Ludinord 2024: Le feCh’tival ludique (Jour 02)

Deuxième journée dans les allées de Ludinord. On commence à connaître les lieux et on sait que l’après-midi sera plus compliquée pour trouver des tables libres. Alors on s’organise, on stratégise, et on vous raconte ici tout ce qu’on a pu voir…


La collection Feux-Follets

Depuis Cannes, on voyait passer leurs magnifiques visuels sur les réseaux sociaux. Alors quand on les a aperçues toutes les 3 sur le coin d’une table, on n’a pas pu résister et on a demandé à Antoine Davrou de chez Ghost Dog de nous les présenter. Je vous parle bien sûr des 3 premières boîtes de la collection Feux-Follets, à paraître courant juin chez cet éditeur. 3 premiers titres (« Migo », « Crazy Sherlock » et « Yellow Brick Road ») qui ont pour point commun, en plus de leur illustrateur, d’être des boîtes au tout petit format, sans plastique et accessibles dès 8 ans.

On a eu la chance de pouvoir tester “Crazy Sherlock” et “Yellow Brick Road”. On vous reparlera très prochainement de “Migo”, le jeu de collection signé par le grand Bruno Faidutti.

Crazy Sherlock

C’est le plus « Marmot » des 3 jeux. Il s’agit d’un Cluedo sans pion, sans plateau… et sans prise de note. C’est donc votre mémoire qui va être mise à contribution.

Les 18 cartes que contient la boîte sont de 5 types (Accessoire, Taille, Yeux, Heure et Lieu) et définissent le coupable et les circonstances d’un crime à résoudre.

À chaque manche, on met une carte de chaque type de côté. Le reste des cartes est distribué équitablement entre les joueurs et va tourner de main en main. À vous de faire preuve de mémoire et d’être le premier à déduire les 5 cartes mises de côté, pour résoudre l’enquête et gagner la manche. Le premier joueur à remporter 2 manches gagne la partie.

« Crazy Sherlock » s’approche plus d’un party game familial que d’un véritable jeu de déduction. C’est en tout cas un concept qui met notre mémoire à rude épreuve. D’autant que plus les enquêtes s’enchainent, plus on se demande si on a vu telle carte à cette manche où à la précédente. Ce qui crée des petits fous rires lorsqu’un joueur se plante en beauté, et permet de beaux retournements de situation.

Yellow Brick Road

Il s’agit d’un jeu de « construction de grille », exclusivement pour 2 joueurs. Chacun est chargé de construire la fameuse route en brique jaune du monde magique d’Oz, sur une grille de 3 cartes par 3. Au bout de 9 manches, celui qui aura créé la route la plus cohérente deviendra l’architecte officiel du pays d’Oz.

Lorsque c’est à vous de jouer, votre adversaire envoie un satané Singe Volant bloquer une ligne ou une colonne de votre grille. Vous posez alors l’une de vos 2 cartes en main sur un emplacement non bloqué. Plus vos portions de routes sont correctement connectées, plus vous gagnerez de points en fin de partie.

Deux animaux présents sur certaines cartes viennent vous aider dans votre entreprise de BTP. Le Serpent de Bois et l’Oiseau de Saphir vous permettent respectivement d’intervertir 2 cartes adjacentes ou de ne pas vous faire bloquer par un Singe Volant au prochain tour.

Expliqué rapidement, jouable en une dizaine de minutes et transportable partout, « Yellow Brick Road » est une excellente initiation aux jeux de « construction de grille » (comme l’avait été « Soum Soum » l’année dernière). Non dénué d’une petite profondeur stratégique, on se demande toutefois s’il ne perdra pas en intérêt au fil des parties.


Balloon Pop vs Shuppa (ou le duel sans pitié des Candy Crush-likes)

Sur les deux extrémités d’une même table, on a pu découvrir 2 jeux inspirés du célèbre « Candy Crush ».

A ma droite, « Balloon Pop », une grosse boîte bien remplie qui vient de sortir chez Iello. A ma gauche, « Shuppa », un tout petit jeu de carte à paraître chez Ludically. Niveau matériel, « Balloon Pop » bat « Shuppa » à plate couture. D’ailleurs le public de Ludinord ne s’y est pas trompé puisqu’il était plus simple de trouver une chaise libre devant le jeu de Ludically que devant celui de Iello.

