Un exemple parmi d’autres : dans le vol coop’, est-ce que les coéquipers ont le droit de vous dire que vous n’avez pas pris des jetons de la bonne couleur ? Si oui, c’est l’assurance de toujours prendre des jetons de la bonne couleur, ce qui est pas top, sinon la motivation sera moindre à guider un coéquipier qui n’embarque de toute manière pas les bonnes ressources, à moins de le dérouter sur une autre cible (ce qui n’est pas prévu, du coup).

Rien de grave, donc, mais un tout un tas de « pti détails » dont on vous fait grâce et qui donnent la sensation que la règle du jeu aurait pu bénéficier de deux pages de plus.

Par le pouvoir du lion ancestrââââaâl !

Petit twist bienvenu, certains animaux, une fois sauvés, déclenchent un effet de jeu, souvent sympathique. L’araignée, par exemple, vous permet trier les jetons sur la tortue afin de se repérer plus facilement au décollage. Indispensable ! Les Boas demandent à être sauvés en premier, les castors bouffent les arbres et le gorille enlève de la nourriture de la gueule des autres animaux. Chouette ! Mais sur 12 animaux, seuls 6 produisent un effet. Pour les 6 autres, la règle nous invite à… les inventer nous-mêmes.

L’idée est cool, mais il faudrait un support sympa pour le faire. Soit une aide de jeu à compléter, soit la possibilité de les saisir sur le site Space Cow et de les imprimer avec une jolie mise en page toute prête… Ou mieux encore : un grand concours récompensant les effets les plus imaginatifs !

Pélican on aime, on ne compte pas

L’ennui c’est que ces petits détails cumulés donnent l’impression que le jeu n’est pas aussi abouti qu’il aurait dû l’être. Mais encore une fois, ne vous y trompez pas : Yum Yum est très plaisant à jouer, et les possibilités qu’il offre sont nombreuses et seulement limitées par votre imagination. De notre côté on s‘est par exemple éclatés en ravitaillant les animaux deux par deux, ou en imposant l’animal à sauver en le désignant au dé.

Les yeux fermés !

Un tout dernier point à prendre en compte (mais pour le coup, le jeu n’y est pour rien) : comme tout jeu qui se joue avec un masque, il faudra faire appel au bon esprit des joueurs, car il est facile de tricher. On pourra toujours positionner le masque de sorte à voir en dessous, et fausser ainsi un peu le plaisir de la partie. On pourra également jurer ne pas avoir touché la table alors que le crash était flagrant. C’est toujours bizarre de tricher sur un jeu coopératif, mais certains ne peuvent s’en empêcher… Un petit brief sera parfois nécessaire pour s’assurer que tout reste fluide, et que le fun ne retombe pas !

L’avis de Plateau Marmots

Yum Yum Island est une réussite, et le plaisir de jeu est bien là, servi par un principe simple et par un matériel particulièrement soigné, solide et joliment illustré. On s’amuse volontiers sous son masque à faire confiance aux autres joueurs pour nous guider, ou au contraire dans le silence absolu, à tenter d’évaluer la distance qui vous sépare de la cible. C’est grisant et jubilatoire lorsqu’on parvient à réaliser un joli coup, et c’est le genre de jeu qui unit véritablement les joueurs autour d’un objectif commun.

Aussi réussi qu’il soit, le jeu aurait pu aller plus loin dans son aspect « bac à sable » en mettant le pied à l’étrier aux parents fatigués que nous sommes. Il y a en effet possibilité d’inventer de très nombreuses variantes et modes de jeux, et il aurait été sympatoche que la règle nous donne quelques pistes pour visiter une Yum Yum Island pleine de surprises… à inventer soi-même. La règle, un peu expédiée (j’allais écrire « survolée ») aurait mérité quelques lignes en plus, afin de nous inviter à toujours plus de variété.

On aime

  • Un excellent concept
  • Un matériel très réussi
  • Des illustrations magnifiques
  • Plein de bonnes idées
  • Pilotage solo ou coop’, des grosses différences de sensations
  • Des possibilités de customisation énormes

On aime moins

  • La règle aurait gagné a être plus détaillée
  • Gare à la triche

Le trouver

Chez Philibert

Fiche Technique

Un jeu de Laurent Escoffier
Illustré par Julien Loïs.
Edité par Space Cow
Prévu pour 2 à 5 pélicans
A partir de 6 ans, voire un peu avant.

Pour aller plus loin

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