Test – Piratissimo
« Ô Pirate junior,
Qui ne craint les tempêtes,
Empare-toi de trésors
Mais jamais plus de sept.
Car si tenté quand même,
Tu t’obstines, Matelot,
En prenant le huitième,
Ton bateau prendra l’eau… »
(Poème pirate – Auteur Anonyme et c’est tant mieux)
Coffre au trésor à tribord !!!
« Piratissimo » est la réédition d’un jeu de chez Selecta. Cet éditeur allemand étant réputé pour la qualité du matériel de ses jeux, c’est sans surprise qu’on ouvre la boîte comme on ouvrirait un petit coffre au trésor. Peu rempli, certes, mais dévoilant son lot de pépites.
4 petits bateaux en bois tout d’abord, avec leurs mâts sur lesquels on enfilera des perles dorées durant la partie. Perles qui symboliseront les trésors amassés. Perles en bois, là aussi. Tout comme le pion tornade et le dé. Du très beau matériel qui donne immédiatement envie d’enfiler son tricorne et de larguer les amarres.
Mais l’éditeur originel Selecta a beau avoir très bon goût niveau matériel en bois, il est aussi réputé pour ses ignobles boîtes de jeu. Et à ce niveau-là, Matagot a fait un très beau travail de réédition. Même si les illustrations sont loin de provoquer l’effet « Wahou », les enfants s’identifient immédiatement au petit Pirate qui orne la couverture.
La règle du jeu, abondamment illustrée, devient plus agréable à lire que le noir et blanc minimaliste de la première édition
Le plateau a lui aussi été redessiné et gagne en lisibilité. Au centre, on y trouve un compas de navigateur et son aiguille à tourner comme une roulette. Tout autour, un archipel d’îles forme un parcours circulaire, chaque île représentant une case.
Cet archipel, c’est le fameux « Cercle des Bermudes ». C’est là que tous les trésors des Pirates se sont mystérieusement échoués.
Et comme de par hasard, vous passiez dans le coin…
On fait juste un crochet, Capitaine…
Avant de débuter la partie, chaque joueur place un bateau sur son port de départ, et l’ensemble des trésors en bois est entreposé près du plateau. Le premier joueur pose alors le pion tornade sur une île de son choix.
Larguez les amarres !!! Déployez les voiles !!! La course aux trésors peut débuter !!!
A votre tour, vous lancez le dé et avancez votre bateau du nombre d’îles indiquées (de 1 à 4) dans le sens des aiguilles d’une montre. Car il est bien connu que les pirates naviguaient toujours dans le sens des aiguilles d’une montre.
Si le dé indique le symbole « Tornade », non seulement vous avancez votre bateau d’une île, mais vous faites bouger la tornade d’une à quatre îles dans le sens anti-horaire.
Car, comme tout bon météorologue vous le dira, une tornade se déplace toujours dans le sens anti-horaire. Mais nous reviendrons plus tard sur ce phénomène météorologique fascinant.
Voyons pour le moment où a atterri votre bateau.
- Sur une île vide ? Votre tour se termine immédiatement.
- Sur une île qui contient un coffre fermé ? Vous pouvez charger tout ou partie des trésors indiqués (de 1 à 3) dans votre bateau.
- Sur une île qui contient un coffre ouvert ? L’appât du gain vous aveugle et vous devez charger la totalité des trésors.
- Sur une île où se trouve déjà un autre bateau ? Partez à l’abordage !!! Faites tourner l’aiguille du Compas pour savoir si votre acte barbare et immoral réussit. Si c’est le cas, volez 2 trésors à votre adversaire.
- Sur une île où se trouvent déjà deux autres bateaux ? Il y a beaucoup trop de pirates par ici, Moussaillon !!! Avancez sur l’île suivante…
Si, à n’importe quel moment, vous devez charger un huitième trésor dans les cales de votre bateau, celui-ci se retrouve en surcharge et chavire. Une partie de votre cargaison tombe alors à l’eau et vous ne conservez que 3 trésors.
Cette petite règle est tout le cœur de « Piratissimo ». Il faudra être avide mais pas trop. Vous ne pourrez, en effet, décharger vos trésors qu’après avoir fait le tour complet de l’archipel et être revenu à bon port.
Avant cela, il vous faudra tenter de gagner au mieux 7 trésors, sans jamais dépasser ce chiffre.
Deux astuces stratégiques vous y aideront :
- Certaines îles abritent des coffres fermés qui permettent de doser le nombre de trésors que vous chargez, comme nous l’avons déjà vu.
- En payant un trésor, vous pourrez emprunter l’un des raccourcis du parcours pour atteindre votre port plus rapidement et éviter certaines îles trop remplies d’or.