Pourtant, après une première partie (toujours très subjective dans le cadre d’un festival) Shuppa a mis KO « Balloon Pop ». Ce dernier a beau être rempli de matériel à ras bord (un sac de cubes translucides et colorés, des plateaux double-couche, des cartes…), son principe n’a rien d’une envolée ludique. A chaque manche, on forme autant de ligne de 4 cubes colorés que de joueurs. Aussi étrange que cela puisse paraître, ces cubes représentent les fameux ballons du titre.

Simultanément, les joueurs choisissent l’une des cartes de leur main, numérotées de 1 à 10, qui va définir à la fois l’ordre dans lequel ils vont choisir l’une des lignes de cubes, et la contrainte de pose dans leur grille (verticalement, horizontalement, 3 cubes parmi les 4…). Plus une carte est de grande valeur, plus elle vous permet de choisir en premier mais plus sa contrainte est forte.

Lorsque chaque joueur a récupéré une ligne de cube, il la fait « décoller » dans sa grille à la manière d’un Tetris… mais vers le haut. Chaque groupe de 4 couleurs identiques explose et fait gagner des points. Un cube illustré d’une étoile compte comme 2 ballons dans la formation d’un groupe.

En plus de ces points, on ajoute en fin de partie, des bonus pour chaque ligne et colonne vide.

Autant vos dire que notre partie de “Balloon Pop” nous a laissé de marbre, aussi bien moi que ma Marmote. A aucun moment, on a ressenti le frisson de la grille qui va déborder ou des explosions en série. On y a joué sans déplaisir… mais sans grand plaisir non plus.

« Shuppa » aurait pu, lui aussi n’être qu’un énième dérivé de « Candy Crush » sans grande originalité. Mais un simple twist mécanique réussit à en faire un jeu nerveux, taquin et incroyablement addictif.

Pas de ballons cubiques, ici, mais des bonbons colorés sous forme de cartes. La grille est commune à tous et se compose d’autant de colonnes que le nombre de joueurs + 3 (vous allez vite comprendre pourquoi). En plus d’être illustrée d’un bonbon coloré, chaque carte indique un chiffre entre 1 et 99.

À chaque manche, 3 cartes sont piochées et placées en ligne dans l’ordre croissant de leurs chiffres. Les joueurs choisissent alors simultanément une carte de leur main (parmi 9 en début de partie), et placent un jeton à leur couleur dessus.

Ces cartes sont intercalées entre les 3 précédemment piochées, toujours en suivant l’ordre croissant. Cette ligne descend alors à la manière d’un Tetris pour venir compléter la grille.

Si votre jeton se trouve sur une carte qui forme un groupe d’au moins 3 bonbons adjacents de même couleur, vous gagnez toutes les cartes de ce groupe. Sinon, vous ne repartez pas bredouille puisque vous recevez une carte Bonus en compensation. En plus d’être illustrée d’un Bonbon qui vient enrichir votre main, ce type de carte vous accorde une action Bonus que vous pourrez utiliser lors d’une prochaine manche (intervertir 2 cartes, changer une carte de colonne…).

Après 7 manches, le joueur qui a collecté le plus de cartes Bonbons (les Violets comptent doubles) gagne la partie.

Depuis le Festival, on a pu tester “Shuppa” dans toutes les configurations (de 2 à 4 joueurs) et avec des publics très différents. Ce fut chaque fois un joli moment. Même s’il s’avère que la main initiale de 9 cartes influe beaucoup sur vos chances de remporter la partie. Et cela peut parfois être frustrant. Malgré ce petit bémol, il serait dommage de ne pas goûter à ce petit bonbon ludique. Un jeu où l’on passe son temps à tenter de contrôler l’incontrôlable. Et où l’on essaye de cerner à chaque manche, ce que vont jouer nos adversaires.


Concours de Créateur – Prix Ludinord

Ludinord, c’est aussi un concours de créateurs regroupant 3 catégories : les jeux enfants, les jeux familiaux et les jeux experts. Vous imaginez bien qu’on s’est concentré sur la première catégorie.

Sur les 5 jeux présentés, 4 nous ont fait de l’œil et l’un d’eux a été un énorme coup de cœur partagé avec ma Marmote.

Smoggy (de Benjamin Ferrié)

Je dois vous avouer que je me suis assis un peu à reculons à cette table. Contrairement à ma Marmote qui a été immédiatement conquise par le matériel délirant et coloré de ce jeu. Il faut dire qu’avec ses 4 lunettes déformantes (aux effets différents) et ses palets colorés, « Smoggy a tout du jeu de grande surface. Il fait d’ailleurs furieusement penser à l’horrible « Mirogolo ». Je suis pourtant ressorti assez emballé par ma partie.

A votre tour, vous empilez un palet sur une tour commune à tous les joueurs. Si elle s’écroule, vous récupérez les palets qui sont tombés. Le premier à se débarrasser de tous ses palets gagne la partie. Jusqu’ici rien de bien compliqué. Mais à chaque tour, vous aurez l’une des 4 paires de lunettes déformantes sur le nez. La couleur du palet que vous posez définit d’ailleurs quel type de lunettes doit porter le joueur suivant. Plus la vision d’une paire de lunette est altérée (certaines jouent sur la déformation, d’autre sur la visibilité réduite), plus le palet est simple à poser. Cette difficulté est définie par la conception même de palets, avec leurs petits yeux bombés sur le dessus et une surface en velours sur le dessous, qui créent des réactions physiques assez étonnantes.

Smoggy est un party game familial vraiment plaisant, mais on doute de son intérêt une fois passé la découverte.

Il faut sauver Noël (de Cédric Distelmans)

Autre table, autre ambiance avec ce jeu de deckbuilding à destination des Marmots de 7 ans et plus. Forcément, en écoutant les règles, on ne peut s’empêcher de penser à « Super Miaou », sorti l’année dernière chez Space Cow. On retrouve en effet quelques similitudes comme la main de 2 cartes placées face visible devant soi.

Mais « Il faut sauver Noël » va plus loin qu’un simple deckbuilding et intègre aussi des dés et des tuiles dans ses mécaniques. Certaines cartes donnent en effet le droit de lancer un dé qui permet d’en piocher de nouvelles ou de gagner des ressources supplémentaires. Car c’est autour de 3 ressources (Bois, Coton et Plastique) que s’articule le jeu. Combinées ensemble, elles permettent de fabriquer des tuiles Jouets (Poupée, Voiture ou Cubes). On gagne des points en déposant ces Jouets au pied du sapin. Si possible en validant l’une des Listes au père Noël (combinaison de plusieurs jouets) pour gagner un bonus.

« Il faut sauver Noël » est donc un jeu qui se démarque de « Super Miaou » par son concept de gestion de ressources et de course à l’Objectif (les Lettres au père Noël). Mais il devra être grandement épuré (beaucoup de cartes Bonus, Joker difficile à appréhender…) et il faudra rendre la manipulation bien plus aisée, pour le rendre vraiment accessible aux Marmots. Un prototype à suivre, en tout cas.

Battle Glacial (de Rémi Bernard)

Aussi bien dans son matériel que dans ses mécaniques, « Battle Glacial » a tout d’un jeu déjà vu mille fois. Un jeu où l’on déplace des pingouins sur une banquise, à coup de cartes Mouvements.

Et pourtant, on est ressorti de notre unique partie, essoufflé, le sourire aux lèvres, avec la satisfaction d’avoir joué à un jeu nerveux et à la rythmique parfaite.

À votre tour, vous choisissez l’une des cartes Mouvements de votre main. Vous faites alors glisser votre pingouin dans la direction indiquée jusqu’à rencontrer un obstacle. Bien souvent, il s’agira de l’un des blocs de glace qui entoure le plateau. Vous récupérez celui-ci devant vous. En fin de partie, il vaudra autant de points que de poissons cachés en dessous.

Parfois, dans votre glissade, vous percutez un pingouin adverse. Vous l’envoyez alors en ligne droite dans la direction dans laquelle vous l’avez percuté.

Si votre pingouin ou celui d’un adversaire perfidement percuté, fini sa glissade hors du plateau, un jeton « Stop » doit être dépensé pour sauver sa peau. Mais attention : vous n’en avez que 3, et une fois le troisième utilisé, la partie est perdue.