Le premier joueur à ramener un neuvième trésor à son port de départ gagne la partie.
Les GAU… GAU… Les GAU… GAU… Les GAULOIS !! Ah, non, une tornade…
Mais… Et la tornade, alors ? Bah oui, la tornade…
Quand un joueur obtient un symbole « Tornade » sur le dé, il peut faire avancer celle-ci de 1 à 4 îles. Si un bateau se trouve là où elle s’arrête, c’est la bérézina…
Le joueur tourne l’aiguille du compas pour déterminer les conséquences de cette catastrophe climatique.
Le bateau peut ainsi reculer de 2 îles, perdre 2 de ses trésors (pour l’instant tout paraît logique dans l’hypothèse d’une tempête) ou donner un de ses trésors au joueur qui a déplacé la tornade (là, on est plus dubitatifs).
En tout cas, soyez sûr qu’elle fera de nombreux dégâts pendant la partie puisque 2 faces du dé possèdent son symbole.
Sans jambe ni langue de bois
Soyons honnête, même si ma fille de 8 ans aime ce jeu, il me laisse personnellement sceptique.
Je trouve l’aspect « prise de risque » très intéressant, mais la part prépondérante du hasard vient le rendre stérile. Entre les lancers de dés pour se déplacer, le hasard de la roulette lors des abordages, l’avancée de la tornade et ses effets eux aussi définis par la roulette, on finit par avoir l’impression de jouer à un Jeu de l’Oie, certes plus thématisé et plus palpitant, mais à un Jeu de l’Oie quand même. Et notre petite stratégie patiemment mise en place peut s’écrouler en un tour de table, juste avant d’arriver au port, nous faisant débarquer 2 misérables trésors.
Autre déception : l’abordage (le moment où deux bateaux se rencontrent), qui devrait pourtant faire le sel du jeu, ne se produit finalement que très peu à 3 ou 4 joueurs, voire pas du tout à 2 joueurs.
On passe plus de temps à envoyer la tornade sur les autres bateaux qu’à les saborder, ce qui pour le thème est, vous l’avouerez, assez décevant.
Enfin, l’objectif des 9 trésors pousse le jeu à se dérouler en deux tours de plateau (d’Archipel, pardon). Or, à la fin du premier tour, il s’avère très difficile d’inverser la tendance. Ceux qui auront débarqué 6 ou 7 trésors ne devront en charger que très peu, diminuant ainsi leurs chances de chavirer, et n’auront plus qu’à invoquer le dieu des dés pour qu’il les ramène au plus vite à bon port. Ceux qui n’auront débarqué que 3 ou 4 trésors, devront eux faire bien plus d’escales et prendre beaucoup plus de risques.
Finalement, que ce soit pour contrer cette impression de win to win (amis de la francophonie, bonsoir) ou la durée qui traîne parfois en longueur, on en vient à se dire qu’un seul tour d’Archipel serait bien plus équilibré.
Alors à qui s’adresse ce jeu ?
- Papy Barberousse, qui ne joue qu’au Jeu de l’Oie et aux Petits Chevaux, trouvera dans « Piratissimo » une alternative bien plus intéressante et à peine plus complexe (une fois ingurgitée la règle) pour jouer avec ses petits-enfants.
- Le petit Calicot Jack, tout juste 6 ans et encore habitué aux jeux dictés par les jets de dés, vivra là une belle aventure entrecoupée de quelques choix stratégiques intéressants.
En plus, ne lui dites pas, mais il maniera sans le savoir des additions et soustractions de base.
- Sa grande sœur, Anne Bonny, qui va sur ses 9 ans et qui est depuis longtemps passée aux multiplications et aux jeux un poil moins chaotiques sera, elle, bien plus mitigée.
- Quant à Papa Barbenoire, qui a déjà sillonné de nombreux jeux et goûté à l’immensité de l’océan ludique, il s’ennuiera ferme, d’autant que les parties auront parfois tendance à s’éterniser.
Derrière son matériel de qualité, « Piratissimo » cache un jeu loin d’être mauvais, mais qui ne conviendra pas à toutes les familles Pirates.
On aime :
- Le matériel qui invite à l’aventure
- Le principe de prise de risque
On aime moins :
- La trop grande place du hasard
- La longueur de certaines parties
Vous aimerez sans doute ce jeu si :
- Piraterie est pour vous synonyme d’aventure et de retournements de situations incontrôlés
Fiche du jeu :
- Un jeu de Manfred Ludwig
- Illustré par Anne Pätzke
- Edité par Matagot
- Pour 2 à 4 Marmots
- De 6 ans et plus
Où le trouver ?