Le jeu se termine lorsque tous les pingouins, sauf un, ont glissé hors de la banquise. Celui qui a récolté le plus de poissons (sous les blocs de glace gagnés) remporte la partie.

On regarde d’abord le plateau en se disant que les pingouins n’ont que peu de chance de se percuter et de se faire des crasses. Mais c’est sans compter quelques petits éléments qui ne sautent pas immédiatement aux yeux : les crevasses dans lesquelles il ne faut surtout pas tomber, les bonhommes de neige contre lesquels on rebondit…  Et petit à petit, ce plateau qui nous paraissait monolithique se transforme en un flipper géant où tous les mauvais coups sont permis pour envoyer les adversaires hors du plateau. Le public ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisque c’est ce jeu qui a gagné le Prix Ludinord Enfants 2024.

Patte Magique (de Marc Gaudignon)

Voici le prototype qui a été un véritable coup de cœur pour moi et ma Marmote. Et quand je dis « Coup de Cœur », je mesure mes mots. Il faut dire que le concept de base est particulièrement original : utiliser ses doigts à la manière d’un compas pour déplacer une figurine sur le plateau. Le petit doigt reste planté à l’endroit de notre choix et on utilise le pouce pour pousser un meeple Animal d’une rotation de la main. Votre tour s’arrête quand vous ne pouvez plus faire avancer votre figurine ou quand vous faites tomber l’un des éléments du décor.

Parce que c’est dans un grand royaume que votre meeple Animal se déplace. Et sa route est jonchée d’obstacles. Des pions Arbres qui parsèment la forêt, des Champignons qui encombrent la caverne du Dragon ou des Monstres qui errent dans le château maléfique.

Votre but : résoudre 2 quêtes parmi 3, définies aléatoirement en début de partie, et retourner au village. Vous aurez ainsi à accompagner une figurine Dragonnet perdue dans la forêt, jusqu’à sa maman qui l’attend au fond de sa grotte. Où peut-être devrez-vous combattre un grand vilain dans une arène au cœur d’un château maléfique ? Ou bien, devrez-vous ramener une série de cristaux, répartis un peu partout sur le plateau en début de partie ?

En plus d’un concept vraiment innovant, « Pattes Magiques » recèle de pleins de petits détails mécaniques vraiment cohérents. Les cristaux que vous ramassez sont ainsi « stockés » dans la main que vous utilisez comme compas, vous encombrant petit à petit. Les salles su château sont maudites et vous devez lancer un dé pour définir une malédiction (transformation du meeple en une forme plus compliquée à déplacer ; élastique placé entre les doigts pour limiter leur écartement…).

Bien sûr, je vous vois venir : avec leurs doigts plus élancés, les adultes sont forcément avantagés dans les déplacements. Mais là encore le jeu équilibre les choses de manière ingénieuse. Le plateau est divisé en différentes régions et on doit s’arrêter à la frontière de chacune, empêchant les grandes échappées. Mais surtout, en début de partie, les plus jeunes vont choisir un meeple stable (de type « Poule ») quand les plus grands choisiront un animal haut sur patte (comme le cheval ou la vache). Et il faudra beaucoup de dextérité pour les garder en équilibre.

« Pattes Magiques » est un prototype qui DOIT trouver un éditeur tant son concept est innovant et tant chaque détail mécanique est cohérent et plein de malice. Un jeu qui mêle aventure et dextérité avec brio. Quand ma fille a appris qu’il n’avait pas remporté le prix Ludinord, son visage s’est décomposé et elle s’est écriée : « Noooon… Ça veut dire qu’on ne pourra jamais avoir une boîte du jeu à la maison… » Amis éditeurs, si vous voulez lui donner tort, vous savez ce qu’il vous reste à faire…


Avant de reprendre le train, on a longuement arpenté les boutiques du salon et on a rempli nos valises de jeux qu’on a pu découvrir lors du festival et d’autres nouveautés (“Carapate” de chez Gigamic, l’hilarant “2 Pommes 3 Pains”  de chez Prétexte ou encore “Shuppa” qu’on vous a présenté plus haut). Des jeux que vous retrouverez très rapidement en test sur Plateau Marmots.

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